Robert SCHUMANN : les quatre symphonies
On a l’habitude de sous-évaluer, voire de dénigrer l’œuvre symphonique de Schumann. Il faut reconnaître que le romantique Schumann (comme Schubert avant lui) s’est surtout magnifiquement illustré dans les œuvres pour le piano, les lieder et la musique de chambre.
Composer des symphonies après Beethoven était impressionnant, il est vrai. On a reproché également à ces symphonies une orchestration maladroite. Mahler s’est même senti obligé de les réorchestrer (très réussi).
Le film que Paavo Järvi a fait réaliser dans des conditions incroyables fera taire tous ces commentaires, tant l’inventivité de l’interprétation et l’allègement de la structure orchestrale mettront tout le monde d’accord sur la qualité de chefs‑d’œuvre que sont ces quatre symphonies.
Ces symphonies imagées (la première se surnomme Le Printemps, la troisième Rhénane) sont inventives, riches, archi-romantiques, pleines de vie et d’esprit. Par exemple, le flux orchestral du début de la symphonie Rhénane fait penser au bouillonnement du Rhin, le Rhin dans lequel Schumann se jettera quatre ans plus tard.
Notons pour l’anecdote que le choral de cuivres de la quatrième symphonie a été repris par Wagner dans Parsifal (et non le contraire comme a tenté de le faire croire Järvi à son orchestre durant les répétitions).
L’idée initiale de cette production est un film pédagogique sur les symphonies de Schumann. Très intéressant, il présente l’histoire de Schumann et montre Järvi présentant les œuvres, exemples musicaux à l’appui, avec des extraits des symphonies filmées dans un espace original, un grand hangar du Pier 2 du port de Brême, plus utilisé pour les concerts pop et rock que pour la musique classique, entièrement aménagé pour l’occasion.
L’intérêt du DVD (et mieux encore, du Blu-ray) est l’interprétation intégrale des quatre symphonies, mais dans des conditions de qualité visuelle et acoustique remarquables car prévue initialement pour illustrer le film pédagogique. Les images, couleurs et les contrastes sont superbes, le son vraiment très bien enregistré (vingt-deux micros, vingt-deux pistes, parfait). Et ce qu’il y a à voir et entendre est remarquable.
En effet, Paavo Järvi nous interprète ces symphonies avec l’orchestre idéal, au bon format, véritable Ensemble de taille intermédiaire (quatre contrebasses seulement) qui dégraisse la texture orchestrale et qui fait ressortir l’originalité de l’orchestration, très réussie contrairement à la rumeur publique.
Avec des tempos souples, jamais figés, Järvi sait être tantôt léger, très léger, tantôt au contraire profond, variant continûment les climats. Surtout depuis son passage à la tête de l’Orchestre de Paris, Paavo Järvi est désormais plus connu que son père, le chef boulimique d’enregistrement Neeme Järvi.
C’est un des meilleurs chefs actuels, cet enregistrement le prouve.