De plus en plus de jeunes X cherchent à mettre leur vie professionnelle au service de l'Urgence écologique. Forum de l'emploi public à l'Ecole polytechnique © Ecole polytechnique / Institut Polytechnique de Paris / J.Barande

Se mobiliser pour l’UE

Dossier : Le mot du présidentMagazine N°800 Décembre 2024
Par Loïc ROCARD (X91)

La Jaune et la Rouge s’aventure au fil des numé­ros dans les champs de réflexion où se mêlent com­plexi­té, tech­nique, contra­dic­tions et le besoin de nuance propres aux vrais pro­blèmes. Le mois der­nier il s’agissait des tenants et abou­tis­sants d’une hypo­thé­tique mais néces­saire réin­dus­tria­li­sa­tion à la fran­çaise et ce mois-ci on prend le pro­blème par l’autre côté, rédui­sons la voi­lure pour ne pas envoyer la Terre dans le mur. Look up !

N’y allons pas par quatre che­mins vici­naux, l’urgence éco­lo­gique est un syn­tagme appau­vri par la fré­quence exces­sive de son occur­rence dans la logo­sphère. Il en fau­drait un autre que le mot-valise d’urgence pour une injonc­tion aus­si impor­tante, à laquelle il ne sera pas mis fin de sitôt (l’urgence et la patience…). Mais Urgence éco­lo­gique c’est aus­si un groupe X dyna­mique que nous avons été heu­reux d’accueillir au sein de l’AX au prin­temps der­nier. Alors va pour elle et place cette fois-ci aux hérauts de la tran­si­tion, aux théo­ri­ciens comme aux pra­ti­ciens, à ceux qui se mobi­lisent au niveau local ou au niveau natio­nal, ceux qui « démis­sionnent » comme ceux qui tra­vaillent au cœur du « sys­tème », avec l’énergie que pro­cure la convic­tion sin­cère, voire la jeu­nesse. À la lec­ture de leur prose vigou­reuse on retrouve l’impériosité, on mesure aus­si les apo­ries à dépasser.

Il y a la ques­tion éthique autour de l’universel et du néces­saire : l’effort pour pro­duire moins d’externalités appor­tant peu de résul­tat per­cep­tible par celui qui le fait – ou par le pays, quand c’est la France –, il faut trou­ver un accom­plis­se­ment dans la réa­li­sa­tion de la démarche elle-même. 

Il y a symé­tri­que­ment celle de la vio­lence, celle de la déso­béis­sance dite civile. À cha­cun son opi­nion, La Jaune et la Rouge pro­pose de quoi y réfléchir.

Il y a la ques­tion des équi­libres sociaux en démo­cra­tie. Pour main­te­nir la cohé­sion col­lec­tive, il est pré­fé­rable d’avoir de la richesse maté­rielle à redis­tri­buer, et donc de la pro­duc­tion et de la consom­ma­tion, voire de la crois­sance. Sor­tir de ce modèle, à l’échelle locale ou glo­bale, n’est pas une mince affaire. L’augmentation de la taxe car­bone sur les car­bu­rants envi­sa­gée à l’automne 2018 a lais­sé un sou­ve­nir cui­sant au poli­tique et pro­ba­ble­ment quelques doutes sur la fis­ca­li­té envi­ron­ne­men­tale comme bras de levier décisif.

“La seule loi historique vraiment fiable, c’est la surprise.”

À cet égard Jan­co­vi­ci se deman­dait déjà il y a 25 ans si la pro­tec­tion à longue por­tée de l’environnement était soluble dans la démo­cra­tie. Car les bien­faits de la tran­si­tion sont à très long terme (il y a bien de l’oxymore dans l’urgence éco­lo­gique) et ils ne se tra­duisent pas aisé­ment en slo­gans de cam­pagnes élec­to­rales plu­tôt foca­li­sées sur le très court.

Les évé­ne­ments géo­po­li­tiques de ces der­nières décen­nies laissent à pen­ser que la seule loi his­to­rique vrai­ment fiable, c’est la sur­prise. Ne dou­tons pas que les régimes, après des phases de crise diverses, se recon­fi­gu­re­ront au fil des décen­nies et que la variable éco­lo­gique ne ces­se­ra de croître en impor­tance sous toutes les latitudes.

Au moment d’écrire cet édi­to, il y a dix ans pile que mou­rait Alexandre Gro­then­dieck, mathé­ma­ti­cien hors du com­mun (s’il y a un com­mun des grands mathé­ma­ti­ciens). Enfant de révo­lu­tion­naires d’Europe cen­trale, d’un père pour­chassé puis fina­le­ment mort en dépor­ta­tion, lui-même inter­né petit gar­çon à Rieu­cros pen­dant la guerre, long­temps res­té apa­tride, il avait été un étu­diant semi-auto­di­dacte à Mont­pel­lier avant de deve­nir le grand archi­tecte de la géo­mé­trie algé­brique moderne. Il avait cla­qué la porte de l’institut de recherche créé pour ses tra­vaux (Ins­ti­tut des hautes études scien­ti­fiques) pour pro­tes­ter contre le mécé­nat d’entreprises d’armement qui en sou­te­naient en par­tie l’existence.

Tour­nant alors pro­gres­si­ve­ment le dos à la car­rière scien­ti­fique et à la com­mu­nau­té qui l’avait pris pour roi, il était deve­nu dans les années 80 un porte-voix sans conces­sion de la cause envi­ron­ne­men­tale anti­ca­pi­ta­liste. Pas­sé de la radi­ca­li­té à l’érémitisme exclu­sif, il est mort dans l’oubli et une fru­ga­li­té abso­lue en novembre 2014. Sa vie, son œuvre, son refus, sa fin, et quelques mil­liers de pages lais­sées der­rière lui (cf. Récoltes et semailles, La clé des songes et de nom­breux textes inédits) n’ont pas fini de four­nir matière à méditation.

Commentaire

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5 décembre 2024 à 9 h 22 min

Cher Pré­sident,
tes édi­to­riaux gagne­raient en qua­li­té si tu réfré­nais ton envie de les émailler de mots en anglais. En t’ex­pri­mant seule­ment en bon fran­çais, tu hono­re­rais de sur­croît notre école.

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