S’engager durablement pour l’enfance qui souffre
Quelles sont les raisons qui t’ont amenée à choisir un stage en milieu hospitalier ?
Mes motivations initiales dans le choix de ce stage étaient diverses. Je voulais avant tout me rendre utile. Le milieu de l’hôpital me faisait un peu peur mais je l’ai choisi car il me touche beaucoup.
À Palaiseau, je me suis arrêtée sur le stand qui présentait cette association et j’ai eu un vrai coup de coeur. Le fait d’être au contact d’enfants m’attirait tout particulièrement. Dans la liste de choix que j’ai remplie, c’était le seul stage civil que j’ai mentionné.
En le choisissant, je m’attendais à vivre une expérience humaine très forte et je n’ai vraiment pas été déçue.
REPÈRES
Depuis plus de dix ans‚ L’enfant@l’hôpital apporte la culture par Internet aux enfants malades et handicapés‚ hospitalisés dans toute la France : des voyageurs et des savants dialoguent avec eux‚ parfois du bout du monde‚ et les enfants‚ dont la curiosité est piquée‚ retrouvent le goût de lire et d’écrire.
Pour animer ces forums‚ de jeunes stagiaires‚ polytechniciens en service civil ou élèves d’autres écoles de l’enseignement supérieur‚ sillonnent la France en train pour accompagner les enfants à leur chevet ou dans la classe de l’hôpital. Les enseignants s’appuient sur ces échanges pour continuer d’assurer la scolarité des enfants‚ aiguiser leur appétit d’apprendre et leur sens artistique‚ et les sortir de l’isolement et de la fatigue.
Trois mille jeunes malades sont ainsi accompagnés chaque année et l’association propose maintenant ses méthodes à des établissements pénitentiaires pour mineurs et des classes des quartiers sensibles où sont parfois accueillis des enfants nomades.
Quels ont été les moments forts de cette période ?
Ces six mois ont été exceptionnellement intenses et riches et il m’est difficile de parler d’un temps fort. J’ai vécu mille moments émouvants. Mais les débuts furent difficiles : dès le premier jour, après quelques brèves explications sur ce que j’aurais à faire, j’ai reçu une liste de chambres à visiter et ai dû me jeter dans le bain.
J’ai compris qu’être moi-même suffisait et que les enfants ne demandaient qu’à partager ce moment.
J’ai également vite appris à relativiser et je me suis rendu compte que ce n’est pas en portant la souffrance de l’autre que l’on peut le soulager.
Qu’as-tu retiré de cette expérience ?
À la fois des enseignements professionnels – des « savoir-faire » – et des enseignements personnels – des « savoir-être ».
“ Ce n’est pas en portant la souffrance de l’autre que l’on peut le soulager ”
Dans la première catégorie, je citerais l’intégration aux différentes équipes dans le milieu hospitalier, l’adaptation à la personnalité de chaque enfant, le développement de la créativité en réponse aux besoins de chaque cas. Et aussi l’occasion de présenter l’association devant des publics divers et de développer des relations avec les entreprises qui soutiennent cette activité.
Dans la seconde catégorie, la variété et la richesse des rencontres m’ont donné une vision beaucoup plus étendue de l’humain, de la société et de ses différents milieux.
Les situations auxquelles j’ai été confrontée m’ont énormément mûrie. Elles ont été pour moi l’occasion d’apprendre à réagir face à la douleur, à dire non quand il le faut, à mesurer sa peine en fonction du but vers lequel on tend et à prendre du recul.
Comment as-tu décidé de t’investir durablement dans L’enfant@l’hôpital ?
Mon travail en milieu hospitalier m’a tellement marquée que j’ai voulu garder des liens avec les permanents de l’association. Au début, il s’agissait de contacts informels.
En troisième année de l’X, j’ai voulu m’occuper de jeunes patients et j’allais passer chaque vendredi après-midi à l’hôpital. Mais je me suis vite aperçue que je n’avais plus la disponibilité voulue pour un engagement opérationnel de cette nature.
J’ai donc cherché à apporter mon concours sous une forme différente en tenant compte des contraintes d’emploi du temps que je rencontrais.
Quelles sont tes activités actuelles au sein de l’association ?
L’association est une petite entreprise – trois permanents et l’équivalent d’une quinzaine de personnes à temps plein qui sont des stagiaires ou de bénévoles –, petite entreprise qui est confrontée aux mêmes problèmes que toute autre : recherche de financements, définition de plans d’action, recrutement, suivi d’activité, développements informatiques, etc.
“ L’important est que cet engagement réponde à une passion ”
C’est sur ce volet « entrepreneurial » que j’apporte mon temps de façon assez variable en fonction des besoins et de ma disponibilité. J’ai la chance de travailler avec un président qui a suivi le même parcours que moi. Il s’agit d’Alexis Demassiet (2003), qui lui aussi avait son stage FHM à L’enfant@l’hôpital.
En pratique, je m’occupe du recrutement des stagiaires (des X bien sûr, mais aussi des élèves de Sciences-po ou de Psycho-Prat). Je cherche des sponsors qui acceptent de nous apporter un soutien durable. Je monte des dossiers pour obtenir des financements auprès de fondations, ce qui généralement prend beaucoup de temps.
J’organise la participation de notre association à des concours et événements permettant de donner une visibilité à notre action et de faciliter en retour la collecte de fonds auprès des particuliers.
C’est ainsi que nous avons reçu en 2014 le prix « coup de coeur » Étoile de la Culture donné par la fondation Réunica en récompense de mon travail auprès des enfants et ados autistes.
Autre dossier qui nous a occupés récemment : la refonte du site informatique, un élément essentiel dans notre communication ainsi que, quelques mois plus tôt, la refonte de notre plateforme Kolibri : c’est grâce à cette plateforme que les jeunes malades sont en contact avec les voyageurs qui dialoguent avec eux.
Dans quelle voie professionnelle t’es-tu engagée ?
Je travaille aujourd’hui chez Jumia. Cette filiale d’Africa Internet Group est le plus important site de e‑commerce en Afrique et est déjà présent dans quinze pays. Mon choix a été dicté par le côté aventureux de cette première expérience professionnelle : on lance une nouvelle activité sur un continent où beaucoup reste à construire. La moyenne d’âge chez Jumia est de 25 ans et nous avons la chance d’y avoir très vite des responsabilités que l’on n’aurait que beaucoup plus tard dans des structures plus conventionnelles.
Personnellement, je suis category manager, c’est-à-dire que je suis responsable de différentes catégories de produits. Cela inclut, entre autres, le sourcing de l’assortiment, la négociation avec les fournisseurs, les partenariats avec les marques, le lien avec le marketing, etc.
Ce poste m’amène à voyager souvent au Kenya pour être sur le terrain.
Que t’apporte ton engagement associatif ?
C’est une activité dont j’ai besoin et qui participe à mon équilibre personnel. Donner de son temps au monde de l’enfance avec ce qu’il a de naïf, de simple et d’innocent est profondément gratifiant.
Une autre source de satisfaction est de participer à cette aventure collective qu’est la vie de l’association pour développer nos activités et permettre à de nouveaux enfants d’en bénéficier. Depuis, quelques mois nous intervenons dans certains collèges de ZEP en plus de nos interventions dans les hôpitaux et centres médicalisés.
L’important à mes yeux est que cet engagement réponde à une passion.