Se mobiliser pour l’UE
La Jaune et la Rouge s’aventure au fil des numéros dans les champs de réflexion où se mêlent complexité, technique, contradictions et le besoin de nuance propres aux vrais problèmes. Le mois dernier il s’agissait des tenants et aboutissants d’une hypothétique mais nécessaire réindustrialisation à la française et ce mois-ci on prend le problème par l’autre côté, réduisons la voilure pour ne pas envoyer la Terre dans le mur. Look up !
N’y allons pas par quatre chemins vicinaux, l’urgence écologique est un syntagme appauvri par la fréquence excessive de son occurrence dans la logosphère. Il en faudrait un autre que le mot-valise d’urgence pour une injonction aussi importante, à laquelle il ne sera pas mis fin de sitôt (l’urgence et la patience…). Mais Urgence écologique c’est aussi un groupe X dynamique que nous avons été heureux d’accueillir au sein de l’AX au printemps dernier. Alors va pour elle et place cette fois-ci aux hérauts de la transition, aux théoriciens comme aux praticiens, à ceux qui se mobilisent au niveau local ou au niveau national, ceux qui « démissionnent » comme ceux qui travaillent au cœur du « système », avec l’énergie que procure la conviction sincère, voire la jeunesse. À la lecture de leur prose vigoureuse on retrouve l’impériosité, on mesure aussi les apories à dépasser.
Il y a la question éthique autour de l’universel et du nécessaire : l’effort pour produire moins d’externalités apportant peu de résultat perceptible par celui qui le fait – ou par le pays, quand c’est la France –, il faut trouver un accomplissement dans la réalisation de la démarche elle-même.
Il y a symétriquement celle de la violence, celle de la désobéissance dite civile. À chacun son opinion, La Jaune et la Rouge propose de quoi y réfléchir.
Il y a la question des équilibres sociaux en démocratie. Pour maintenir la cohésion collective, il est préférable d’avoir de la richesse matérielle à redistribuer, et donc de la production et de la consommation, voire de la croissance. Sortir de ce modèle, à l’échelle locale ou globale, n’est pas une mince affaire. L’augmentation de la taxe carbone sur les carburants envisagée à l’automne 2018 a laissé un souvenir cuisant au politique et probablement quelques doutes sur la fiscalité environnementale comme bras de levier décisif.
“La seule loi historique vraiment fiable, c’est la surprise.”
À cet égard Jancovici se demandait déjà il y a 25 ans si la protection à longue portée de l’environnement était soluble dans la démocratie. Car les bienfaits de la transition sont à très long terme (il y a bien de l’oxymore dans l’urgence écologique) et ils ne se traduisent pas aisément en slogans de campagnes électorales plutôt focalisées sur le très court.
Les événements géopolitiques de ces dernières décennies laissent à penser que la seule loi historique vraiment fiable, c’est la surprise. Ne doutons pas que les régimes, après des phases de crise diverses, se reconfigureront au fil des décennies et que la variable écologique ne cessera de croître en importance sous toutes les latitudes.
Au moment d’écrire cet édito, il y a dix ans pile que mourait Alexandre Grothendieck, mathématicien hors du commun (s’il y a un commun des grands mathématiciens). Enfant de révolutionnaires d’Europe centrale, d’un père pourchassé puis finalement mort en déportation, lui-même interné petit garçon à Rieucros pendant la guerre, longtemps resté apatride, il avait été un étudiant semi-autodidacte à Montpellier avant de devenir le grand architecte de la géométrie algébrique moderne. Il avait claqué la porte de l’institut de recherche créé pour ses travaux (Institut des hautes études scientifiques) pour protester contre le mécénat d’entreprises d’armement qui en soutenaient en partie l’existence.
Tournant alors progressivement le dos à la carrière scientifique et à la communauté qui l’avait pris pour roi, il était devenu dans les années 80 un porte-voix sans concession de la cause environnementale anticapitaliste. Passé de la radicalité à l’érémitisme exclusif, il est mort dans l’oubli et une frugalité absolue en novembre 2014. Sa vie, son œuvre, son refus, sa fin, et quelques milliers de pages laissées derrière lui (cf. Récoltes et semailles, La clé des songes et de nombreux textes inédits) n’ont pas fini de fournir matière à méditation.
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Cher Président,
tes éditoriaux gagneraient en qualité si tu réfrénais ton envie de les émailler de mots en anglais. En t’exprimant seulement en bon français, tu honorerais de surcroît notre école.