Sécurité : un monde en pleine révolution
L’arrivée des nouvelles technologies signifie à la fois l’arrivée de nouvelles menaces et de nouveaux outils pour les combattre. L’arrivée de la science induit un changement de comportement des hommes de la sécurité, métier où le facteur humain a toujours été fortement représenté, mais autrefois très centralisé.
Dans ce contexte, les acteurs de la sécurité s’organisent. Le ministère de l’Intérieur tout d’abord, qui pilote l’activité des policiers et gendarmes, du renseignement intérieur mais aussi, dans une gouvernance partagée avec les collectivités locales, des sapeurs-pompiers.
« Le monde de la sécurité représente près d’un million d’emplois »
D’autres acteurs étatiques également, comme les militaires qui sont engagés dans l’opération « Sentinelle » depuis les attentats de 2015 ou également les douaniers et les surveillants pénitentiaires.
La sécurité, c’est aussi de façon grandissante les acteurs de la sécurité privée. Le monde de la sécurité représente près d’un million d’emplois, selon une étude Pipame menée en 2015 dans le cadre des travaux de la filière industrielle de sécurité.
REPÈRES
La sécurité ou plutôt l’insécurité se situe aujourd’hui derrière le chômage en deuxième position des préoccupations des Français.
Les années 2015 et 2016 ont fortement marqué dans les esprits l’idée qu’une menace terroriste était désormais bien présente dans notre vie quotidienne et que le risque demeure présent durablement.
DES HOMMES ET DES MOYENS
C’est un secteur où le facteur humain a toujours été fortement représenté. Les débats sur les effectifs de la police et la gendarmerie sont anciens et réguliers dans les hémicycles. Aujourd’hui, la question est bien plus de savoir combien il faut d’hommes et de femmes dans un commissariat.
Il serait bon aussi de déterminer clairement l’adéquation entre les besoins de sécurité et la réponse apportée : combien d’hommes certes, mais avec quels moyens techniques ou technologiques ?
Les métiers de la sécurité s’appuient de plus en plus sur les technologies de pointe. Qu’il s’agisse de la police technique et scientifique, du renseignement ou des techniques d’intervention pour les forces de l’ordre comme pour les pompiers, il est aujourd’hui devenu plus que nécessaire d’adapter l’exercice des métiers de la sécurité avec des dispositifs constamment à l’état de l’art.
UN LENT CHEMINEMENT
L’introduction des technologies, notamment celles qui accélèrent la circulation de l’information, n’est pas toujours allée de soi dans un domaine où les structures sont par nécessité hiérarchisées et où les processus de décision se font d’abord de haut en bas.
UN RÊVE QUI DEVIENT RÉALITÉ
Un ancien directeur général de la police avait coutume de dire qu’il dirigeait une entreprise de main‑d’oeuvre et qu’il rêvait de la faire évoluer vers une entreprise de haute technologie sans pour autant laisser de côté le nécessaire facteur humain qui demeure essentiel lorsque l’on parle de la protection d’une population.
Peut-on considérer que son rêve est devenu réalité à l’heure de la digitalisation, des réseaux sociaux, des drones ou encore des objets connectés ?
Il est amusant de relire les mémoires des commissaires Goron et Macé, anciens chefs de la sûreté de Paris, qui, à la fin du XIXe siècle, ne supportaient pas de passer par la police municipale, seule dotée de moyens de transmission « modernes ».
Longtemps chasse gardée des responsables municipaux, les appareils téléphoniques ont en effet attendu plusieurs années avant de pouvoir être utilisés par les services d’enquêtes.
Dans un horizon plus récent, l’arrivée d’Internet et des messageries personnelles ne s’est pas non plus imposée comme une évidence tant il apparaissait risqué de voir circuler sans contrôle une information qui d’ordinaire ne pouvait qu’être véhiculée via le service du « Télex ».
L’HEURE DU WEB 2.0 ET DU BIG DATA
Ces temps paraissent si loin et pourtant…
« En moyenne chaque objet connecté comporte entre 10 et 25 failles de sécurité »
La sécurité est aujourd’hui confrontée à une nouvelle vague d’évolutions technologiques, celle du Web 2.0 faite de réseaux sociaux qui transmettent l’information avant même qu’elle n’arrive par voie officielle, celle du big data qui ouvre des perspectives considérables mais fait dans le même temps courir des risques importants sur l’exercice des libertés individuelles ou encore celle des objets connectés qui soulèvent de manière intrinsèque la question de l’équilibre entre la facilité d’usage, la praticité de leur emploi et la sécurité des données qu’ils véhiculent ou de la sécurité de leur bon fonctionnement.
Une étude menée en 2014 par Siemens établissait qu’en moyenne chaque objet connecté comportait entre 10 et 25 failles de sécurité. On commence à voir apparaître des attaques significatives via des réseaux d’objets connectés.
L’EXPLOSION DE LA SCIENCE DE LA SÉCURITÉ
Alors faut-il craindre l’évolution technologique dans les métiers de la sécurité ? La réponse est évidemment non si l’on se réfère aux trente dernières années, que ce soit en matière de protection des agents (avec des matériaux toujours plus performants, notamment pour la résistance au feu, mais aussi aux armes à feu), d’accélération du temps nécessaire à l’élucidation des enquêtes avec les apports de l’informatique, de la biométrie ou encore de la chimie.
La science de la sécurité a connu ces dernières décennies une véritable explosion qui fait écho à celle que constitua à la fin du XIXe l’apport de la criminalistique et de l’identité judiciaire où la France porta très haut le sens du mot innovation avec des pionniers comme Alphonse Bertillon ou Edmond Locard.
SÉCURITÉ ET SOCIÉTÉ
Le préfet Lépine a modernisé l’équipement des forces de police dès la fin du XIXe siècle.
Alphonse Bertillon est le créateur
de l’anthropométrie judiciaire.
Quelles technologies ou quels virages technologiques répondent aux défis que devront relever les pompiers, gendarmes et policiers dans les années à venir ? Poser cette question suppose de réfléchir au préalable à l’évolution de la société vers laquelle nous allons et la place qu’y occuperont les questions de sécurité.
Les études prospectives françaises et étrangères récentes permettent de tracer, à l’horizon 2020–2025, les grandes évolutions d’un monde marqué par un contexte international en bouleversement, traversé par des nouvelles menaces terroristes, la poursuite de la transition énergétique, l’évolution démographique, les conséquences des changements climatiques ou encore la confrontation entre les grandes puissances d’hier et celles qui émergent sur le plan économique.
UN MONDE PROFONDÉMENT TRANSFORMÉ
L’apport des technologies transforme fondamentalement le monde de la sécurité. Jusqu’à présent, l’activité judiciaire se mesure dans le contexte traditionnel du vol à main armée ou du trafic de stupéfiants sur la base d’une nomenclature où sont enregistrés les faits constatés et les faits élucidés, pour l’essentiel sur le territoire français.
« Se positionner à l’international sur un marché en forte croissance pour les années à venir »
Le développement des cybermenaces et du volet cybercriminel rend ces critères caducs. Les données sont réparties dans le cloud ; le recel et la revente de données, d’objets illicites voire de trafic d’organes se font sur le darknet avec des serveurs répartis partout dans le monde.
Le traitement des affaires repose sur la mise en œuvre d’accords internationaux qui prennent beaucoup de temps à être adoptés puis à s’appliquer alors que les innovations technologiques et leur détournement à des fins malveillantes défient chaque jour un peu plus l’équilibre des forces.
REPENSER LE RÔLE DE L’ÉTAT
Les drones constituent une nouvelle forme de menace mais peuvent aussi servir les forces de sécurité. © GILLES PAIRE – 14KTGOLD / FOTOLIA.COM – PHOTOMONTAGE
Les technologies évoluent et le monde de la sécurité opère sa révolution. De nombreuses activités en lien avec la cybersécurité sont assurées par des entreprises du numérique.
Si les grands groupes du CAC 40 ont pu créer les SOC (security operations center, nouveaux centres de commandement de la cybersécurité) pour coordonner leur sécurité, il n’en va pas de même pour les milliers de PME qui sont sous la menace du ransomware ou d’une cyberattaque à des fins qui vont de la délinquance d’appropriation classique à l’espionnage industrielle.
Si la délinquance « traditionnelle » et les enjeux de sécurité demeureront, l’évolution de la sécurité du monde numérique appelle une adaptation du positionnement de l’État vers un rôle plus régulateur travaillant dans un cadre partenarial élargi.
L’autre enjeu pour l’État et l’ensemble des acteurs de sécurité réunis autour de lui pour relever les défis auxquels doit faire face la société du XXIe siècle est de s’organiser pour anticiper et préparer les solutions aux défis présents ou à venir.
C’est l’esprit de la filière industrielle de sécurité (Cofis) mise en place en 2013 pour établir des ponts entre des acteurs qui d’un côté cherchent à sortir de la logique de « l’achat sur étagère », des chercheurs qui s’approprient pleinement le thème de la sécurité dans toutes ses dimensions et des acteurs économiques qui s’organisent pour apporter des réponses aux besoins des métiers et par là même se positionner à l’international sur un marché en forte croissance pour les années à venir.