Richard Wagner : Lohengrin
Lohengrin fait partie, avec le Vaisseau Fantôme et Tannhäuser, des premiers opéras célèbres de Richard Wagner. Le système de « leitmotiv », ces thèmes attachés à des personnages, des objets, des sentiments ou des événements, qui reviennent tout au long de l’ouvrage, se développe réellement pour la première fois. Lohengrin est aussi le premier à dépasser les trois heures et demi, format en dessous duquel Wagner ne redescendra plus (à part naturellement pour l’Or du Rhin, mais qui n’est qu’un « Prologue »).
Comme chaque fois, le livret est réalisé par Wagner lui-même d’après une légende nordique, celte ou germanique. Ici se mélangent la Geste de Garin de Lorraine (« Lorraine-Grin ») et le cycle des Chevaliers du Graal (Lohengrin est fils de Perseval-Parsifal apprend-on à la fin de l’acte III ; il est d’ailleurs saisissant de réaliser que Wagner réutilisera pour son dernier opéra, Parsifal, plus de trente ans plus tard, les thèmes musicaux du Graal et du Cygne découverts dans Lohengrin).
Il serait trop long de décrire ici l’intrigue, toujours complexe et pouvant se lire à plusieurs degrés comme les contes de fées, pleine de chevalerie, de merveilleux, de serments, secrets et parjures, de complots et jalousie.
Mais on comprendra que l’ouvrage gagne beaucoup à la représentation scénique, en direct ou en DVD. En effet, cela permet d’ajouter à la beauté de la musique la compréhension du livret et la perception d’une action très « visuelle » (tournoi, mouvements de foules, jeux des conspirateurs…). Pour tout cela, le film réalisé lors du festival de Baden-Baden en juin 2006, avec une distribution dominée par une magnifique (à tout point de vue) Waltraud Meier et les forces (chœurs et orchestre) de Kent Nagano, est idéal. La direction d’orchestre est magnifique, de la finesse du prélude jusqu’aux scènes de combat. La mise en scène est très efficace. En particulier le jugement d’Elsa de Brabant et l’arrivée de son sauveur, Lohengrin, sont extrêmement prenants. La direction d’acteurs, souvent imperceptible dans une salle d’opéra, est ici très marquante et réussie.
Bien sûr, nous n’avons pas ici les grands chanteurs wagnériens de l’après-guerre (la prétendue décadence du chant wagnérien est de toute façon un lieu commun depuis plus de cinquante ans), et nous n’avons pas non plus, à part Waltraud Meier déjà citée, les plus célèbres des wagnériens actuels ; j’avoue d’ailleurs pour ma part un faible pour l’interprétation poignante et absolument contre-nature de Lohengrin par le grand puccinien qu’est Placido Domingo (sous la direction de sir Georg Solti). Mais cette production est d’un niveau très supérieur à la moyenne de ce que l’on voit dans les grandes maisons d’opéra aujourd’hui. Elle est absolument recommandable.