Sécurité et Défense : des secteurs essentiels pour l’industrie française
Marc Darmon (83), président du GICAT, le Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres, répond à nos questions et revient notamment sur le secteur de la défense et de la sécurité, ainsi que sur le contrat de filière qui donne un nouvel élan au secteur de la sécurité de manière générale. Rencontre.
Ces dernières années ont marqué un tournant dans les industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres. Qu’avez-vous pu observer et quelles sont les tendances qui se dessinent actuellement ?
La défense est une industrie très technologique où l’enjeu est de combiner les nombreux besoins opérationnels complexes aux dernières évolutions technologiques du monde civil moderne : puissance de calcul, communication très haut débit, intelligence artificielle, numérique, robotique …
L’intégration de ces technologies nouvelles et innovantes dans les solutions industrielles de défense impacte fortement ce secteur à différents niveaux :
- Le développement des guerres de l’information, de la désinformation, de la déstabilisation, des fake news ;
- L’explosion des cyberattaques : les systèmes de plus en plus complexes et numérisés sont beaucoup plus exposés au risque cyber sous toutes ses formes (vol/fuite de données, blocage de systèmes, perte d’intégrité des données, ransomwares…) ;
- Le développement du combat collaboratif qui nécessite des communications haut débit et sécurisées et la transmission de données en temps réel représente une véritable révolution qui concerne les combats terrestres, aériens et navals ;
- Le développement de la robotique, notamment dans le combat terrestre, en capitalisant sur la puissance de l’intelligence artificielle et l’automatisation. À horizon 20 à 30 ans, on imagine déjà la transformation radicale des combats impliquant des robots.
“Au-delà de l’engagement réciproque de l’État et des industriels induit par ce contrat, ce dernier s’articule autour de cinq sujets structurants en termes de compétitivité et de souveraineté.”
En parallèle, nous assistons aussi au retour du combat de haute intensité. Pendant plusieurs décennies, nous avons transformé les équipements des forces armées conçus pour répondre aux contraintes et impératifs de la guerre froide et des combats terrestres en Europe de l’Est vers des missions de maintien de la paix, de la lutte contre le terrorisme ou encore des interventions courtes et des combats asymétriques (guérilla…). Si ces combats vont se poursuivre notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, nous assistons au retour des combats dits symétriques et de haute intensité. Ce phénomène s’explique par la volonté de plusieurs nations, comme la Chine, la Russie ou encore la Turquie, de montrer leur puissance au travers d’actions territoriales. Aujourd’hui, l’industrie de défense doit donc être en mesure de se positionner et de couvrir toutes ces dimensions du combat qui vont cohabiter dans les années à venir. Enfin, il ne faut pas oublier que l’industrie de défense a de nombreuses caractéristiques. En France, sur tout le territoire national, elle emploie plus de 200 000 personnes sur des emplois très qualifiés qui ne peuvent pas être délocalisés. C’est une industrie qui fait sens et qui contribue à un certain équilibre dans nos régions et territoires au travers d’une présence dans de nombreuses villes moyennes et petites. Elle assure véritablement une ossature industrielle et économique à l’échelle du pays. Le secteur de défense réalise, par ailleurs, 50 % de son chiffre d’affaires à l’export.
La signature du contrat filière de sécurité 2020–2022 a joué un rôle important dans la structuration de la filière. Qu’en retenez-vous et à un an de son échéance ? Quels sont les axes qui vous mobilisent ?
La signature de ce contrat est structurant pour les industriels de ce secteur. D’ailleurs, il est important de rappeler que dans l’industrie de la sécurité, nous avons en France des groupes leaders d’une envergure internationale comme Thales, Idemia, Atos, Orange auquel s’ajoute un tissu de PME et d’ETI très dynamique.
Au-delà de l’engagement réciproque de l’État et des industriels induit par ce contrat, ce dernier s’articule autour de cinq sujets structurants en termes de compétitivité et de souveraineté :
- la sécurisation des grands événements à venir en France et notamment la coupe du monde de Rugby en 2023 et les Jeux Olympiques et Paraolympiques en 2024 ;
- les territoires de confiance (« Safe and smart cities ») ;
- la cybersécurité dont le fer de lance sera le Campus Cyber qui va regrouper les industriels, les universités et l’administration. Le plan France relance prévoit, par ailleurs, un volet cybersécurité important ;
- l’identité numérique, un axe porté notamment par Idemia et Thales qui sont les leaders mondiaux ;
- le numérique de confiance.
Dans le cadre de ce contrat, nous travaillons sur des solutions technologiques communes. Pour les JO, en partenariat avec le ministère de l’Intérieur, Paris 2024, le ministère de l’Économie, nous sommes mobilisés sur la structuration d’une filière française de la sécurité des grands événements qui pourra ensuite être exportée. Pour les territoires de confiance, en partenariat avec plusieurs métropoles dont Rennes, Nice, Lille, Marseille, mais aussi le ministère de l’Économie, nous travaillons sur la création d’un écosystème technologique français et européen pour construire une souveraineté franco-européenne sur ces sujets.
Enfin, au travers de la signature de ce contrat, notre filière a pu être entendue par le ministère de l’Économie et des Finances lors de la préparation du Plan de Relance post-Covid et par le ministère de l’Intérieur lors de l’élaboration de son « livre blanc ».
Le groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres
Le GICAT (groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres) fédère depuis 1978 les industriels de la défense terrestres et aéroterrestres et depuis 12 ans ceux de la sécurité. Le groupement compte 70 % de PME. Ces industriels produisent 45 000 mplois directs et indirects dans l’hexagone, avec des bassins d’emploi répartis sur tout le territoire. En 2018, le secteur a généré un chiffre d’affaires global de 7,7 Mds€ (+2,4 %).