Se différencier au niveau de la satisfaction des clients
Dans un monde incertain, marqué par une concurrence de plus en plus âpre, de nombreuses entreprises se refocalisent sur le niveau de satisfaction de leurs clients. Décider de se différencier par la satisfaction des clients, c’est s’embarquer dans un réel projet d’entreprise qui doit allier rigueur de l’analyse, créativité dans les promesses et force d’exécution dans la durée. Avec, à la clé, une » promesse » de taille : être en mesure de garantir une expérience unique au client, basée non pas sur ce que l’on sait réaliser, mais sur ce que l’on a décidé de lui offrir.
Des sociétés comme Southwest ou Apple, qui ont su déceler des attentes non exprimées par les consommateurs, deviennent des modèles de référence pour les étudiants des business schools.
Distinguer satisfaction, attentes, promesses, expérience
Même dans un secteur aussi particulier que l’assurance, dans lequel les clients ne font l’expérience de la promesse de leur assureur qu’à quelques reprises au cours de leur vie, on constate des taux de résiliation 1,5 à 2 fois inférieurs chez les clients satisfaits du niveau de service offert par rapport aux clients insatisfaits, et des taux d’équipement 1,2 à 1,5 supérieurs.
Satisfaction, attentes, promesses, expérience : autant de notions à distinguer et entre lesquelles il faut examiner les liens. Permettons-nous dès à présent d’énoncer un postulat central : » Pour être un champion de la satisfaction du client, il faut répondre à deux défis : celui de la cohérence de la promesse par rapport aux attentes ; et celui de la conformité de l’expérience vécue avec les attentes et la promesse. »
Des attentes diverses
Commençons par une évidence : les critères d’achat (par exemple prix, réactivité des commerciaux, atmosphère du point de vente) ne sont pas toujours les facteurs de satisfaction (par exemple fiabilité, amabilité du service après-vente, remplacement à neuf en cas de panne). La connaissance du client est d’autant plus difficile que ce client est, en fait, multiple : les jeunes couples, les familles et les seniors ont des attentes très différentes en matière de voyage. Les habitudes d’achat sont de plus en plus contrastées : on a vu un même consommateur être adepte du low-cost au supermarché le week-end mais acheter du haut de gamme pour ses besoins de matériel hi-fi ou de plongée. Dans certains domaines, la segmentation client ne peut pas reposer seulement sur des critères mesurables (âge, sexe, catégorie socioprofessionnelle), et des segmentations comportementales sont nécessaires.
Par exemple, avec la démocratisation de l’Internet, l’intérêt pour les services sur Internet dans le secteur bancaire est de moins en moins corrélé avec l’âge ou le sexe. Des taux d’attentes exprimées de 50 % au sein d’une classe sociodémographique peuvent cacher un segment » netophile » à 80 % et un autre segment totalement réfractaire à ces services.
L’analyse des attentes doit également tenir compte de facteurs externes au client : les grandes tendances sociétales comme l’intérêt pour l’environnement, et les engagements de service des concurrents qui fixent, de fait, des standards de marché.
Une promesse qui peut revêtir diverses formes
La promesse la plus pratiquée, c’est celle des sociétés qui pratiquent les cartes de fidélité et autres miles du voyageur fréquent : venez chez nous plus souvent, et vous paierez moins cher.
Quelques exemples de » moments de vérité »
– Interruption de service ou erreur de facturation chez un opérateur télécom.
– Panne de matériel hi-fi nécessitant de se rendre au service après-vente.
– Viande mal cuite ou cheveu dans le plat.
– Vol annulé (compagnie aérienne).
À un niveau plus directement lié à la qualité de service offerte au client, certains se souviennent des neuf engagements d’EDF-GDF en 1994 : dépannage en quatre heures, mise en service en deux jours… La forme la plus visible de la promesse, ce sont alors les engagements de service communiqués explicitement.
À un niveau plus directement lié à la qualité de service offerte au client, certains se souviennent des neuf engagements d’EDF-GDF en 1994 : dépannage en quatre heures, mise en service en deux jours… La forme la plus visible de la promesse, ce sont alors les engagements de service communiqués explicitement.
Mais, avant même de communiquer sur des engagements, c’est la marque qui est déjà porteuse de promesses. Des marques comme Sofitel, Ikea ou McDonald’s sont spontanément associées dans l’esprit de leurs clients à certains standards de service.
Pour certaines marques associées à des signatures (« zéro tracas, zéro blabla « , » faire du ciel le plus bel endroit de la terre « , » le contrat de confiance »), l’enjeu va consister à décliner ces slogans en promesses concrètes tout au long du parcours client. – Livraison non conforme (VPC).
Attention aux promesses non crédibles
Certaines démarches peuvent permettre de crédibiliser une promesse : compensation financière ou en nature en cas de non-satisfaction (LCL, Ibis), références à des normes reconnues (ISO), mais, en tout état de cause, attention aux promesses non crédibles ! Ainsi des sociétés qui revendiquent 97 % de taux de satisfaction (qu’elles mesurent elles-mêmes), des agences de voyage qui promettent des séjours paradisiaques pour moins de 100 euros, ou des entreprises de livraison de pizzas à domicile qui promettent à la fois une livraison en trente minutes et la garantie du respect du code de la route par les livreurs.
L’expérience se forge dans les moments difficiles
La satisfaction se forge aux moments de vérité du parcours client.
Les attentes ne sont pas toujours clairement exprimées
Ces moments de vérité sont des moments structurants tels que l’entrée en magasin, l’essayage, ou le passage en caisse, mais peuvent aussi être ceux où quelque chose ne se passe pas comme prévu. Le client mesurera alors la solidité de la promesse à l’aune des mesures prises par l’entreprise pour rétablir le niveau de service attendu.
Lorsque l’on décrit l’expérience, attention à ne pas la cantonner à ses dimensions mesurables, fonctionnelles : les aspects émotionnels ne doivent pas être sous-estimés. Au-delà de leurs fonctionnalités, des produits comme l’iPhone ou les machines Nespresso (et l’univers de boutiques qui va avec) portent avec eux un contenu identitaire fort pour leurs propriétaires. Les sentiments ainsi suscités sont également facteurs de satisfaction.
Des projets d’entreprise tournés vers la satisfaction des clients
La chaîne britannique de grande distribution Asda est connue pour des innovations comme la brolley patrol (s’il pleut, un employé vous accompagne jusqu’à votre voiture avec un parapluie) et le jump lead service (si la batterie de votre voiture est vide, le gérant vous dépanne avec la sienne). Mais la transformation de cette entreprise, en un modèle de service client, ne s’est pas faite en un jour.
Le projet d’entreprise de Asda s’est étalé sur près d’une dizaine d’années et a conduit à la mise en place d’une multitude de mesures telles que : les entretiens de recrutement groupés (pour tester les qualités humaines) ; les incitations financières pour les gérants de magasins qui réduisent le taux de rotation des employés et l’absentéisme ; un bonus pour tous les employés du magasin, basé sur la performance de ventes ; la réalisation régulière d’un baromètre du moral des employés ; la règle consistant à dire bonjour à tout client se trouvant à moins de trois mètres d’un employé ; et les visites fréquentes de magasins par le président-directeur général.
Un autre exemple est la banque australienne ANZ, qui en deux ans a réussi à augmenter la productivité de ses conseillers clientèle de 30 % et à gagner 10 points de satisfaction client. Cet exploit a notamment nécessité la transformation complète de l’architecture des agences bancaires et du rôle des collaborateurs : par exemple, le responsable d’agence occupe un guichet d’accueil placé au centre de l’agence et oriente les clients ; un collaborateur gère les queues et aide les clients à utiliser les guichets automatiques en cas d’affluence ; et si certains postes sont débordés et d’autres libres, les collaborateurs sont repositionnés immédiatement.
Défi n° 1 : définir une promesse cohérente avec les attentes
Une compréhension fine des attentes est un préalable à la définition de la promesse. Par exemple, en France au début des années 2000, le secteur de la grande distribution a été le théâtre de tentatives de la part de plusieurs acteurs de se différencier autrement que par le prix. Rayons exotiques, services » plus » et commandes par Internet correspondaient aux attentes de certains clients mais ont détourné certains acteurs de leur leadership sur les prix, avec au final des pertes de parts de marché. Le retour aux » engagements sur les prix « , que la plupart ont opéré depuis, montre l’importance de la cohérence entre la promesse et les attentes.
Cela ne veut pas dire que les attentes sont toujours clairement exprimées : Southwest, la première compagnie low-cost du monde, a inventé une nouvelle manière d’offrir le transport aérien et ainsi répondu à des besoins jusque-là non identifiés comme tels.
Défi n° 2 : garantir la conformité de l’expérience vécue avec les attentes et la promesse
C’est le défi de l’exécution, sans doute le plus difficile à maîtriser.
La mise en oeuvre de la promesse ne repose pas seulement sur l’entreprise
Comment se positionner comme une banque de la relation dans la durée alors que dans certaines zones les conseillers clientèle peuvent changer d’emploi tous les douze mois ? Comment garantir 1 000 sourires par jour lorsque l’on est une chaîne de restauration ? Comment instaurer la coopération entre directeurs associés d’un cabinet de conseil pour apporter des expertises complémentaires aux clients ?
La mise en oeuvre d’une promesse est indissociable d’un projet d’entreprise comme l’illustre l’encadré.
Le respect des engagements de service peut également exiger une modification stratégique du périmètre de l’entreprise. Ainsi, l’apparition de la promesse » lunettes en 1 heure » chez les grandes chaînes d’opticiens a conduit ces dernières à internaliser des activités habituellement prises en charge par les laboratoires de prescription, qui en Europe sont habituellement des centres de fabrication indépendants ou détenus par les fabricants de verres optiques.
Partenaires et prestataires
Enfin, dans de nombreux secteurs, la mise en oeuvre de la promesse repose non seulement sur l’entreprise, mais sur ses partenaires, fournisseurs ou prestataires. Dans le secteur de l’assurance, c’est le cas avec les courtiers qui pour certains gèrent les sinistres, ou avec les garages qui réparent les voitures. Dans le secteur automobile, c’est le cas avec les concessionnaires indépendants. Des entreprises comme Peugeot ont ainsi été amenées à mettre en place de véritables programmes de gestion du changement auprès de leurs concessionnaires. Elles ont formalisé leurs standards de marque et remis à plat la rémunération de leurs partenaires afin de donner une place plus importante à la qualité de service et au respect de la marque.