Seine-Nord Europe, le maillon manquant d’un réseau fluvial à grand gabarit pour relier le Grand Bassin parisien à l’Europe
Le projet de canal Seine-Nord Europe est un grand projet d’intérêt national, interrégional et européen qui sera le maillon manquant entre le réseau à grand gabarit de la Seine et de l’Oise et celui du nord de la France et de l’Europe. Il permettra ainsi de fournir une offre plus compétitive pour le transport fluvial de marchandises, dans l’objectif d’entraîner l’utilisation croissante de ce mode respectueux de l’environnement.
Il contribuera également à développer les hinterlands des ports maritimes du Havre et de Dunkerque, à limiter la croissance du trafic routier, notamment aux abords des grandes agglomérations, à soutenir la compétitivité, l’attractivité de développement économique des territoires irrigués et reliés par la liaison.
Le renouveau du transport fluvial
Le développement important du transport fluvial en France depuis 1997 (+ 41%) s’est accéléré avec une progression annuelle de + 6,2 % en 2004, qui s’est amplifiée en 2005. Cette expansion importante, favorisée par des coûts très compétitifs en raison de la massification des marchandises que permet ce mode ainsi que la récente libéralisation du marché répond :
• aux demandes de fiabilité et de sécurité de l’économie moderne exigées par les acteurs économiques ;
• aux objectifs de report modal vers les transports fluviaux et ferroviaires définis dans les politiques françaises et européennes pour réduire la pression des transports dans l’émission des gaz à effet de serre ;
• aux besoins de la logistique moderne pour structurer la massification des échanges entre les pôles de production et les pôles de consommation.
Carte de la liaison Seine-Escaut
En effet, les échanges ont été marqués ces dernières années par la progression de la conteneurisation maritime et terrestre des marchandises.
Cette solution permet de développer à l’intérieur du continent européen des plates-formes logistiques bi ou tri-modales alimentées sur des axes majeurs par la voie d’eau ou le rail, la distribution finale des marchandises étant réalisée par la route.
Ces plates-formes se développent progressivement en France. Elles le sont davantage dans les pays du nord de l’Europe : par exemple en Allemagne, le port fluvial de Duisbourg, sur le Rhin, est le premier port fluvial mondial et traite annuellement près de 50 millions de tonnes de marchandises. Il compte en outre plus de 50 dessertes ferroviaires quotidiennes vers plus de 80 destinations européennes. Il constitue l’une des plaques tournantes de la logistique européenne.
La croissance du transport fluvial est soutenue dans l’ensemble des pays du nord et de l’est de l’Europe. Cette croissance a été en 2004 de 3,4 % en Wallonie, 4,1 % en Flandre, 9,5 % en Allemagne, 15,9 % en Autriche témoignant du développement et de la modernité de ce mode. Au total, 131 milliards de tonnes-kilomètres sont réalisés chaque année sur les fleuves et canaux européens1. Le canal Seine-Nord Europe s’intègre dans une liaison européenne à grand gabarit reliant la Seine à l’Escaut et au-delà le Rhin. Cette liaison met en réseau les principaux ports fluviaux et maritimes et favorise les échanges de marchandises intracommunautaires.
Les enjeux de la liaison Seine-Nord Europe
Transport de conteneurs sur la Seine
Dans un tel contexte, l’enjeu économique de la liaison Seine-Nord Europe dépasse largement la seule économie du transport de marchandises. Ce projet s’inscrit dans un objectif de développement des activités logistiques industrielles autour de grandes plates-formes fluviales, de la même manière que les fleuves ont été, dans le passé, le point de départ de développement des grandes villes.
La saturation des infrastructures routières du Benelux entraînée par le transport de marchandises en provenance des ports du nord de l’Europe, la concentration du trafic Nord-Sud de marchandises sur l’autoroute A1 et la congestion aux abords du Nord-Pas-de-Calais et de l’Île-de-France nécessitent de fournir rapidement des solutions alternatives durables, permettant l’acheminement des marchandises au cœur de ces agglomérations avec le minimum de nuisances.
Une ouverture du bassin de la Seine stratégique pour l’Île-de-France et la Haute-Normandie
Seine-Nord Europe permettra la mise en réseau du bassin de la Seine avec l’ensemble de l’Europe fluviale. Outre les nouvelles possibilités offertes pour les trafics Nord-Sud, ce désenclavement aura aussi pour effet de renforcer la compétitivité de l’offre fluviale pour les transports internes du bassin de la Seine, en Île-de-France ou en Haute-Normandie, grâce à une meilleure capacité d’adaptation de la flotte aux besoins des chargeurs.
Évolution du trafic fluvial en Europe de 1990 à 2004 (milliards de t‑km)
Le Nord-Pas-de-Calais au cœur de la liaison Seine-Escaut
Naturellement tourné vers le nord de l’Europe, Seine-Nord Europe placera le Nord-Pas-de-Calais au cœur de la liaison fluviale européenne à grand gabarit Seine-Escaut. Cette ouverture vers le Grand Bassin parisien favorisera le rayonnement du port de Dunkerque et contribuera à renforcer la dimension européenne du réseau de ports fluviaux, notamment la plate-forme delta 3 de Dourges.
Une opportunité pour les territoires le long du canal
Seine-Nord Europe donnera également aux territoires qui l’accueilleront (la Picardie et l’Artois Cambrésis) l’opportunité de développer leurs atouts et compétences. En particulier, ce projet pourra valoriser le potentiel agricole et industriel de la Picardie en prolongeant la dynamique créée par les pôles de compétitivité « industrie et agro-ressource », (notamment dans le secteur des énergies nouvelles que sont les biocarburants), en favorisant une meilleure compétitivité des productions.
Les enjeux portés par le projet de canal Seine-Nord Europe ont conduit le comité interministériel d’aménagement du territoire du 18 décembre 2003 à inscrire le projet parmi les 35 infrastructures françaises prioritaires et le Parlement et le Conseil européen, par codécision du 21 avril 2004, à intégrer la liaison européenne Seine-Escaut, dont Seine-Nord Europe constitue le maillon central, parmi les 30 projets prioritaires du réseau transeuropéen de transport.
Les caractéristiques de l’ouvrage, son insertion et l’économie du projet
Le nouveau canal Seine-Nord Europe répond aux dimensions des bateaux fluviaux de dernière génération. Il a été conçu pour permettre la navigation de convois de 4 400 t (contre 650 t au plus pour le canal du Nord) et le transport de trois niveaux superposés de conteneurs. Grâce à ces caractéristiques, la capacité de transport du canal pourra atteindre environ 36 millions de tonnes par an.
Le canal franchira les 106 km séparant Compiègne du canal Dunkerque-Escaut par une série de 8 marches d’escalier (bief) séparées par 7 écluses (contre 21 écluses pour le canal du Nord et le canal latéral à l’Oise). Des études paysagères sont conduites de manière à assurer l’intégration de l’ouvrage dans la morphologie caractérisant les paysages de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais. Les principes retenus visent à respecter les pentes des terrains en privilégiant notamment les dépôts de faibles pentes qui seront restituées à l’exploitation agricole après reconstitution des caractéristiques agronomiques des sols.
Le projet de canal Seine-Nord Europe intègre depuis les premières phases d’études l’ensemble des aspects environnementaux. Cela a conduit à l’issue des études préliminaires au choix du fuseau qui présente, par rapport aux autres fuseaux envisagés au départ, les avantages d’une meilleure insertion dans l’environnement. En effet ce fuseau s’écarte très largement des fonds de vallée et des zones habitées. En conséquence, son impact sur le patrimoine naturel et construit est assez limité.
Plusieurs enjeux environnementaux ont été pris en compte dans la conception du projet :
• au sud de Noyon, dans la vallée de l’Oise, le canal longe un site Natura 2000. La réutilisation du canal existant permet de réduire l’impact sur ce secteur remarquable ;
• entre Péronne et Nesle, le canal passe à flanc de coteau, ce qui permet d’éviter la vallée de la Haute-Somme, très riche d’un point de vue écologique. La traversée de la Somme, à l’ouest de Péronne est un point sensible d’un point de vue hydraulique et écologique. Le franchissement en pont-canal contribue très largement à la préservation des conditions hydrauliques et le maintien de la qualité biologique des étangs ;
• la vallée de la Sensée et l’ensemble des milieux humides associés sont des éléments majeurs de la diversité biologique du secteur nord du fuseau. Le tracé retenu évite ces milieux.
L’alimentation en eau du canal a été conçue en évitant de prélever dans la ressource en période d’étiage sévère, deux bassins de retenue d’un volume de 14 millions de mètres cubes permettront d’assurer l’alimentation en eau avec des périodes de retour de soixante-cinq ans, garantissant ainsi la fiabilité du transport en respectant la qualité hydrobiologique des rivières. Par ailleurs, la conception du canal et du système de pompage associé à chaque écluse permet également le transport d’eau et la fourniture d’agglomérations importantes comme Lille et Lens-Liévin : un prélèvement de l’ordre de 1 m3/s est en effet possible à partir de l’Oise une grande partie de l’année.
Les perspectives de trafic envisagées sur ce nouveau canal sont de plus de 17 millions de tonnes par an à l’horizon 2020 dont environ 300 000 conteneurs2. Trois catégories de filières sont directement concernées : les filières de vracs solides et liquides (céréales et matériaux de construction), la filière de conteneurs maritimes et terrestres, dont le transport par voie fluviale est en plein développement pour accompagner la croissance annuelle de 8 % du transport maritime de conteneurs depuis dix ans, et les » nouvelles » filières (déchets, chimie, caisse mobile et colis lourds).
L’existence du canal Seine-Nord Europe accroît le trafic fluvial annuel sur le corridor Nord-Sud de 11,4 millions de tonnes. Cette croissance est due pour 7 millions de tonnes aux trafics détournés de la route. Dans le détail, les marchandises non conteneurisées représentent 5,8 millions de tonnes (50 % de granulats et 27 % de produits agricoles). La part actuelle du mode ferroviaire de 18 millions de tonnes serait en 2020 avec le projet Seine-Nord Europe de 34 millions de tonnes après transfert de 3,2 millions de tonnes (essentiellement des granulats et des produits agricoles) vers la voie d’eau.
Le canal Seine-Nord Europe induira un développement de l’activité fluviale des ports de la rangée Manche-mer du Nord sans modifier la répartition des parts de marché entre ces ports : la mise en service de la liaison augmentera la part du trafic fluvial dans la desserte des ports français de près de 3 points sur les trafics non-conteneurisés et de 11 points pour les trafics conteneurisés.
L’alimentation en eau du canal Seine-Nord Europe
L’avant-projet : une phase d’étude et de concertation
Dans un objectif de meilleur partage de l’information, les phases d’études et de concertation ont été conduites de façon simultanée, afin d’intégrer dans un délai très court les avis exprimés par les acteurs concernés (élus, associations, acteurs institutionnels et socioéconomiques). Cette démarche a permis d’étudier et de sélectionner, dans les délais impartis, les options de conception du projet.
Le dispositif de concertation s’est articulé autour de quatre volets :
• l’inscription de l’ouvrage dans les territoires (le tracé), avec les élus, à l’échelle des intercommunalités ;
• les questions hydrauliques dans les vallées de l’Oise, de la Somme et de la Sensée, avec les élus, les administrations et les associations ;
• les questions de développement économique, avec les élus et les responsables économiques à l’échelle des quatre grands territoires (Oise aval, Oise amont, Somme-Aisne et Nord-Pas-de-Calais), ainsi que les aspects logistiques, avec les représentants de deux des filières stratégiques que sont les céréales et les matériaux de construction ;
• les questions foncières et agricoles avec la mise en place d’une instance de liaison composée des quatre chambres d’agriculture de l’Oise, de la Somme, du Pas-de-Calais et du Nord.
Au total, près de 70 réunions publiques et de concertation ont eu lieu entre le 11 mars et le 19 octobre 2005. Menées de manière concomitante aux études, ces réunions ont contribué à la définition du tracé du canal.
Des opportunités économiques pour un partenariat innovant
La perspective de conduire le projet de canal Seine-Nord Europe dans le cadre de la procédure de contrat de partenariat public-privé fournit des possibilités de développer, au-delà de la simple création d’une nouvelle infrastructure, une offre globale de services de transport. C’est le sens de l’inclusion des plates-formes portuaires et industrielles dans le périmètre de l’enquête publique. Après les emplois créés durant la construction de l’ouvrage, la pérennité d’emplois à long terme associés au développement durable des activités liées au canal sera ainsi assurée.
La solution d’un contrat de partenariat public-privé pour la réalisation du canal Seine-Nord Europe est particulièrement adaptée à l’ampleur de l’ouvrage, tant du point de vue de son périmètre que des caractéristiques de long terme et de son financement.
Cette approche nouvelle a été inscrite dans l’organisation des études pour y intégrer des composantes essentielles de l’approche du contrat de partenariat, c’est-à-dire celle de l’évaluation des risques.
La définition des activités annexes déjà évoquées avec les plates-formes portuaires et le transfert d’eau vers la région Nord-Pas-de-Calais constitue une étape caractéristique de la consolidation du projet pour en préciser le périmètre, l’organisation, ainsi que la répartition et le mode de financement entre les partenaires publics et privés.
Ensuite, la définition plus précise du projet, au niveau de l’avant-projet détaillé, doit permettre aux partenaires privés de s’engager sur le coût et le délai de construction ainsi que sur les objectifs de performance de l’exploitation de la liaison au sein de la liaison européenne Seine-Escaut.
Sachant que l’un des enjeux majeurs du projet, avec le transfert modal, est de s’assurer que l’ensemble de la liaison permettra de développer une économie plus ouverte sur l’Europe et que la France bénéficiera ainsi de cette économie d’échange et de transformation par un renforcement de l’offre logistique, les différents acteurs de la chaîne logistique notamment les opérateurs portuaires animeront ce nouveau réseau pour créer une valeur ajoutée au transport de marchandises et ne pas réduire l’ouvrage à des activités de transit.
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1. La totalité des trafics intérieurs de marchandises dans l’Europe des Quinze effectués par la route, le rail, la voie d’eau, les conduites (pipelines) et le transport maritime est d’un peu plus de 3 167 milliards de tonnes-kilomètres. 1 454 milliards sont réalisés par la route, 1 262 milliards par le transport maritime à courte distance, 236 milliards par le rail, 131 milliards par la voie d’eau et 84 milliards par les pipelines.
2. À titre de comparaison, le port de Rouen a traité en 2004 20 millions de tonnes de marchandises.