Roger Godino

Roger Godino (51) : conquérant de l’imaginaire

Dossier : TrajectoiresMagazine N°750 Décembre 2019
Par Michel BERRY (63)

Roger Godi­no est décé­dé le 18 sep­tembre 2019. Esprit entre­pre­nant dans de mul­tiples domaines, il a tou­jours été ani­mé par le désir de rendre concrètes des uto­pies qu’il par­ta­geait avec quelques proches.

Petit-fils d’un immi­gré ita­lien, fils d’un cor­don­nier de Cham­bé­ry, Roger Godi­no, après l’X puis Har­vard, a sans doute vou­lu rendre à la Répu­blique et à sa région natale ce qu’elles lui avaient apporté.

Le bâtisseur

Il par­ti­cipe d’abord à la créa­tion de l’Insead comme pro­fes­seur, puis comme doyen. Pas­sion­né par l’enseignement avec la méthode des cas, il fait tra­vailler une équipe d’élèves sur un pro­jet de créa­tion de sta­tion de sports d’hiver à Bourg-Saint-Mau­rice. Le pro­jet paraît tel­le­ment convain­cant que ceux-ci lui disent : « Pour­quoi ne le réa­li­se­riez-vous pas ? » Il relève le défi, et c’est le début d’une grande aven­ture. Pour que ce pro­jet serve au déve­lop­pe­ment de la région, il sou­haite que la sta­tion vive l’été comme l’hiver et qu’elle attire les familles, pas seule­ment de jeunes spor­tifs. Il lance un pro­jet nova­teur et auda­cieux car il part sans capi­tal, et par­vient à lever les fonds néces­saires auprès de nom­breux inves­tis­seurs. S’appuyant sur des per­sonnes de talent comme l’architecte Char­lotte Per­riand – il a su tou­jours s’entourer – il crée la sta­tion des Arcs sous forme d’entreprise inté­grée, ce qui aide à par­ve­nir à un ensemble cohé­rent, avec de riches acti­vi­tés collectives.

Le mécène des arts

Sur les modèles d’Aspen et de Banff, il demande à un jeune orga­ni­sa­teur ren­con­tré à Royau­mont, Yves Petit de Voize, de créer un pro­jet musi­cal grand public (concerts gra­tuits) et péda­go­gique (une aca­dé­mie). L’Académie-festival des Arcs de musique et de danse accueille chaque été, dès 1974, 200 appren­tis musi­ciens et dan­seurs. Par­mi eux, se révèle un jeune sta­giaire de six ans : Renaud Capu­çon. En 1996, il sou­tient Renaud Capu­çon et Yves Petit de Voize pour créer le fes­ti­val de Pâques de Deau­ville afin d’aider les jeunes à entrer dans la car­rière musi­cale, fes­ti­val qui révé­le­ra quatre géné­ra­tions de musi­ciens par­mi les plus en vue d’aujourd’hui.

Le passionné de politique

La poli­tique est sa pas­sion, avec comme réfé­rence Pierre Men­dès-France ; il sui­vra et accom­pa­gne­ra le par­cours de Michel Rocard. Il crée en 1984 le Groupe des Arcs, qu’il réunit régu­liè­re­ment pour affi­ner des idées et concoc­ter des pro­jets, comme le RMI ou la CSG. Conseiller éco­no­mique au cabi­net de Michel Rocard de 1988 à 1991, il ne cherche pas à être ministre car il n’est pas atti­ré par le pou­voir. Il pré­fère défendre des pro­jets auprès de ministres, de pré­si­dents de la Répu­blique, de res­pon­sables de l’Europe, ou sou­te­nir des organes de réflexion comme Ter­ra Nova.

L’humaniste

Huma­niste, il s’implique dans de mul­tiples causes. Pre­nant la pré­si­dence d’Action contre la faim, il se donne le défi de déve­lop­per l’association avec l’appui d’entreprises. Il crée la Fon­da­tion Roger Godi­no pour inter­ve­nir dans la for­ma­tion, l’enseignement supé­rieur, l’écologie, la culture, et accom­pa­gner des actions huma­ni­taires. Il a en paral­lèle des pro­jets pour trans­for­mer l’entreprise et réen­chan­ter le tra­vail, sujet sur lequel il écrit des livres remarqués.

Je l’ai tou­jours connu avec des idées nova­trices en tête. Quand il par­lait de ses pro­jets, son œil pétillait jusqu’à l’heure de son der­nier souffle.


Lire aus­si : L’INSEAD dans La Jaune et la Rouge n° 618, Octobre 2006

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