Science et technique au service du règlement des conflits
Expert, expertise : ces termes vagues envahissent notre vie quotidienne. Pas un journal télévisé qui ne fasse appel à un « expert » bien souvent allégué ou autoproclamé ; des séries, des films les érigent en héros. Même notre revue, depuis le numéro spécial « Juges, experts, citoyens » de décembre 2005 (n° 610), a évoqué à de multiples reprises ces thèmes de l’expertise et de l’expert de justice ou assimilé, celui qui nous occupera ici.
Comme le soulignait notre regretté camarade Michel Brisac en 2005, « chacun de nous, au cours de sa vie professionnelle ou privée, s’est trouvé à un moment ou à un autre confronté à un différend avec un interlocuteur, relation, fournisseur ou client, dont il estimait qu’il n’avait pas respecté un contrat ou avait commis une erreur ou une faute et qui lui avait porté préjudice ».
Question technique ? le plus souvent.
Question contractuelle ? aussi souvent.
Aborder ce sujet implique de définir la notion d’expert, qui est une fonction, pas seulement une compétence, ses différences avec le savant ou le spécialiste, et de s’interroger sur les raisons de l’explosion de l’expertise.
Ce qui conduit à établir une typologie des différentes natures d’expertise : civile, judiciaire, de partie, d’assurances, financière, pénale, mais toutes fondées sur l’exploitation des sciences et techniques ; et à examiner l’évolution (la dématérialisation notamment) et la tendance actuelle à l’expansion du recours à l’arbitrage, à la conciliation et à la médiation en France comme en dehors de ses frontières.
Dans ses Propos d’un confiseur, Auguste Detœuf dépeint l’expert comme celui qui sait classer les faits, les idées et mener une analyse logique sans vouloir, ni pouvoir, imposer et substituer sa vision des faits à la réalité : « ignorance consciente, méthode, objectivité ».
On conçoit ainsi qu’une expertise puisse ne pas déboucher sur un rapport définitif lorsque les parties, éclairées par les réunions et par le discours de l’expert, constatent que leur intérêt est de conclure un accord sans autre intervention extérieure (juge du fond, tribunal arbitral, etc.) au seul vu de ses enseignements. Remarquons au passage que l’expert ne décide pas à la place des parties, qu’il peut en revanche les éclairer sur la décision à prendre dans une optique équilibrée, voire équitable, de la solution au conflit. Il devient un accoucheur de solution.
Comme souvent, aussi, l’arbitre qu’il peut être dans une autre configuration.