Rive droite, rive gauche : petit panorama des grands crus de Bordeaux
On parle et on écrit beaucoup sur la concurrence des vins étrangers, mais elle ne concerne pas vraiment les crus classés de Bordeaux, qui restent dominants sur le marché des grands vins, comme en attestent les cartes des grands restaurants, en France et à l’étranger, et les résultats des grandes ventes aux enchères de vins fins à Londres et à New York. Il y a beaucoup de raisons à cela, par exemple Bordeaux est le seul endroit au monde où on puisse produire un très grand vin en grande quantité (plusieurs centaines de milliers de bouteilles).
Dans les pays du “ Nouveau Monde ” quand on essaie de rivaliser avec les grands bordeaux, on fait surtout des vins de garage : quelques centaines ou quelques milliers d’exemplaires de vins très concentrés marqués de manière souvent excessive par le bois et qui ne s’épanouissent pas à table, parce qu’ils sont trop alcoolisés, au contraire des bordeaux, qui sont de grands vins de gastronomie.
Par ailleurs, contrairement à une légende tenace, les vins étrangers qui prétendent rivaliser avec de grands bordeaux sont très chers, plus chers que les crus classés de Bordeaux. Il y a une explication à cette suprématie des grands bordeaux : tous les grands cépages français sont cultivés à leur limite septentrionale de maturité sur des terroirs pauvres, c’est dans ces conditions qu’on obtient les meilleurs fruits, et qu’on peut produire des vins très fins, taillés pour la garde. C’est aussi la raison pour laquelle le millésime est très important à Bordeaux.
À l’inverse, les vins du “ Nouveau Monde ” proviennent de régions où il y a toujours beaucoup de soleil, ce qui donne du degré alcoolique mais peu de finesse.
Il y a aussi une seconde explication : les vins de Bordeaux proviennent de l’assemblage de plusieurs cépages, chacun avec ses particularités, qui contribuent à la qualité de l’ensemble. Dans des climats plus ensoleillés, le cabernet sauvignon prédomine et n’est pas associé au cabernet franc et au merlot, sauf de façon anecdotique.
En bref, la supériorité des vins de Bordeaux provient de cet ensemble de sols, de cépages et de climat qu’on appelle terroir. D’où l’importance de pouvoir identifier les meilleurs terroirs et donc les meilleurs crus, dans une très vaste région viticole (près de 120 000 hectares), la plus grande région de production de vins fins au monde. Pour cela, il est commode de se référer aux classements qui, même critiqués, ont leur vertu. Un bon moyen de les aborder et de les mémoriser est de se rappeler que, comme à Paris, il existe à Bordeaux une rive droite et une rive gauche. Les connotations ne sont pas les mêmes, mais la distinction est commode et elle correspond à une réalité.
La rive gauche se trouve au sud de la Gironde et de la Garonne. Les deux principales régions qui la composent sont le Médoc, au nord de Bordeaux et les Graves, au sud. On y produit des vins rouges (dans le Médoc et dans les Graves) et des vins blancs (dans les Graves), ainsi que des vins liquoreux tout à fait au sud des Graves, dans la région de Sauternes. Le sol est surtout graveleux et le cépage dominant des vins rouges est le cabernet sauvignon, alors que les vins blancs sont surtout issus des cépages sauvignon et sémillon.
La rive droite est au nord de la Dordogne. Ses deux appellations les plus connues sont Saint-Émilion et Pomerol. Les terroirs sont souvent argileux. On n’y produit guère que des vins rouges et le cépage dominant est le merlot. Entre la rive droite et une partie de la rive gauche (entre la Dordogne et la Garonne) on trouve la région de l’Entre- Deux-Mers qui produit des vins blancs mais aussi des vins rouges (premières-côtes-de-bordeaux, notamment).
Bien qu’il y ait dans chaque région un cépage prédominant, la plupart des vins de Bordeaux sont, à de rares exceptions près, des vins d’assemblage. Assemblage, pour les vins rouges, de cabernet sauvignon, de merlot et de cabernet franc, assemblage pour les vins blancs de sauvignon et de sémillon.
(À suivre)