Sept promotions sous le signe des neutrons
La passion pour la science n’a pas d’âge et s’il fallait encore le prouver, la visite à Grenoble du binet Boson, dont l’objectif est de rapprocher étudiants et chercheurs, en serait une démonstration irréfutable. Invités par Yves Bréchet (81) et encadrés par leurs anciens de la 2006, des élèves des promotions 2008, 2009 et 2010 ont eu la chance de pouvoir visiter l’Institut Laue Langevin et l’European synchrotron radiation facility en compagnie de Frédéric Livet (67), membre de la Société française de physique, et de Robert Dautray (49), membre de l’Académie des sciences.
Aussi unique que son concepteur
L’Institut Laue Langevin (ILL) est né d’une collaboration franco-allemande dans le milieu des années soixante et compte aujourd’hui plus d’une trentaine de nationalités parmi ses utilisateurs. Il permet à des équipes de recherche de sonder et d’analyser des échantillons de matière grâce à un flux de neutrons généré par un réacteur nucléaire. Ces expériences couvrent un spectre extrêmement large entre physique fondamentale et diagnostic industriel.
Toute particule chargée accélérée dans un champ électromagnétique émet un rayonnement ; c’est sur cette propriété fondamentale que repose un synchrotron.
Comme l’ont expliqué J.-L. Martinez, directeur adjoint de l’ILL, et H. Guyon, chef de la division réacteur, l’ensemble représente une véritable prouesse technique, non seulement sur le plan du génie nucléaire (l’ILL délivre le flux de neutrons le plus intense dans le monde de la recherche) mais aussi sur le plan du génie civil (il est situé au confluent de l’Isère et du Drac et subit les efforts des massifs de la Chartreuse, de Belledonne et du Vercors).
Malgré cela, il peine à étonner autant que son concepteur, Robert Dautray, dont les explications et les commentaires tout au long de la visite ont vivement impressionné l’auditoire. Quarante ans après les derniers coups de crayons sur les plans du réacteur, Robert Dautray est, à 80 ans passés, toujours animé d’une même passion communicative, voire contagieuse.
Des polytechniciens sous rayons X
L’European synchrotron radiation facility propose lui aussi de sonder la matière, mais avec des photons plutôt qu’avec des neutrons. Un anneau long d’un kilomètre accélère des électrons dont le rayonnement est utilisé pour étudier des structures de protéines, analyser des oeuvres d’art ou déterminer les propriétés d’un métal.
Aussi massifs que les noyaux atomiques et dépourvus d’interactions électromagnétiques, les neutrons sont des sondes privilégiées pour analyser, non seulement la composition structurale, mais aussi la dynamique de la matière condensée sous toutes ses formes.
Guidés par Frédéric Livet, Guillaume Beutier et Jean François Bérar, les visiteurs ont pu explorer l’intérieur du long tunnel circulaire du synchrotron ainsi qu’une des lignes de lumière utilisée pour la recherche, avant de rejoindre Philippe Nozières, de l’Académie des sciences, pour un passionnant échange de physique théorique.
Un passage de relais
Cette visite marque également le passage de relais du binet Boson de la promotion 2009 à la promotion 2010 : c’est à présent Loïc Herviou et Thomas Strebler qui reprennent le flambeau et seront en charge d’assurer les liens entre polytechniciens et monde de la recherche. Ils ont d’ores et déjà prévu d’organiser, dans la voie ouverte par Georges Charpak, une séance de démystification des superstitions par la prestidigitation.