Rompre son contrat de travail
Le schéma traditionnel de la démission remise par le salarié et du licenciement infligé par l’employeur a fait long feu. Désormais, le salarié, l’employeur, ou les deux parties, disposent de multiples solutions, légales ou jurisprudentielles, pour mettre fin de la façon la plus appropriée à la relation de travail.
REPÈRES
Le contrat de travail peut être interrompu par le salarié, par l’employeur ou d’un commun accord. Outre la démission, le salarié dispose de différentes formules de résiliation. L’employeur, de son côté, peut opter pour l’un des différents modes de licenciement ou pour la mise à la retraite. Si employeur et employé sont d’accord, ils utilisent la rupture conventionnelle du contrat de travail.
LES CHOIX DU SALARIÉ
Le premier choix du salarié qui souhaite mettre fin à son contrat de travail est la démission.
L’indemnité légale ou conventionnelle n’est soumise à aucune taxe
Il ne la donnera que quand il aura retrouvé un autre emploi, puisqu’il ne bénéficiera pas des Assedic. Il sera tenu d’effectuer son préavis conventionnel ou contractuel, sauf dispense de l’employeur. Il ne touchera, lors de la remise de son solde de tout compte, que des sommes à caractère de salaire : congés payés, prorata 13e mois, prorata variable, indemnité de non-concurrence.
La résiliation judiciaire
Dénoncer un abus
L’intérêt de la demande de résiliation judiciaire pour le salarié est de dénoncer officiellement un abus commis par l’employeur, tout en restant en poste, faute de perspective de repositionnement. L’employeur ne se précipitera pas à rompre le contrat de travail, d’abord parce qu’un licenciement immédiat serait considéré comme une riposte de mauvaise foi, et également s’il estime que la brusque déclaration de guerre du salarié n’est qu’une manœuvre pour retrouver sa liberté en empochant des indemnités alors qu’un autre poste l’attend déjà. Par contre, si les doléances du salarié étaient réellement fondées, par exemple en cas de harcèlement démissionnaire, l’employeur mettra fin au contrat de travail, éventuellement dans le cadre d’une négociation, bien avant l’audience prud’homale pour éviter le coût du salaire chargé pendant une longue période stérile.
Si le salarié estime être victime d’un comportement anormal de l’employeur (rétrogradation, baisse de rémunération, harcèlement, etc.), il peut saisir le conseil des prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Il restera en poste tant que le jugement ne sera pas intervenu, soit entre douze ou vingt-quatre mois, selon les juridictions, ou plus longtemps s’il est débouté de sa demande par le conseil des prud’hommes et qu’il fait appel.
S’il gagne, le contrat de travail sera résilié avec les effets d’un licenciement abusif : indemnité de préavis et congés payés sur préavis en salaire ; indemnité légale de licenciement (fonction du temps de présence) ou indemnité conventionnelle forcément plus favorable, et pouvant aller jusqu’à un mois par année de présence. Quel que soit son montant, l’indemnité légale ou conventionnelle n’est soumise à aucune taxe. Il peut prétendre en outre à des dommages et intérêts pour licenciement infondé.
La prise d’acte de rupture
Il s’agit de l’ancien autolicenciement, mode de rupture qui, après pas mal de rebondissements jurisprudentiels, est désormais « bordé ». Le salarié adresse une lettre recommandée à l’employeur par laquelle il prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison d’agissements fautifs commis par l’employeur. Il indique qu’il entend saisir le conseil de prud’hommes compétent d’une demande de requalification de la prise d’acte de rupture en licenciement abusif.
Le salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail cesse son emploi de façon immédiate
Bien entendu, le juge prud’homal appréciera le caractère bien fondé ou non de cette rupture, et s’il n’est pas convaincu, requalifiera en démission. Se posera alors le problème de la » non-exécution du préavis « .
Le salarié, qui prend acte de la rupture de son contrat de travail, cesse son emploi de façon immédiate, sans accomplir son préavis, et ce selon la jurisprudence désormais établie.
Cela fera l’affaire du salarié cynique, pressé de prendre un autre emploi sans s’astreindre au préavis inhérent à la démission. Par contre, l’employeur pourra ressentir durement cette défection brutale qui ne lui permet pas de s’organiser. Il obtiendra, en cas de requalification de la prise d’acte en démission, la condamnation de son ancien salarié à lui payer outre les salaires correspondant au préavis inexécuté, des dommages et intérêts supplémentaires à proportion du préjudice causé.
Le départ à la retraite
Le départ à la retraite intervient à l’initiative du salarié, par opposition à la mise à la retraite notifiée par l’employeur. Le salarié âgé de plus de 60 ans peut faire valoir, dès obtention du nombre de trimestres nécessaires, ses droits à la retraite à taux plein. Sauf dispositions conventionnelles plus favorables, l’indemnité légale de départ à la retraite sera modique, au plus deux mois de salaire après trente ans d’ancienneté.
LES CHOIX DE L’EMPLOYEUR
Le licenciement pour cause personnelle
Bonne foi et discernement
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail doit donc être utilisée avec bonne foi et discernement, non pas comme une alternative à la démission mais pour mettre un terme à une collaboration rendue insupportable du fait de l’employeur. Pour pouvoir démontrer sa bonne foi, le salarié aura intérêt à procéder en deux temps : d’abord, dénoncer les abus commis et faire une demande de résiliation judiciaire alors qu’il n’a pas de perspectives de repositionnement ; ne prendre acte de la rupture de son contrat de travail qu’au moment où il a retrouvé un repositionnement (puisque la prise d’acte de rupture est exclusive des indemnités Assedic). Plus le délai sera long (au moins plus de trois mois), et plus le salarié sera en position de force.
Sauf s’il est licencié pour faute lourde, privative de toutes indemnités, y compris les congés payés échus, ou pour faute grave, privative de toutes indemnités, sauf les congés payés, le salarié licencié pour cause personnelle (fautes ou insuffisance professionnelle) touchera, outre les éléments à caractère de salaire, une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement exonérée de toute taxe sociale ou fiscale (y compris la CSG-CRDS), quel que soit le montant.
S’il poursuit l’employeur devant la juridiction prud’homale, et s’il gagne, il obtiendra des dommages et intérêts selon l’importance de son préjudice, mais qui seront au minimum de six mois de salaire s’il travaillait depuis plus de deux ans dans une structure de plus de 10 personnes.
La transaction et ses limites
En cas de transaction, les choses sont bien différentes. L’indemnité transactionnelle n’est exonérée (sauf la CSG-CRDS de 7,76 % à la charge du salarié) que si, ajoutée à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, elle est inférieure au double de la rémunération touchée au cours de l’année civile précédant l’expiration du contrat de travail. Elle est de surcroît plafonnée à six fois le plafond de la Sécurité sociale, soit 20 7720 ? pour l’année 2010.
L’employeur peut payer le triple de ce qui tombe dans la poche du salarié
Toutefois, en cas de dépassement, 50% de la somme est exonérée. Toute somme dépassant la limite autorisée est taxée en salaire (50 % charges patronales, entre 20 et 25 % de charges salariales + IRPP pour le salarié) et est donc rapidement rédhibitoire pour les deux parties. Il est clair qu’en cas de rémunération importante, l’employeur paiera le triple de ce qui tombe en net social et fiscal dans la poche du salarié.
À ce tarif-là, les parties peuvent être tentées de faire fixer judiciairement les dommages-intérêts pour bénéficier de l’exonération quel que soit le montant (sauf la CSG-CRDS de 7,76 % pour la tranche supérieure à six mois) : ou comment un mauvais procès vaut mieux qu’un bon arrangement.
Le licenciement pour cause économique
Il faut distinguer le licenciement pour cause économique individuel et le petit licenciement collectif (moins de 10 salariés), qui déclenchent les mêmes indemnités que le licenciement pour cause personnelle, avec le plan de sauvegarde pour l’emploi qui doit être mis en place dès qu’il est question de licencier en même temps plus de 10 salariés dans une entreprise de plus de 50 personnes.
Les indemnités supplémentaires par rapport aux indemnités légales et conventionnelles résultant de la négociation avec les représentants du personnel seront exonérées quel que soit leur montant, hormis la CSG-CRDS de 7,76 % à la charge du salarié.
Ce dernier pourra ainsi partir avec des indemnités défiscalisées sans limitation de plafond, même s’il est volontaire au départ (PSE axé sur le volontariat).
La mise à la retraite
Depuis le 1er janvier 2010, l’employeur a interdiction de mettre un salarié à la retraite sans son accord tant que ce dernier n’a pas fêté son 70e anniversaire.
Entre 60 et 65 ans, l’employeur n’a plus la possibilité de mettre à la retraite le salarié même si ce dernier est d’accord. Seule la voie du licenciement est ouverte à l’employeur, la rupture conventionnelle étant exclue, dès que le salarié peut fait valoir sa retraite à taux plein.
Le salarié, de son côté, s’il décide de partir en retraite à sa propre initiative devra se contenter de la très maigrichonne indemnité de départ en retraite. Entre 65 et 70 ans, l’employeur qui souhaite mettre à la retraite d’office un salarié doit l’interroger par écrit sur ses intentions au moins trois mois avant son anniversaire. Si le salarié, averti qu’il bénéficie d’un mois pour répondre, accepte de partir ou ne se manifeste pas, l’employeur peut alors le mettre à la retraite. Par contre, si le salarié fait connaître son refus dans le délai imparti, l’employeur ne pourra pas le mettre à la retraite dans l’année qui suit la date anniversaire.
Il est clair que l’objectif du législateur est de maintenir, pour préserver l’équilibre financier des caisses de retraite, la population des seniors au travail. Après avoir repoussé l’âge de la mise à la retraite, il supprime toute incitation financière aux départs en retraite.
Le droit de contester
Quel que soit le niveau des indemnités du plan, le salarié conservera toujours la possibilité de contester son licenciement devant le juge prud’homal. La clause figurant dans le PSE, conditionnant le versement des indemnités du plan à la signature par le salarié d’un désistement d’instance et d’action, est nulle. Le salarié pourra invoquer de nombreux arguments pour caractériser le mal fondé de son licenciement : cause économique invoquée infondée, défaut de périmètre du plan, absence de définition des catégories professionnelles, absence de dispositif de reclassement adapté à la taille de l’entreprise, non-respect de l’obligation de reclassement, non-respect de l’ordre et des critères du licenciement, etc.
S’il obtient satisfaction, le salarié touchera des dommages et intérêts qui, étant judiciaires, seront exonérés quel que soit le montant, sauf la CSG-CRDS de 7,76% sur la somme excédant six mois de salaire. À noter que la loi fiscale est muette sur le régime de l’indemnité transactionnelle supplémentaire par rapport aux indemnités du plan. Est-elle taxée ou exonérée ?
EMPLOYEUR ET SALARIÉ
Rupture conventionnelle du contrat de travail
Il s’agit d’un mode autonome de rupture qui, ni licenciement, ni démission, permet cependant au salarié de prétendre aux Assedic et de toucher une indemnité exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales, dans des limites analogues à celles d’une indemnité de licenciement.
Une procédure simple
La rupture conventionnelle obéit au formalisme suivant : un ou deux entretiens au cours desquels le salarié a la possibilité de se faire assister par un salarié de l’entreprise ou un Conseiller extérieur, comme dans le cas d’un entretien préalable au licenciement ; en cas d’entente sur le montant des indemnités, la signature de la convention de rupture, formulaire établi par arrêté ministériel et qui ouvre un délai de rétractation réciproque de quinze jours ; puis une demande d’homologation par le Directeur départemental du travail, qui a quinze jours pour se prononcer, son silence valant homologation.
La rupture conventionnelle a connu un vif succès, révolutionnant les habitudes en matière de négociation de départ des salariés. Le consensus est beaucoup plus facilement trouvé que dans le cadre de l’ancien licenciement « arrangé ».
En effet, la pratique consistant à inclure l’indemnité de préavis et de congés payés sur préavis dans l’indemnité de rupture conventionnelle permet à l’employeur d’économiser environ un mois et demi de salaire correspondant aux charges patronales, tandis que le salarié évite les charges sociales salariales, l’impôt sur le revenu et touche les Assedic trois mois plus tôt.
Alors que la Cour de cassation interdisait à l’employeur d’inciter le salarié à négocier tant que le licenciement figeant les motifs de la rupture n’avait pas été notifié, et ce pour éviter les pressions exercées sur le salarié encore en état de subordination, et notamment le » chantage à la faute grave « , l’employeur discute librement avec le salarié du montant du dédommagement financier.
Une remise en cause possible
L’employeur sera toutefois avisé de manier la rupture conventionnelle avec prudence. Si cette dernière a favorisé l’augmentation des départs négociés et a probablement provoqué une baisse significative du niveau moyen d’indemnisation, par contre, elle ne garantit pas l’employeur, comme la transaction intervenant après le licenciement, d’une remise en cause ultérieure par le salarié. Ce dernier dispose d’un délai d’un an pour attaquer la rupture conventionnelle devant le conseil des prud’hommes. La loi étant récente, il n’y pas encore de repères jurisprudentiels. On peut cependant s’attendre à ce que le juge prud’homal exerce un contrôle sévère sur les conditions d’obtention de l’accord du salarié (à l’instar de la protection assurée au salarié avant la notification du licenciement).