Rigault de Genouilly
Porté par son penchant pour les grands explorateurs, Christian Marbach, Président de la Sabix, avait consacré le bulletin n° 31 à Hyacinthe de Bougainville, polytechnicien de la promotion 1799, qui commanda une expédition autour du monde entre 1824 et 1826. Dans le bulletin n° 35 il étend son propos à l’ensemble des anciens élèves qui ont servi dans la marine, l’hydrographie, la signalisation maritime… À partir du Dictionnaire des marins français publié récemment par Étienne Taillemite, il en dresse une liste et cherche à en dégager une vision globale en distinguant trois groupes principaux, un gros tiers de “ technologues ”, un petit tiers de plutôt “ géographes ”, un tiers à dominante délibérément militaire.
Parmi ce groupe Rigault de Genouilly manifeste sa forte personnalité et le bulletin est centré sur sa biographie présentée par Étienne Taillemite, historien et membre de l’Académie de marine. Le récit de la carrière assez mouvementée d’un homme opiniâtre et autoritaire illustre de façon vivante l’histoire de la politique extérieure de la France au cours du XIXe siècle. En effet, Rigault de Genouilly, polytechnicien de la promotion 1825, apparaît sur tous les fronts, l’expédition de Morée, le débarquement de Sidi-Ferruch, la bataille de Lisbonne, le débarquement d’Ancône, une première campagne en Extrême-Orient (1847), la guerre de Crimée, puis la conquête de Saïgon. Nommé ministre de la Marine en 1867, il œuvre activement pour la préparation des navires de combat et pour l’instruction des hommes, mais à la déclaration de guerre la situation générale paraît bien compromise et le projet aventureux d’un débarquement sur les rivages prussiens de la Baltique est abandonné… puis il quitte le gouvernement dans les tristes circonstances du 4 septembre 1870.
Rigault de Genouilly fut aussi le premier président de la Société centrale de sauvetage des naufragés, ce qui donne à Christian Marbach l’occasion d’appeler l’attention des lecteurs sur la richesse des archives de la Société de sauvetage en mer.
Vincent Guigueno (88), auteur d’un ouvrage récent sur le Service des phares, souligne l’importance des travaux collectifs de la Commission instituée par le comte Molé en 1811 dans la construction d’un réseau de phares sur les côtes de France au cours du XIXe siècle. Il met en question le mythe entretenu autour de la figure tutélaire de Fresnel dont le mérite n’est peut-être pas tant la réalisation des lentilles à échelon… que son obstination à faire réaliser un appareil dont chaque élément – les lentilles, la lampe et le système de rotation – appartenait à des domaines de compétences jusqu’alors disjoints… Quant aux emplacements des phares, ils furent décidés non pas au coup par coup en réponse à des catastrophes maritimes, mais comme un système résultant d’une logique fondée sur des expériences et des savoirs scientifiques.
Olivier Chapuis traite des relations entre l’École polytechnique et l’hydrographie française. Il rappelle que si l’École est très rapidement devenue le fournisseur exclusif du corps des ingénieurs hydrographes, la formation pratique de ces derniers… a longtemps été marquée de l’empreinte… de Beautemps-Beaupré, père de l’hydrographie moderne.
Mais comment les marins auraient-ils navigué sans scruter le ciel ? Justement l’image du ciel constellé sert d’affiche à la remarquable exposition réalisée par la Bibliothèque de l’École, intitulée La tête dans les étoiles à l’École polytechnique, l’astronomie à l’origine des sciences. La bibliothèque présente une belle série d’instruments du XIXe siècle prêtés par l’IGN, des panneaux rappelant les grandes étapes de la mesure du monde, et de vieux traités d’astronomie habilement présentés dans les salles de lecture.
Le bulletin Sabix accompagne cette manifestation par un bref article, “Les X astronomes”, rédigé par Martin Lemoine (88, Institut d’astrophysique de Paris) et Guy Perrin (90, Observatoire de Paris). Ce texte relativement court, mais clair et dense, résume les contributions des polytechniciens aux progrès de l’astronomie au cours du XIXe siècle. Il montre que si les Français ont pris une part active aux succès écrasants de la mécanique céleste à cette époque, ils ont coopéré aussi à la mutation de l’astronomie en une astrophysique dotée d’instruments d’investigation puissants qui permettent de quantifier les caractéristiques des objets célestes. Ceci alors qu’au début de ce siècle Auguste Comte désespérait de ne pouvoir un jour connaître la composition des astres !
Le bulletin n° 35 s’achève par la transcription d’un exposé prononcé par Gilles Cosson (57) devant l’assemblée générale de la Sabix sur le thème : Le roman historique : démarche personnelle ou reconstitution ? Dans une première partie, d’analyse critique, le conférencier s’appuyait sur une riche expérience de lecteur pour s’interroger sur les attributs qui peuvent nous conduire à considérer une oeuvre littéraire comme un roman historique. Dans une deuxième partie, il dessinait sans aucun fard les circonstances et le cheminement intellectuel très personnel qui l’ont amené à écrire de tels romans1. Pour notre part ajoutons que si Gilles Cosson construit ses romans à partir d’une exploration scrupuleuse de documents d’archives et d’une réflexion lucide sur les grands problèmes touchant à la philosophie ou à la politique, il réussit parfaitement à faire ressentir par son lecteur l’émotion des grands paysages et des situations d’extrême tension dans lesquelles il place souvent ses personnages.
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1. Arenna, Flammarion, 1988.
Les taureaux de Khorsabad, Plon, 1993.
Le Chevalier de Saint-Jean d’Acre, Plon, 1995.
Tourmente et Passion, éditions de Paris, Max Chaleil, 2001.