Wolfgang Amadeus Mozart : Sonates K. 282, K. 545, K. 310 / Frédéric Chopin : 12 Études op. 10 et 25
Sviatoslav Richter, piano, Barbican Center 1989
Voici un enregistrement public incroyable. Détestant être filmé, le grand Richter avait découvert le projet de film quelques instants avant ce concert de 1989, et avait accepté d’être enregistré en public au Barbican Center de Londres uniquement sous certaines conditions. La salle et la scène sont totalement plongées dans le noir, seul le clavier étant très légèrement éclairé. Les spectateurs n’ont rien dû voir de toute la soirée. Mais ils ont entendu ! Et ce qu’ils ont entendu est magnifique.
Égoïstement, nous avons la chance en DVD de profiter d’une caméra gros plan de profil et d’une caméra de dessus en vue plongeante, et c’est pour nous parfait, car nous voyons le pianiste et ses mains. Le son est également très bon et très bien rendu.
Richter à 75 ans n’est pas du tout assagi, ces pièces sont prises à bras-le-corps et l’auditeur n’en sort relâché qu’à la fin du concert. Ses basses profondes et son jeu lisible, clair, très phonogénique maintiennent en permanence l’attention de l’auditeur. Richter a une partition, et même un tourneur de pages, mais il ne la regarde pas. Évidemment on a connu interprète plus affable, nous ne verrons aucun sourire pendant près de deux heures, même lors de saluts qui paraissent bien forcés, ni même pour offrir le bis (une des Études-Tableaux de Rachmaninov, magistrale).
En première partie de concert, trois sonates de Mozart dont la merveilleuse Sonate de jeunesse K. 282 et la célèbre Sonate « facile » K. 545. Le grand pianiste Artur Schnabel avait dit que le piano de Mozart était trop facile pour les enfants, mais trop difficile pour les adultes. Dans la Sonate facile K. 545, qui pourrait paraître bien scolaire sous d’autres doigts, on est emporté par tant de naturel et pourtant tant de variété. Et, dans la grande et dramatique Sonate K. 310, Richter apporte de nombreuses idées nouvelles d’interprétation. Mozart est ainsi redécouvert et mis à nu par celui qui fut l’un des plus grands pianistes de tous les temps.
En seconde partie huit Études de Chopin du premier livre op. 10 et quatre du second livre op. 25, parmi les plus connues, dont la grande Étude révolutionnaire et celle qui sert de base à Gainsbourg dans son duo licencieux avec sa fille. Richter y donne toute sa puissance, qui n’est pas simplement l’usage de la force.
Magnifique concert !
Un DVD Medici Arts