Safran Data Systems, Aéronautique, défense et spatial : des enjeux et des opportunités
Il n’y a jamais eu un tel foisonnement d’idées et de projets que récemment dans les domaines de l’aviation, de la défense et du spatial. Le point avec Jean-Marie Bétermier, Président de Safran Data Systems, une filiale de Safran. Il analyse pour nous la situation actuelle et revient sur l’impact de la crise sur ces différents secteurs.
Safran Data Systems est une filiale de Safran. Pouvez-vous nous rappeler son positionnement et ses métiers ?
Safran Data Systems provenant historiquement du groupe Zodiac Aerospace, a été racheté par Safran en 2018. Safran,
3e équipementier mondial dans le domaine de l’aéronautique, de l’espace et de la défense, est coté au CAC40 et réalisait en 2019 un chiffre d’affaires de plus de
24 milliards d’euros.
Plus particulièrement, Safran Data Systems opère dans deux domaines d’excellence :
- L’instrumentation et les moyens de tests utilisés par les avionneurs, les missiliers, les fabricants de drones, de lanceurs spatiaux… Nous collaborons ainsi avec les leaders de ces secteurs dans la conduite de leurs essais en vol : Airbus, Boeing, Dassault Aviation, MBDA, Ariane Group, ainsi que tous les grands intégrateurs mondiaux. Nous mettons à leur disposition les outils et moyens de mesures pour les essais en vol ainsi que les équipements au sol destinés aux centres d’essais pour la validation et la certification des projets ;
- Les équipements au sol utilisés par les salles de contrôle et de réception pour l’exploitation des satellites et de leurs charges utiles.
Nous sommes leader mondial sur ces deux segments.
Nous opérons ainsi dans des domaines et sur des métiers de haute technologie et haute performance qui nécessitent des investissements significatifs. Notre activité à l’export représente plus de 70% de nos ventes.
L’industrie aéronautique et spatiale a connu de nombreuses évolutions au cours des dernières années. Quelles ont été les plus marquantes ?
De par notre positionnement, nous avons la chance d’être aux premières loges pour observer les évolutions et les développements de nouveaux projets. Avant la pandémie, nous avons assisté à une croissance très forte des besoins en aviation commerciale avec une course au volume entre les deux principaux acteurs de ce marché, Airbus et Boeing, portée par la hausse des voyages professionnels et loisirs. La crise de la Covid-19 et la situation actuelle rebattent néanmoins les cartes dans ce secteur, alors que personne ne peut réellement prédire la date du retour à des niveaux d’avant-crise. En parallèle, les mentalités changent avec notamment le déploiement du télétravail et la digitalisation qui viennent se substituer aux voyages d’affaires, et la prise de conscience partagée de l’impact sur le bilan CO2.
« Le télétravail et la digitalisation viennent se substituer aux voyages d’affaires. »
D’autre part, dans le secteur aérospatial, nous avons assisté à l’émergence du New Space et l’arrivée de nouveaux acteurs et investisseurs comme Elon Musk ou Jeff Bezos qui lancent des projets disruptifs comme un lanceur à destination de Mars. Il y a actuellement près de 130 projets de lanceurs, dont ceux d’Ariane 6 et Vega sur lesquels nous intervenons.
À cela s’ajoutent des projets de constellations de satellites comme le projet O3B ou « Other 3 Billion » qui est né en 2007 du constat que sur les 7 milliards d’humains sur Terre, 3 milliards n’avaient pas de connexion internet. L’idée est donc de leur donner accès à une connexion au travers de cette infrastructure spatiale. On peut citer plus récemment la constellation Starlink qui vise à terme 40 000 satellites ou encore OneWeb qui prévoit près d’un millier de satellites. Ces projets s’appuient sur des ruptures technologiques tant pour les équipements embarqués que pour les équipements au sol. C’est sur ce dernier plan que nous intervenons essentiellement. Notre principal enjeu est donc de pouvoir accompagner ces évolutions et d’adapter nos technologies.
Qu’en est-il dans le monde de la défense ?
C’est un secteur sur lequel nous sommes très mobilisés. Les tensions restent très importantes entre les états qui investissent massivement dans des programmes militaires visant à créer les avions
de 4e et 5e génération. Contrairement à l’aviation commerciale, le secteur de la défense n’a pas accusé un réel ralentissement suite à la crise. à l’inverse, nous avons de nombreux états qui utilisent leurs budgets de défense dans le cadre de leur plan de relance.
En parallèle émergent de nouveaux enjeux de défense liés à l’espace et particulièrement à la surveillance de l’espace. En effet, il est aujourd’hui évident qu’un des défis futurs des nations sera d’être en capacité de pouvoir protéger leur activité dans l’espace. Cela va de la protection de satellites d’observation militaire fournissant les données de renseignement, à la sécurisation des moyens de télécommunications ou de navigation au service des forces en opération extérieure.
« Un des défis futurs des nations sera d’être en capacité de pouvoir protéger leur activité dans l’espace. »
Cette sécurisation des infrastructures spatiales, qui font dorénavant partie des dispositifs militaires, est une tendance de fond qui concerne tous les états. Cela s’est traduit en 2020 par la création du United States Space Command (USSPACECOM) aux États-Unis et du Commandement de l’Espace (CDE) en France. On peut aussi noter que l’Armée de l’Air vient d’être rebaptisée l’Armée de l’Air et de l’Espace.
Lorsque j’ai démarré ma carrière dans les années 80, l’espace, malgré la guerre froide, était un nouveau domaine hostile et difficile d’accès qui avait poussé les grandes nations à collaborer et à dépasser les clivages et tensions géopolitiques. Aujourd’hui, l’espace est un volet important dans la stratégie militaire et les états ont pris conscience de la nécessité de sécuriser leurs infrastructures et leurs activités dans ce secteur. Dans ce cadre, Safran Data Systems propose le système WeTrack qui permet de surveiller l’activité spatiale ainsi que les mouvements des satellites qui survolent nos territoires et ceux de nos partenaires.
L’arrivée de nouveaux acteurs internationaux et les évolutions du paysage aérospatial et aéronautique soulèvent de nouveaux enjeux pour la France et l’Europe. Qu’en est-il ?
La France a toujours été un pays très dynamique dans ces domaines. Ainsi, sur le marché traditionnel des satellites de télécommunications, en 2019, sur 15 projets internationaux, les maîtres d’œuvre français en ont remporté la très grande majorité.
“La France a toujours été un pays très dynamique dans ces domaines.
Ainsi, sur le marché traditionnel des satellites de télécommunications,
en 2019, sur 15 projets internationaux, les maîtres d’œuvre français en ont remporté la très grande majorité.”
Néanmoins, les États-Unis restent la nation qui investit le plus dans la défense et le spatial. Vient ensuite la Chine. Si aujourd’hui, les projets de constellations sont essentiellement nord-américains, il y a fort à parier que d’ici 2035 les plus larges constellations opérées dans l’espace seront chinoises. D’autres pays, comme l’Inde et la Russie, talonnent de près ces deux puissances. Face à cette compétition, les acteurs européens sensibilisent la Commission européenne sur la nécessité d’avoir un projet de constellation européen. Ce sont aujourd’hui des sujets qui sont discutés à la Commission avec le commissaire Thierry Breton. Il est important que l’Europe se mette en ordre de marche sur ce sujet alors que les États-Unis et la Chine ont déjà une bonne longueur d’avance.
Cette année reste marquée par la crise. Comment vous êtes-vous adaptés ?
Safran a été impacté par la crise notamment sur son activité destinée à l’aviation commerciale qui connaît une baisse significative. Notre filiale, qui opère principalement sur les domaines défense et espace a été moins touchée. En parallèle, le caractère séquentiel de la crise nous a permis à date de maintenir notre activité : alors qu’il y avait un ralentissement début janvier 2020 avec le confinement en Chine, les états-Unis étaient très actifs, puis quand l’Europe s’est confinée, les commandes reprenaient en Asie. L’avenir court-terme de la reprise reste néanmoins peu clair.