Rose Dieng (75), la première Africaine
Après un parcours brillant au lycée de Dakar (Sénégal) – couronné par le premier prix au concours général sénégalais non seulement en mathématiques, mais aussi en français et en latin ! – Rose Dieng entre à l’École polytechnique en 1976. Diplômée de l’École nationale nupérieure des Télécommunications, elle fait ensuite une thèse en informatique à l’Université Paris Sud et intègre en 1985 l’équipe de Pierre Haren (73) à l’INRIA Sophia-Antipolis, où elle restera jusqu’en 2008.
L’acquisition des connaissances
Elle est coauteur du logiciel SMECI, un générateur de systèmes experts, qui a ensuite été commercialisé avec succès par la société Ilog à partir de 1988. Ses recherches, d’abord centrées sur les explications dans les systèmes experts, s’orientent ensuite vers les questions touchant à l’acquisition des connaissances. Sur ce thème, elle crée en 1992 l’équipe-projet INRIA nommée ACACIA : il fallait déjà faire preuve de beaucoup de personnalité pour devenir la deuxième femme dirigeant un projet INRIA et pour s’imposer dans le domaine de l’intelligence artificielle qui avait alors moins bonne presse que les sujets plus théoriques et formalisés !
Rose fait partie des premiers chercheurs qui comprennent l’importance du Web comme moyen privilégié de diffusion des connaissances
Rapidement, les travaux menés sur l’acquisition de connaissances à partir de multiples sources d’expertise (experts et documents) valent à Rose et à son équipe une très belle reconnaissance internationale. À partir de 1995, Rose fait partie des premiers chercheurs qui comprennent l’importance du Web comme moyen privilégié de diffusion des connaissances, puis celle du langage XML. Dès lors, elle fait partie des chercheurs qui font référence dans le domaine du » Web sémantique « , c’est-à-dire des technologies qui visent à rendre le contenu des ressources de la Toile accessible et utilisable par les programmes et agents logiciels, grâce à un système de » métadonnées » formelles.
Les travaux de son équipe se focalisent sur l’aide à la construction de serveurs de connaissances, et surtout de mémoires d’entreprises en vue de permettre à des grands groupes industriels de matérialiser et indexer leurs connaissances afin d’en améliorer l’accès, le partage, et la réutilisation, voire de permettre la création de nouvelles connaissances.
Le prix Irène Joliot-Curie
Visionnaire, tenace et engagée, Rose a donc su depuis plus de dix ans faire partie de ces pionniers qui ont exploré et étendu les potentialités du Web. Dynamisées par de très nombreuses collaborations industrielles et académiques, les recherches de Rose et de son équipe se sont notamment concrétisées par un ouvrage collectif de synthèse, référence rééditée à plusieurs reprises ces dernières années, et par un moteur de recherche permettant de traiter des ressources dans le cadre du Web sémantique, pour des scénarios très variés (mémoire de projet, mémoire d’expériences, aide à la veille technologique, etc.). Le tout forme un ensemble de travaux pluridisciplinaires très impressionnant, s’appuyant sur des démarches allant des fondements théoriques de l’informatique jusqu’aux apports du traitement de la langue naturelle, et qui fut récompensé par le prix Irène Joliot-Curie que Rose reçut en 2005.
Une meneuse d’équipe
Mais Rose nous laisse bien plus que le souvenir de son œuvre scientifique. Meneuse d’équipe hors pair, frappant tous ceux qui l’approchaient par son écoute et sa générosité, elle était profondément engagée dans des domaines aussi divers que l’animation de la communauté scientifique nationale et internationale, des œuvres caritatives au Sénégal, ou la sensibilisation des jeunes, notamment des jeunes filles, à l’intérêt des études scientifiques. Nous sommes des centaines qui conserveront toujours le souvenir de sa générosité, de son sourire si tendre et de son rire si joyeux…