Sept clés pour réussir les cent premiers jours d’un dirigeant
Il faut prendre le pouls de l’entreprise, rassurer, convaincre et motiver les salariés. lancer des actions destinées à relancer à court terme l’activité et les ventes, à réduire les coûts et en même temps se donner les moyens d’assurer la mise en œuvre effective des actions décidées et obtenir les résultats annoncés.À ce stade, la stratégie à long terme n’est pas connue et viendra plus tard .
Dans une situation de crise avérée, le nouvel arrivant concentre à la fois espoirs et craintes : espoirs qu’avec un œil neuf et une approche en rupture avec le management précédent, il puisse redresser la situation.
Mais aussi, craintes et anxiété, le changement de management étant souvent révélateur des difficultés et annonciateur de restructurations.
“ Si vous ne connaissez pas le terrain, vous ne pourrez y mener vos
troupes ”
Alors que la situation est dégradée et que la pérennité de l’entreprise est éventuellement en cause, il doit mettre à profit cette période critique des premières semaines pour créer ou recréer la confiance et pour asseoir sa crédibilité en interne (management, IRP, salariés) comme à l’égard de l’extérieur (clients, fournisseurs, banquiers, actionnaires).
Mais il doit, concomitamment, prendre les mesures de sauvegarde indispensables car, s’il ne le fait pas rapidement, il aura beaucoup de mal à redresser la barre par la suite.
Les exemples et contre-exemples ne manquent pas, que ce soit dans la sphère politique ou en entreprise.
REPÈRES
Après avoir recueilli le témoignage de nombreux dirigeants et observé depuis plus de quinze ans des managers de crise en mission, Frédéric Marquette, associé d’EIM, a publié dans un ouvrage intitulé Cent jours pour réussir – Paroles de dirigeants1 cinquante recommandations qui font l’objet d’un clair consensus.
Sept points se dégagent et apparaissent à la fois comme essentiels et applicables à la plupart des prises de fonctions en situation de crise.
Comprendre où l’on met les pieds
L’une des erreurs fréquentes est de se rassurer avec des solutions toutes faites qui ont réussi ailleurs mais seront inadaptées dans un nouveau contexte.
Faire l’éponge.
Même si le temps est compté, pour pouvoir prendre les bonnes décisions, il faut prendre le pouls de l’entreprise. « Si vous ne connaissez pas le terrain local, ses reliefs, ses forêts, ses dangers, vous ne pourrez y mener vos troupes » (Sun Tzu).
Il faut rapidement comprendre la situation, l’état réel de la trésorerie et les prévisions à court terme, les attentes des actionnaires, des banquiers et des tiers : discerner leurs priorités réelles, leurs attentes, expliciter le non-dit en allant parfois au-delà du discours.
Comprendre aussi les processus et l’organisation , mais surtout les hommes.
Au-delà de l’organigramme, quelles sont l’importance et l’influence de chacun ? Sur qui peut-on compter ? Dans ces situations, l’attitude et les qualités humaines sont aussi importantes que les compétences.
Agir, décider, garder le tempo
Cette prise d’informations doit être menée en quelques semaines et, parfois, en quelques jours dans des situations de grande urgence.
En effet, les premières décisions doivent intervenir rapidement, en tout état de cause, avant la fin du premier mois. Pour cela, il est nécessaire de renoncer à la perspective rassurante d’une compréhension exhaustive de la situation, mais au contraire aller à l’essentiel et faire confiance à son métier et à son intuition.
L’indécision est ici un péché capital.
C’est évidemment un exercice particulièrement difficile, mais indispensable si l’entreprise doit être réorganisée ou restructurée, compte tenu des délais des procédures d’information-consultation des IRP et des aléas inhérents à la mise en œuvre des PSE.
Viser des premières victoires rapides
Dans les situations de crise, l’horizon de temps est clairement le court terme et les premières actions ont pour objet la recherche de quick wins plutôt que de viser et d’annoncer des objectifs très ambitieux pour le long terme. Avant de penser à l’avenir, il faut survivre et reprendre la maîtrise de son destin.
La mesure détermine les comportements.
Il est préférable d’engager un plan d’action précis et jalonné, permettant d’atteindre rapidement des résultats concrets, « sonnants et trébuchants », avec comme priorité les clients et les ventes, le BFR et la trésorerie.
Cela permettra de focaliser l’action des équipes, de donner un élan, de créer ou de recréer la confiance, que ce soit la confiance des équipes en elles-mêmes, des équipes en leur patron, la confiance des « commanditaires » (le supérieur hiérarchique, le groupe, ou les actionnaires, suivant le cas) ou celle des partenaires.
Il s’agit de montrer au fur et à mesure que le nouveau patron fait ce qu’il avait dit, obtient des résultats et tient ses promesses.
Et, au sein de l’équipe, chacun doit aussi savoir ce que l’on attend de lui et quelles sont ses priorités.
Il faut cependant prendre garde : ce plan d’action à court terme n’est pas la stratégie. Il vise des premières victoires utiles. La stratégie n’est pas connue à ce stade : il faut se donner plus de temps pour la définir.
Ce plan à court terme ne prétend pas non plus à l’exhaustivité. Il faut aller à l’essentiel, s’attacher aux « 80⁄20 », aux sujets en nombre limité qui feront l’essentiel des résultats.
Contrôler le plan de marche
“ Montrer que le nouveau patron fait ce qu’il avait dit ”
Définir les priorités à court terme, engager rapidement de premières actions est important mais ne suffit pas. Il faut se donner les moyens d’assurer la mise en œuvre effective des actions décidées et d’obtenir les résultats annoncés.
Le reporting est, à ce titre, essentiel : la mesure détermine les comportements. Dotées d’un reporting ajusté, partagé, les équipes tendront d’elles-mêmes vers les comportements souhaités, vers les objectifs définis.
Il faut donc rapidement mettre en place quelques indicateurs pertinents, en visant la simplicité et l’efficacité plus que la perfection, et instituer un contrôle rapproché, à la semaine, de l’avancement du plan d’action défini.
Différer les grands projets structurels
Des évolutions mais pas de révolutions.
L’un des pièges fréquemment rencontrés est de vouloir dérouler un processus logique consistant d’abord à définir ou à mettre à jour la stratégie, puis à évaluer son impact sur l’organisation, les hommes, les systèmes d’information, etc., avant d’engager les équipes dans l’exécution des plans, le tout à grand renfort de consultants.
Les équipes se trouvent alors mobilisées dans la préparation d’un plan à trois ou cinq ans, dans la refonte complète du reporting (il en faut un, mais simple, et vite), dans la mise en place d’un nouveau système informatique, etc.
Ces grands projets, qui tardent souvent à produire des résultats, sont très consommateurs d’énergie, détournent les équipes des affaires quotidiennes et des priorités immédiates. Ils sont donc préjudiciables aux résultats concrets immédiats et engendrent souvent beaucoup de frustration et de découragement.
À ce stade, la stratégie à long terme n’est pas connue et, en situation de crise, la priorité est aux actions destinées à relancer à court terme l’activité et les ventes, à réduire les coûts et à maîtriser le BFR, à sécuriser la situation financière.
Ces actions procureront le temps nécessaire pour conduire, dans une deuxième étape, un plan de transformation au service d’une stratégie dont la réflexion aura pu être menée à son terme et pour des objectifs bien définis.
Éviter les grands shows
Attention aux grands-messes, aux discours lyriques : les grandes incantations et appels aux valeurs ne sont plus audibles aujourd’hui.
De même, arriver en sauveur et abuser de la notion d’héritage se retournera souvent contre celui qui use de ces artifices. Point n’est question de grand show médiatique ni d’effets de manches.
Communiquer avec simplicité et cohérence
Au commencement était le verbe. La communication est un des actes essentiels du leader, qui accompagne et sous-tend l’action. Expliquer, déléguer, entraîner, motiver, féliciter : finalement, tout passe par des mots.
“ La communication doit être permanente et ne se délègue pas ”
La communication doit donc être permanente, tout au long des cent jours. Et elle ne se délègue pas. Le patron doit incarner le changement qu’il propose.
La communication efficace doit être simple, concrète, proche du terrain. Quelques images ou mesures symboliques pourront renforcer le discours.
LES RÈGLES DU JEU COLLECTIF
Un patron est un guide. Comme un chef d’orchestre, il donne à son équipe le la et le tempo, fixe les priorités, organise le travail.
Mais il est aussi l’initiateur et le garant des règles du jeu collectif. Il est donc à la fois, l’entraîneur (le « coach ») et l’arbitre. Cette aptitude du dirigeant a été démontrée comme étant l’une des caractéristiques des organisations « surperformantes ».
D’autre part, l’autorité est une des rares choses qui s’usent si l’on ne s’en sert pas.
Pour donner quelques exemples : les réunions commencent à l’heure, les engagements sont tenus, les délais respectés, on joue collectif, on arrive avec des solutions et pas uniquement avec des problèmes, l’erreur est admise mais la transparence est non négociable, bad news first, etc.
La bonne communication passe avant tout par la cohérence : cohérence entre les discours et les actes, entre la communication interne et externe, entre les injonctions et l’exemple donné.
N’annoncer que ce qui pourra être tenu, sinon se taire.
Des règles à retenir
Ce ne sont que quelques règles parmi les cinquante proposées dans Cent jours pour réussir – Paroles de dirigeants. Bien sûr, il ne s’agit pas de recettes de succès toutes faites. L’expérience et la personnalité du nouveau responsable, son adéquation à ses nouvelles fonctions sont décisives.
Essentielles dans les contextes de redressement, ces règles s’appliquent très largement à toute prise de fonctions.
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1. Aux éditions Leduc, collection « Alisio ».