SERL : la décarbonation, notre histoire à tous !
Pour Vincent Malfère, directeur général de la SERL, la décarbonation est une démarche partenariale progressive à laquelle des acteurs comme la SERL, société d’économie mixte d’aménagement et de construction de la région lyonnaise, contribuent activement, à l’interface du secteur public et privé. Entretien.
Comment appréhendez-vous la question de la décarbonation ?
Au regard de la problématique du réchauffement climatique, la décarbonation est d’abord un impératif. La typologie des activités de la SERL, aménagement urbain, construction d’équipements publics, rend cette question primordiale au vu des émissions de gaz à effet de serre que ces activités génèrent.
La décarbonation est également incontournable, pour deux raisons. La première parce que les réglementations en la matière, comme la Réglementation Environnementale 2020 ou encore le décret tertiaire sur la performance énergétique des immobiliers tertiaires, nous y engagent résolument. La deuxième a trait à la demande politique et citoyenne, émanant des territoires avec lesquels nous travaillons. Ce mouvement n’est d’ailleurs pas spécifique à l’hyper-urbain et à la Métropole de Lyon et traverse, avec des enjeux certes différents, tous les territoires.
Dans ce contexte, les opérateurs comme nous doivent être en mesure de dessiner des chemins, proposer des équilibres entre une marche à la fois forcée et volontaire vers la décarbonation et les impératifs d’ordres économiques et sociaux liés notamment aux prix du logement et à la qualité de vie au sein des bâtiments et quartiers que nous construisons, en allant dès que le contexte le permet, au-delà de ce qu’impose la règlementation.
Dans ce cadre, comment vous positionnez- vous et comment faites-vous évoluer votre offre ?
Précisons tout d’abord que nous exerçons aujourd’hui principalement quatre métiers complémentaires :
- l’aménagement urbain : nous produisons des quartiers nouveaux, soit par transformation de la ville sur elle-même, soit, de plus en plus marginalement, en expansion urbaine ;
- les équipements publics ou privés : nous concevons, programmons, pilotons et réalisons en mandat ou assistance à maîtrise d’ouvrage des superstructures dans deux domaines principaux : l’enseignement (écoles primaires, collèges, lycées, universités…) et le domaine hospitalier et médico-social ;
- l’investissement immobilier en fonds propres en soutien de politiques publiques des collectivités, et en particulier en matière de développement économique. Nous portons ainsi par exemple un hôtel de logistique urbain, des villages entreprises, des pôles de service, des commerces… ;
- le développement des énergies renouvelables : nous proposons en la matière des solutions de tiers-investissement, notamment pour des toitures et ombrières photovoltaïques.
Cela se traduit chaque année par la conduite d’une centaine de projets de toutes tailles, à l’échelle de l’aire métropolitaine lyonnaise et de la région Auvergne-Rhône-Alpes, et parfois même au-delà, ce qui fait de nous une des plus importantes SEM de France dans nos métiers.
Sur cette base, le conseil d’administration de la SERL a souhaité en 2021 doter la société d’une raison d’être : « Avec les habitants, usagers et parties prenantes, aménager et construire un cadre de vie de qualité pour soutenir les transitions écologique, sociale, et économique de nos territoires ». Notre conseil d’administration a donc souhaité expliciter un positionnement qui consiste non seulement à aménager et construire, nos métiers historiques, mais aussi, par la diversité de nos projets et métiers, à soutenir et à accompagner nos clients, nos territoires dans les transitions.
Pour cela, il s’agit d’intervenir tel un expert tout à la fois fiable sur les fondamentaux de nos métiers, et agile et innovant afin d’adapter nos modes de faire et réalisations aux évolutions et aux attentes de nos clients. Il est ici question notamment de trouver le bon compromis, adapté à chaque projet et chaque contexte, entre une ambition forte et la capacité collective à y répondre.
Il s’agit également de conseiller, écouter, apporter des conseils pragmatiques et réalistes, nourris de nos expériences opérationnelles. Ces postures m’apparaissent particulièrement pertinentes quand il s’agit d’accompagner les transitions et notamment la décarbonation. La façon dont notre société se prépare à ces évolutions pour en permettre la déclinaison opérationnelle concrète est également fondamentale pour sa compétitivité et son avenir.
Dans ce cadre, quels sont les principaux projets qui vous mobilisent actuellement ?
Il faut d’abord se dire qu’appréhender la question des transitions dans une entreprise de 90 salariés, qui reste donc une PME, impose d’adopter une approche à la fois souple, ciblée et proportionnée. C’est d’autant plus indispensable quand on travaille sur l’urbain, dont les problématiques sont très nombreuses. C’est pourquoi nous avons fait le choix de structurer une démarche innovation ciblée sur un nombre restreint de thématiques questionnées à intervalles réguliers, incrémentale, et trouvant à se décliner par et pour les projets. Par les projets parce qu’il s’agit là de notre principal levier d’impact puisque si notre structure a un chiffres d’affaires de 10 M€, nous investissons chaque année environ 150 M€ sur les projets qui nous sont confiés par voie de concessions ou de mandats. Pour les projets car nous n’avons pas vocation à conduire des projets de recherche, mais sommes plutôt dans l’idée que les sujets que nous explorons doivent pouvoir trouver un potentiel de massification sur nos opérations, au bénéfice de nos clients et usagers.
Les thématiques sur lesquelles nous travaillons sont les suivantes :
- les matériaux et les ressources : matériaux bio et géosourcés, remploi de matériaux, économie circulaire… autant de leviers clés pour la décarbonation de la Ville ;
- la ville productive : quels choix retenir pour créer et maintenir les activités productives dans le cœur urbain à condition économique abordable, afin d’éviter les nombreuses externalités négatives liées à leur localisation trop systématique en franges urbaines ;
- la coproduction avec les habitants et les usagers : il s’agit de mieux et plus mobiliser la demande sociale de plus en plus forte d’un renforcement du pouvoir d’agir des habitants et des usagers sur nos projets, pour améliorer ces derniers et en renforcer l’acceptabilité ;
- le bien-être et la santé, avec des questionnements de la place du médico-social dans la Ville et de l’urbanisme favorable à la santé.
Il s’agit sur ces thématiques à la fois d’explorer le champ des opportunités et contraintes, de tester des solutions ou démarches sur nos projets, puis d’en tirer les enseignements en vue de leur systématisation… ou pas.
Les sujets n’étant par nature jamais figés, nous travaillons également sur la logistique urbaine avec deux clés d’entrée : l’investissement dans un hôtel de logistique urbain de 30 000 m² destiné à accueillir une diversité de solutions de logistique décarbonée du dernier kilomètre et les conditions de desserte des commerces du centre-ville d’une ville de 150 000 habitants, en l’occurrence Villeurbanne, avec l’enjeu de la qualité de l’air, de l’encombrement des espaces publics et la pertinence économique des modèles mis en place.
Alors que notre pays vise la neutralité carbone d’ici 2050, comment vous projetez-vous sur ce marché ? Quels sont les principaux enjeux et freins qui persistent ?
Il ne s’agit pas pour nous d’un marché mais, comme je l’ai dit, d’un impératif et d’un incontournable dont personne ne détient seul les clés. Nous nous inscrivons ainsi dans une démarche collective avec nos clients, qui sont principalement des collectivités locales, et nos partenaires des filières de l’urbanisme, de l’ingénierie, de l’immobilier et de la construction : ensemble, nous voulons réorienter progressivement nos productions en massifiant les solutions vertueuses et décarbonées tout en maîtrisant les prix de sortie et en régulant les questions foncières. Les enjeux économiques et sociaux paraissent de ce point de vue tout aussi primordiaux que les enjeux techniques. Je suis persuadé que décarboner la Ville passera par un changement de paradigme qui fera la part belle à nos métiers d’aménageur, car il s’agira non plus d’étaler, ce qui est relativement simple, mais de reconstruire la ville sur la ville. La problématique de l’accès à la ressource foncière sera de plus en plus stratégique, on le voit bien sur une métropole dynamique comme celle de Lyon.
Comment vous adaptez-vous dans cette continuité ?
Nous misons avant tout sur la formation continue de nos salariés et leur ouverture à notre écosystème de partenaires et conseils. Un point clé, dans nos métiers, me paraît de veiller en permanence à ce que nos démarches d’innovation restent bien connectées à l’opérationnel et au développement de nos offres de service. En ce sens, ce n’est pas un hasard si nous avons fait le choix de ne pas constituer un service innovation en tant que tel, mais plutôt de dégager du temps à une dizaine de chefs de projets pour qu’ils puissent, sous l’impulsion de l’un d’entre eux placé en position d’animateur de la démarche, faire un pas de côté et contribuer aux réflexions sur telle ou telle thématique. Nous souhaitons ainsi réellement nous inscrire dans un processus d’acculturation continue dans l’évolution de nos pratiques métiers.
Et aujourd’hui, quels sont vos axes de développement ?
Nous souhaitons tirer pleinement partie de notre ADN d’entreprise publique locale pour impulser, tester et déployer des offres répondant aux attentes des territoires. Nous avons notamment pour ambition d’être un acteur engagé dans le défi du zéro artificialisation nette, qui vise à atteindre l’objectif d’absence de toute artificialisation nette des sols d’ici 2050 et qui constitue une véritable opportunité pour nos métiers pour travailler la désirabilité et l’intensité urbaines. Avec une conviction, décarboner la ville, c’est aussi la rendre plus attractive.