Roland Lescure (X87) Audace et fidélité
Roland Lescure (X87) est ministre délégué chargé de l’Industrie depuis une petite année. Mais auparavant il avait travaillé dans la banque, d’abord en France, puis au Canada où il a redressé de façon remarquable la Caisse de dépôt et placement du Québec. Séduit par Emmanuel Macron, il figure parmi ses tout premiers soutiens, devient député et président de la Commission des affaires économiques ; il fut rapporteur général de la loi Pacte.
L’audace est son fort. La tient-il de son grand-père, Pierre de Lescure (1891−1963), grand résistant et cofondateur en 1941 avec Vercors (Jean Bruller, 1902–1991) des Éditions de Minuit ? La fidélité est un autre atout. « C’est important de savoir d’où on vient. » Il en est convaincu. Son père, François Lescure (1920−1992), autre grand résistant, fut journaliste à L’Humanité, cinquante ans durant ; sa mère, Paulette Baudoin, syndicaliste CGT à la RATP.
Un début de carrière prometteur
Il entre à l’École en 1987, dans la section de volley-ball, après un service national dans l’armée de l’Air. Durant sa scolarité à Palaiseau, il anime avec Cyrille Sautereau la radio « Jazz à l’X ». Il y goûte les cours, entre autres, de Thierry de Montbrial (X63) en économie et de Jacques Neveu (1932−2016) en mathématiques appliquées. À la sortie de l’X, il opte pour l’Ensae (1990−1992) et se perfectionne en économie à la London School of Economics. Fidélité à ses formateurs : il retourne à Palaiseau le vendredi 17 février 2023 et le même jour à l’Ensae. Il travaille au ministère de l’Économie et des Finances, notamment au moment de la création de l’euro, puis à l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et à la Caisse des dépôts et consignations. En 2005, il est nommé directeur général délégué de Natixis Asset Management. En 2006, il devient directeur général adjoint et directeur des gestions de Groupama AM.
Départ pour le Québec
Pour Roland Lescure, l’audace consista tout particulièrement, en 2009, à poser sa candidature à un poste majeur, loin de Paris, loin de la France : à un fonds de pension nord-américain, comme vice-président et chef des placements de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), dont il supervisera 80 % de l’activité, après avoir été choisi parmi trois cents candidats.
La CDPQ, lorsqu’il y est nommé, est en posture critique : entre 2007 et 2008, la Caisse de dépôt et placement du Québec voyait son actif net fondre de 35,2 milliards de dollars et accusait une perte nette de 40 milliards de dollars. En 2007, soit un an avant que la crise ne sévisse, l’actif de la Caisse se chiffrait à 227 milliards de dollars. Elle lui doit son redressement. Roland Lescure passa donc, avec les siens – son épouse Susie, enseignante de yoga, et lui ont trois enfants – huit années au Québec : il y goûte professionnellement « une vraie culture entrepreneuriale ». Ses loisirs, outre sa vie familiale, sont occupés par la lecture (romans, dont des polars), l’écoute de la musique (principalement jazz, rap et rock) et le visionnement de films de cinéma. Pourquoi et comment la France a‑t-elle récupéré ce gestionnaire de premier plan ? Du fait de son audace, couplée à son enthousiasme ; et d’une conviction, « je préfère largement le pragma des résultats au dogma de l’idéologie ».
“Je préfère largement le pragma des résultats au dogma de l’idéologie.”
Une nouvelle grande aventure
En 2012, il rencontra Emmanuel Macron, alors secrétaire général adjoint de l’Élysée, lors d’une réunion avec des investisseurs. Il deviendra l’un des premiers contributeurs financiers de sa campagne présidentielle. Il est l’un des premiers adhérents à En Marche. C’est avec détermination qu’il décide de changer de vie, de carrière, et de se porter candidat à la députation, comme représentant des Français de l’étranger – en Amérique du Nord donc. Il est élu député (Marcheur) en 2017, avec près de 80 % des voix. « Je suis devenu plus politique dans le sens où j’ai appris à naviguer dans un environnement que je ne maîtrisais pas. J’espère avoir gardé mon ancrage dans le secteur privé – l’efficacité est pour moi une valeur cardinale – et conservé une spontanéité nord-américaine. Les Français de la circonscription m’y aident. Ils n’hésitent pas à me dire quand ils me trouvent un peu trop langue de bois ! » À l’Assemblée nationale, où il va présider la Commission des affaires économiques : « J’ai eu l’honneur d’être rapporteur général de la loi Pacte, que j’ai étudiée en projet avant d’en piloter l’équipe de rapporteurs, en duo avec Olivia Grégoire qui présidait la commission spéciale et en partenariat avec Bruno Le Maire, un des meilleurs ministres des Finances de la Ve République. » Puis, le 4 juillet 2022, il est nommé ministre délégué chargé de l’Industrie, dans le gouvernement d’Élisabeth Borne (X81). Dans ses nouvelles fonctions – délicates du fait de la désindustrialisation de notre pays depuis plusieurs décennies – il donne la priorité à la décarbonation, changement climatique oblige.
Pour pleinement apprécier sa lucidité – que dis-je ? la fraîcheur de son regard, sa volonté de contribuer à mettre notre pays à niveau, en dépit de notre conservatisme viscéral –, lisez son livre : Nos totems et nos tabous : dépassons-les ! éditions de l’Aube, 2021.
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La mère de Roland Lescure n’est pas Paulette Baudoin, mais Jeanne Catherine Kernéis , syndicaliste CGT, membre du conseil d’administration de la RATP (Décret du 10 novembre 1998 portant promotion et nomination : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000002006440).
Son frère aîné est Jean-François Lescure (Cf. Jef Kernès : https://jefkerneis.com/).