Rose Dieng (75), la dame de cœur
La vie sans Rose ? Ce fut d’abord un grand vide. Puis un étrange silence. Plus de bracelets tintinnabulant au rythme de ses pas. Ni d’éclats de rire si profonds qu’ils galvanisaient ses équipes. Ni ces grands sourires lumineux qui ensoleillaient les cœurs. Et encore moins la voix douce mais ferme de celle qui était toujours à l’écoute de l’autre.
Ne jamais renoncer
Mais la vie sans Rose, cette jeune Sénégalaise prodige arrivée en France pour faire ses classes préparatoires au lycée Fénelon avant d’intégrer l’École polytechnique en 1975, c’est aussi, depuis son décès le 30 juin 2008, devenu l’obligation pour ses équipes et ses collègues de continuer à défricher les maquis de l’intelligence artificielle. D’ouvrir encore et encore de nouvelles portes. De dépasser les frontières du possible. Et, comme elle, pardessus tout de ne jamais renoncer.
La première Africaine
L’histoire de Rose est d’abord celle d’un destin hors du commun. Celui d’une gamine née à Dakar en 1956, dans une famille de sept enfants. Une jeune fille qui depuis son plus jeune âge avait deux modèles, Gandhi et Martin Luther King. Une élève bosseuse et brillante qui, durant sa scolarité, a excellé dans toutes les matières. Douée en maths comme en lettres, elle rêvait d’être écrivain. Mais son professeur de physique de l’époque réussit à la convaincre de suivre une filière scientifique. En 1975, elle est la première Africaine à intégrer l’École polytechnique. Puis, en 1992, la deuxième femme à devenir chef de projet et à diriger une équipe de recherche à l’INRIA, de Sophia-Antipolis.
Le prix Irène Joliot-Curie
En 2005, les travaux de Rose Dieng sur l’intelligence artificielle lui vaudront d’obtenir le prix Irène Joliot-Curie, une des plus hautes distinctions dans l’univers de la recherche. Et de devenir une sommité mondialement respectée par ses pairs.
La passion, le défi, l’humanisme
Autant d’honneurs et de réussites auraient pu lui tourner la tête. Il n’en n’a jamais rien été. Car le moteur de Rose n’a jamais été les distinctions. Ses trucs à elle, c’était la passion, le défi, l’humanisme. Sa passion lui donnait l’énergie de repousser toujours plus loin les limites du savoir. Une quête jamais assouvie.
Son obsession ? Le devoir de mémoire : « Si vous ne sauvegardez pas l’information, vous la perdez », expliquait-elle à ses équipes.
Alors, elle a passé sa vie à travailler sur des systèmes d’organisation permettant de sauvegarder les données, les informations, parce que, pour elle, la transmission est le vecteur qui permet de bénéficier de l’expérience. Et donc d’avancer. Ses travaux sur la sémantique sont aujourd’hui devenus des références essentielles pour les moteurs de recherche sur Internet.
L’exigence, l’écoute et la bonté
Son défi était depuis toujours de ne jamais briser l’espoir que son pays avait placé en elle. Même si parfois la nostalgie la taraudait, Rose Dieng se savait plus utile en France qu’à Dakar. Mais jamais elle n’a voulu renoncer à sa nationalité sénégalaise. Son humanisme, surtout, lui vaut de rester dans le cœur et la mémoire de tous ceux qui ont eu la chance de partager ses travaux ou de participer à ses œuvres caritatives sur le continent africain.
Dans un univers où, comme partout, la compétition a durci les rapports humains, elle a prouvé que l’exigence pouvait cohabiter avec l’écoute et la bonté. Par-dessus tout, Rose était une dame de cœur.
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Rose Dieng
J’ai eu Rose Dieng en petites classes de méca quand elle était à l’Ecole. Dèjà, je garde le souvenir de son nom, ce qui n’est pas courant mais aussi de sa gentillesse. Pour la petite histoire, je l’avais, en mon fort intérieur, surnommée : « celle qui refuse de passer au tableau ». Et elle a eu beau me le dire, je n’ai jamais compris pourquoi !