Robert Bonnal (36) Apôtre de la coopération française
Après un bref séjour en Tunisie, Robert Bonnal, mobilisé à la fin de la Seconde Guerre mondiale, arrive à Dakar en 1947. Olivier Bigorgne lui offre le poste de directeur des travaux publics de la Guinée française ; il rejoint donc Conakry et devient l’un des principaux collaborateurs du gouverneur Roland Pré dont il restera un ami fidèle.
De la Guinée à la rue Monsieur
Ceux qui ont lu le livre de Roland Pré écrit au début des années 1950 L’avenir de la Guinée française savent que ce pays avait (et a toujours) d’immenses ressources potentielles dans les domaines les plus divers (riz, bananes, quinquina, fer, bauxite, or, diamant, énergie hydraulique).
« La France s’est portée aux premières lignes de front en faveur du Tiers monde »
Point de vue confirmé vingt ans après par le gouverneur Masson, patron de l’éphémère MARG (Mission d’aménagement régionale en Guinée).
Ceux qui ont lu le livre de Claude Abou Diakité La Guinée enchaînée, le livre noir de Sékou Touré savent que ce dictateur a non seulement massacré nombre de ses concitoyens, mais aussi compromis pour longtemps le développement exceptionnel de ce pays. Robert Bonnal savait tout cela lorsqu’il a commencé une seconde carrière en s’installant à Paris, rue Monsieur, pour devenir le pilier de la coopération de la France en faveur de ses anciennes colonies, à un triple titre : ministère de la Coopération, ministère de l’Équipement, et BCEOM (dont il était devenu président).
Trente ans au service d’une cause
Robert Bonnal consacre quelques pages aux trois décennies de coopération : « Pendant les années soixante, le taux de croissance est bon, voire brillant (plus de 5 % en moyenne), le développement paraît bien parti (malgré le cri d’alarme de René Dumont L’Afrique noire est mal partie), il y a l’euphorie des indépendances […].
L’amour de l’Afrique
Robert Bonnal se caractérisait par de solides convictions religieuses qui lui faisaient considérer son métier comme un apostolat, un amour de l’Afrique dont il a souhaité le développement harmonieux au-delà des indépendances qu’il a toujours souhaitées, un sens aigu des réalités (il était parfaitement conscient des défauts et des qualités des hommes avec qui il travaillait), une grande générosité à l’égard de ses collaborateurs, une volonté farouche d’améliorer le vaste domaine qui lui était confié.
Au seuil des années soixante-dix, les défauts structurels des États, plus ou moins masqués jusque-là, apparaissent au grand jour, il devient clair que la majorité d’entre eux fonctionnent à un train de vie qui excède leurs moyens […].
À partir des années quatre-vingt, les choses se gâtent sérieusement pour tout le monde (ou presque) à cause notamment des effets du 2e choc pétrolier (1979), les pays qui s’étaient mis à vivre sur un grand pied ne sont plus en état d’honorer le remboursement des emprunts et sont obligés de freiner brutalement. »
Je terminerai par quelques mots de Robert Bonnal sur la coopération française : « Il faut d’abord dire sans faire preuve de fierté nationale déplacée que la France s’est constamment portée aux premières lignes de front en faveur du Tiers monde […] un des points sensibles du débat : monoculture ou diversification ? Il ne s’agit pas d’opposer l’une à l’autre, il faut au contraire combiner partout où on le peut cultures de rente et cultures vivrières […]. La coopération française s’est toujours imposé comme ligne de conduite de ne pas discriminer ses interventions en fonction des régimes politiques adoptés par les pays partenaires […].