Roger Godino (51) : conquérant de l’imaginaire
Roger Godino est décédé le 18 septembre 2019. Esprit entreprenant dans de multiples domaines, il a toujours été animé par le désir de rendre concrètes des utopies qu’il partageait avec quelques proches.
Petit-fils d’un immigré italien, fils d’un cordonnier de Chambéry, Roger Godino, après l’X puis Harvard, a sans doute voulu rendre à la République et à sa région natale ce qu’elles lui avaient apporté.
Le bâtisseur
Il participe d’abord à la création de l’Insead comme professeur, puis comme doyen. Passionné par l’enseignement avec la méthode des cas, il fait travailler une équipe d’élèves sur un projet de création de station de sports d’hiver à Bourg-Saint-Maurice. Le projet paraît tellement convaincant que ceux-ci lui disent : « Pourquoi ne le réaliseriez-vous pas ? » Il relève le défi, et c’est le début d’une grande aventure. Pour que ce projet serve au développement de la région, il souhaite que la station vive l’été comme l’hiver et qu’elle attire les familles, pas seulement de jeunes sportifs. Il lance un projet novateur et audacieux car il part sans capital, et parvient à lever les fonds nécessaires auprès de nombreux investisseurs. S’appuyant sur des personnes de talent comme l’architecte Charlotte Perriand – il a su toujours s’entourer – il crée la station des Arcs sous forme d’entreprise intégrée, ce qui aide à parvenir à un ensemble cohérent, avec de riches activités collectives.
Le mécène des arts
Sur les modèles d’Aspen et de Banff, il demande à un jeune organisateur rencontré à Royaumont, Yves Petit de Voize, de créer un projet musical grand public (concerts gratuits) et pédagogique (une académie). L’Académie-festival des Arcs de musique et de danse accueille chaque été, dès 1974, 200 apprentis musiciens et danseurs. Parmi eux, se révèle un jeune stagiaire de six ans : Renaud Capuçon. En 1996, il soutient Renaud Capuçon et Yves Petit de Voize pour créer le festival de Pâques de Deauville afin d’aider les jeunes à entrer dans la carrière musicale, festival qui révélera quatre générations de musiciens parmi les plus en vue d’aujourd’hui.
Le passionné de politique
La politique est sa passion, avec comme référence Pierre Mendès-France ; il suivra et accompagnera le parcours de Michel Rocard. Il crée en 1984 le Groupe des Arcs, qu’il réunit régulièrement pour affiner des idées et concocter des projets, comme le RMI ou la CSG. Conseiller économique au cabinet de Michel Rocard de 1988 à 1991, il ne cherche pas à être ministre car il n’est pas attiré par le pouvoir. Il préfère défendre des projets auprès de ministres, de présidents de la République, de responsables de l’Europe, ou soutenir des organes de réflexion comme Terra Nova.
L’humaniste
Humaniste, il s’implique dans de multiples causes. Prenant la présidence d’Action contre la faim, il se donne le défi de développer l’association avec l’appui d’entreprises. Il crée la Fondation Roger Godino pour intervenir dans la formation, l’enseignement supérieur, l’écologie, la culture, et accompagner des actions humanitaires. Il a en parallèle des projets pour transformer l’entreprise et réenchanter le travail, sujet sur lequel il écrit des livres remarqués.
Je l’ai toujours connu avec des idées novatrices en tête. Quand il parlait de ses projets, son œil pétillait jusqu’à l’heure de son dernier souffle.
Lire aussi : L’INSEAD dans La Jaune et la Rouge n° 618, Octobre 2006