La start-up qui réduit les inégalités d’accès aux essais cliniques au bénéfice des patients
En misant sur l’IA et les algorithmes, ScreenACT apporte une solution innovante et performante pour faciliter le matching entre des essais cliniques en cours et des patients éligibles en facilitant notamment la décentralisation des essais cliniques. Sébastien Mourey, CEO de la start-up, nous en dit plus.
Quels constats vous ont conduit à la création de ScreenACT ?
J’ai créé ScreenACT en 2021 après avoir évolué pendant près de 20 ans dans l’industrie pharmaceutique. Au cours de cette expérience professionnelle, mais également au contact de médecins et de patients, j’ai eu l’occasion de constater à plusieurs reprises combien il est difficile et complexe pour les industriels pharmaceutiques de recruter des patients pour leurs essais cliniques. Mais, paradoxalement, il y a aussi toujours plus de patients volontaires pour y participer.
En créant ScreenACT, j’ai souhaité apporter une solution capable de résoudre ce paradoxe. Pour ce faire, je me suis spécialisé en immuno-oncologie afin d’en comprendre toutes les dimensions, mais aussi dans le domaine de l’intelligence artificielle afin de faciliter et d’optimiser le « matching » entre les essais cliniques et les patients en fonction de leurs caractéristiques médicales. En effet, jusque-là, la démarche de recrutement consiste à trouver des patients qui correspondent à des essais cliniques. Au sein de ScreenACT, nous avons fait le choix d’inverser le processus en partant des caractéristiques médicales du patient afin d’identifier les essais cliniques qui lui correspondent.
Pourquoi le recrutement pour les essais cliniques représente-t-il un enjeu pour les acteurs de la pharma ?
Le recrutement des patients représente, assurément, un enjeu primordial pour les industriels du médicament puisque cette étape va conditionner par la suite l’accès au marché. Aujourd’hui, il existe trois phases dans un essai clinique, dont deux qui sont incompressibles. A l’inverse, la phase de recrutement des patients, appelé délai d’inclusion, peut s’étendre de plusieurs mois à plusieurs années pour arriver à recruter le nombre de candidats nécessaires. En effet, l’étude clinique ne peut être publiée qu’après l’obtention des résultats du dernier patient à rejoindre l’essai. Par conséquent, plus le délai d’inclusion est allongé, plus l’accès au marché est retardé.
Pour les industriels cela représente une perte financière, et pour les patients, sur un plan sociétal, cela représente des traitements qui tardent à arriver sur le marché. Dans un secteur marqué par une très grande compétitivité internationale, il est stratégique d’accélérer les délais, d’adapter les processus et les paramètres pour être plus performants et d’augmenter l’efficacité alors qu’on estime à l’heure actuelle, que 9 essais cliniques sur 10 n’atteignent pas leurs objectifs de recrutement dans les délais.
Vous vous êtes aussi donné la mission de réduire les inégalités d’accès aux essais cliniques en favorisant l’information sur les essais en cours d’inclusion auprès des professionnels de santé et des patients. Dites-nous en plus.
Aujourd’hui, 90 % des essais cliniques sont répartis dans 10 % des centres et des établissements. Nous nous retrouvons donc d’une part, avec des centres submergés par les essais cliniques avec de réelles difficultés à trouver des patients et d’autre part, avec des centres qui n’ont pas d’essais cliniques à proposer à leurs patients.
Pour que ces centres périphériques aient un accès plus large aux essais cliniques, notre premier enjeu a été de mettre à leur disposition toutes les informations nécessaires pour que leurs patients puissent participer à des essais cliniques en cohérence avec leurs caractéristiques médicales.
Dans cette démarche, nous avons aussi cherché à « décentraliser » ces essais cliniques afin d’en démocratiser l’approche, mais aussi pour qu’ils puissent être menés au plus près des patients. Pendant la pandémie et la crise du COVID-19, pour la première fois, les essais cliniques ont dû être poursuivi au domicile du patient qui étaient alors confinés. Plus récemment, un décret datant de mars 2022 est venu faciliter l’ajout de nouveaux centres. Ces dernières années, il y a eu une réelle volonté de simplifier les essais cliniques, une démarche devenue indispensable pour contrer efficacement la désertification de la recherche clinique en France, où 95 % des patients sont exclus de ces opportunités. En effet, la plupart de ces patients sont issus des centres périphériques, qui eux-mêmes rencontrent des obstacles pour accéder aux essais cliniques.
La plupart de ces patients proviennent précisément des centres périphériques qui, à leur tour, rencontrent des obstacles pour accéder aux essais cliniques.
ScreenACT a à cœur d’apporter une solution pertinente pour lever l’ensemble de ces freins afin de permettre aux patients d‘être plus nombreux à intégrer une étude clinique. Actuellement, notre plateforme compte plus de 500 utilisateurs recense plus de 1 800 essais cliniques dans près de 450 établissements.
Sur un plan technologique, pour mener à bien cette mission sociétale, vous vous appuyez sur des technologies de screening. Quelles en sont les caractéristiques ? Que permettent-elles de faire ?
Pour réaliser un screening complet et pertinent, il est indispensable de pouvoir s’appuyer sur des données de qualité, structurées et standardisées. Or, les bases de données et les annuaires qui recensent les essais cliniques ne le sont pas. Plusieurs dénominations pour un même centre vont être retrouvées. Difficile donc de déterminer avec exactitude combien d’essais cliniques sont en cours à Gustave Roussy, qui, dans ces annuaires, va posséder une dizaine d’autres appellations. Pour apporter plus de clarté et de lisibilité à ce niveau, nous disposons d’un algorithme qui a la capacité d’harmoniser les noms et les appellations des centres. Un autre a été développé sur la partie médicale en vue de récupérer toutes les informations sur les pathologies : les critères d’éligibilité, l’indication, etc. Là aussi, ces données ne sont pas harmonisées et, pour une même pathologie, il va exister plusieurs dénominations. Grâce aux techniques de traitement automatique du langage, notre algorithme va traiter ces informations et les uniformiser en une seule appellation pour catégoriser tous les critères d’éligibilité (état général du patient…). Enfin, un troisième algorithme va identifier les essais cliniques les plus pertinent selon les critères relatifs au profil d’un patient.
Comment cela se traduit-il concrètement ? Quels sont les services que propose ScreenACT ?
Notre solution s’articule autour d’une application gratuite et sans récupération de données qui grâce à l’entrée des différents critères va faire sortir de la base de données une liste des essais correspondant au profil. Une version est réservée aux professionnels de santé tandis qu’une autre est à destination du grand public. En parallèle, nous avons développé un troisième service qui s’adresse aux CROs (Contract Research Organisation) afin de les accompagner dans leur démarche de décentralisation des essais cliniques afin qu’ils puissent être accessibles à l’ensemble des centres périphériques.
Aujourd’hui, comment voyez-vous l’évolution de ScreenACT ?
Nous voulons développer cette offre destinée aux CROs. Nous travaillons actuellement sur plusieurs projets d’essais cliniques décentralisés, notamment dans le cancer du rein et du microbiote.
Pour monter en puissance sur ce segment, nous avons noué un partenariat avec une CRO basée sur Lyon dans l’objectif de renforcer notre positionnement sur le volet faisabilité, études de la donnée, identification des centres, des contacts, des investigateurs, etc. Cela implique aussi de gagner en visibilité auprès des centres afin qu’ils appréhendent au mieux cette notion de décentralisation. Cela va nous permettre de couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur. En amont, nous fournissons aux centres les outils de screening pour matcher leurs patients avec des essais cliniques en cours. Par la suite, en collaboration avec la CRO, nous nous positionnons comme une SMO (Site Management Organisation) qui va être en mesure d’apporter à l’établissement les ressources nécessaires pour décentraliser l’essai clinique.
Actuellement, nous sommes spécialisés dans le cancer. Nous entendons aussi de nous développer dans de nouvelles indications et pathologies, notamment sur les maladies rares ou neurodégénératives. Enfin, nous souhaitons exporter notre solution à l’international en nous implantant tout d’abord en Belgique, puis l’Espagne et l’Italie.
Quels sont les enjeux ou freins qui persistent ?
Nous avons une véritable responsabilité matière de conduite de changement. La France a pour ambition de devenir le leader européen de la recherche clinique. Pour atteindre cette renommée, elle doit s’en donner les moyens. Le développement de la décentralisation des essais cliniques, venu tout droit des États-Unis, est une piste particulièrement pertinente pour y parvenir.
Dans ce cadre, l’enjeu pour ScreenACT est de gagner en visibilité dans le paysage de la recherche clinique pour accompagner cette évolution majeure, mais nécessaire.