« Simplifier pour amplifier notre impact »
Réchauffement climatique, énergie décarbonée, électrification… sont autant de sujets qui mobilisent Nexans, le leader français et mondial des systèmes du câblage. Christopher Guérin, son directeur général, nous explique comme son entreprise appréhende ces différents enjeux afin notamment de contribuer activement au déploiement des énergie vertes et décarbonées dans le monde.
Quels sont les cœurs de métiers et le positionnement de Nexans ?
Nexans est un leader mondial dans les systèmes de câblage. Nous connectons ainsi les productions énergies décarbonées (fermes solaires, fermes éoliennes terrestres ou marines, fermes hydrauliques, centrales nucléaires…) au réseau électrique, nous amenons via nos cables l’électricité tout au long afin que chaque citoyen puissent avoir accès à l’électricité.
Nous sommes aussi un acteur incontournable des interconnexions sous-marines entre pays. En effet, grâce à nos systèmes de câblage, nous permettons à des pays d’échanger leur production d’énergie renouvelable.
Dans le cadre du projet NordLink, nous avons ainsi fourni le câble qui relie l’Allemagne à la Norvège. Ce câble de 700 km de long, dont 500 km en fond sous-marin, permet à l’Allemagne d’envoyer vers la Norvège son excédent d’énergie verte provenant de ses fermes éoliennes terrestres. La Norvège qui dispose d’une capacité de stockage grâce à sa puissance hydroélectrique peut ensuite renvoyer de l’énergie verte vers l’Allemagne au gré de ses besoins.
Ces câbles mesurent entre 700 et 2 000 km et pèsent plus de 9 000 t, l’équivalent du poids de la Tour Eiffel !
En facilitant le transfert et l’échange d’énergie verte entre les pays, nous contribuons directement à la transition énergétique. Sur les dix dernières années, plus 10 000 km de câbles ont été posés et on estime que sur les six prochaines années, notre secteur va poser 20 000 km de câbles supplémentaires.
En parallèle, nous connectons également les fermes éoliennes en mer. Ces dernières aujourd’hui affichent des coûts plus compétitifs que le nucléaire par mégawatt. Sur la prochaine décennie, plus de 200 gigawatts de puissance via des fermes éoliennes en mer, vont être déployés soit l’équivalent de 200 réacteurs nucléaires.
Nexans se positionne d’ores et déjà comme un leader sur cette activité. Actuellement, nous sommes, par exemple, mobilisés sur un projet qui va alimenter Manhattan grâce à l’énergie produite par des fermes éoliennes situées au large de Brooklyn et de Long Island.
Ce segment connaît une très forte accélération aux États-Unis sous l’impulsion du plan Biden Build Back Better. Et sur ce marché, Nexans a déjà plus de 60 % des parts de marché sur toute la côte est américaine, pour les sept prochaines années.
Votre plan stratégique pour la prochaine décennie s’articule autour d’une idée forte Electrify The Future. Pourquoi ce choix ?
Nexans a vu le jour il y a 120 ans sous l’impulsion de l’invention de l’électricité et de figures historiques comme Edison, Westinghouse, Tesla et Benjamin Francklin qui ont contribué à la démocratisation de cette énergie. Pour transporter l’électricité, des câbles étaient nécessaires et Nexans a fait partie des premières entreprises au monde à en fabriquer.
Plus récemment au cours des 80 dernières années, Nexans s’est positionné en pure player de l’électrification avant d’adopter une stratégie généraliste visant à couvrir des marchés connexes : automobile, télécommunication, robotique… Aujourd’hui, notre ambition est de recentrer notre activité sur l’électrification, qui représente 60 % de notre chiffre d’affaires à l’heure actuelle, pour passer à 90 % d’ici 2024.
Dans cette continuité, nous avons initié une réflexion qui nous a permis d’élaborer notre plan stratégique pour la prochaine décennie autour d’une idée forte : Electrify The Future/Électrifier Le Futur. Pour Nexans, la prochaine étape est d’accompagner la transition énergétique et la prochaine révolution électrique dont les contours commencent à se dessiner. En effet, je suis personnellement convaincu que nous sommes au début d’une révolution électrique qui aura l’ampleur de la révolution industrielle qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, entre 1950 et 1980. Les infrastructures, réseaux électriques et de télécommunications qui ont été installés durant cette période doivent aujourd’hui être entièrement renouvelés afin de continuer à répondre à la demande croissante en électricité, mais aussi pour initier la décabornation de la production d’énergie.
Dans ce cadre, quelles sont vos ambitions ? Et pourquoi peut-on dire que vos objectifs sont en phase avec la volonté d’atteindre une neutralité carbone à horizon 2050 ?
Notre principal objectif est que Nexans soit reconnu comme un leader et un pure player de l’électrification. Nous voulons prendre le contre-pied de cette approche qui a valorisé la croissance au détriment de l’environnement au cours des dernières décennies. Dans cette logique, nous avons mis en place en interne un nouveau modèle de gestion de la performance, « 3E – Environnement, Engagement, Économique » qui s’articule autour de vingt critères qui ont vocation à évaluer ces trois dimensions dans chacune de nos unités : gestion des déchets, maîtrise de la consommation énergétique, réduction des émissions de CO2…
Cette initiative est plébiscitée et soutenue par nos équipes. C’est une démarche vertueuse qui permet de faire la jonction entre l’économie, le social et l’environnement afin de trouver le juste équilibre, dans nos processus de décisions et notre pilotage de l’entreprise. Le management d’hier est à bout de souffle, nous avons besoin de nouveaux modèles de performance.
Au-delà du pilotage, cette transition d’un positionnement généraliste à celui d’un pure player de l’électrification, est très bien résumée par notre raison d’être « Simplifier pour amplifier notre impact ». D’ailleurs, cela se traduit de manière concrète dans nos choix stratégiques. Aujourd’hui, nous ne misons plus sur la croissance volumique, mais sur la valeur, même si cela signifie se désengager de certains marchés
Pour accompagner ces mutations profondes et essentielles, l’innovation est un levier clé. Quelle place occupe l’innovation chez Nexans et comment cela se traduit-il ?
L’innovation est la pierre angulaire de notre nouveau plan stratégique 2024. En opérant ce recentrage sur l’électrification et en déployant le modèle de gestion de la performance « 3E », nous voulons mettre en place des solutions et des systèmes vertueux et respectueux de l’environnement. Dans cette démarche, nous nous appuyons sur des partenariats majeurs pour accélérer le développement de ces solutions. Avec Microsoft, nous travaillons sur l’intelligence artificielle. Avec Schneider Electric, nous sommes mobilisés sur les sujets d’industrie 4.0 et de gestion de l’énergie. Et pour tout ce qui tourne autour de la gestion des risques clients, nous collaborons avec Bureau Veritas qui nous accompagne notamment sur la certification de nos installations de câbles. Nous voulons également optimiser notre proposition de valeur en mettant à disposition de nos clients des solutions complètes et non plus uniquement des composants. Nous développons ainsi des câbles préconnectés, des outils digitaux de géolocalisation des risques pour prévenir l’obsolescence des réseaux électriques ou les black-out dans les villes… une entreprise ne peut plus évoluer seule, elle doit se reposer sur une approche écosystémique.
Et pour mener à bien l’ensemble de ces projets, quels sont les sujets et les enjeux qui vous mobilisent ?
Aujourd’hui, notre principal enjeu est d’accompagner le développement des énergies décarbonées. Nous sommes aux prémices d’investissements massifs dans le secteur des énergies décarbonées qui laissent présager des cycles d’hyper-demandes, certes très positifs pour l’économie, mais qui posent un risque de pénurie de matières premières important. Prenons l’exemple du cuivre qui est le premier conducteur utilisé pour l’électricité. Il y a 20 ans, nous consommions neuf millions de tonnes de cuivre. Aujourd’hui, nous en utilisons 20 millions de tonnes, et demain, à horizon 2035, il en faudra plus de 35 millions de tonnes. Conscient de cet enjeu, Nexans se positionne d’ores et déjà comme un leader du recyclage du cuivre, car nous savons que les réserves actuelles et futures ne suffiront pas. Nous avons intégré cette réalité dans nos processus. Aujourd’hui, nous recyclons 30 % de nos déchets et réutilisons le cuivre pour la production de nouveaux câbles. Nous avons transformé ce frein en une opportunité pour accélérer le déploiement du recyclage dans notre activité.
Dans un monde où le réchauffement climatique est une réalité, la course à la décarbonation et à la transition énergétique s’accélère, notamment en Chine, en Europe et aux États-Unis. La France doit donc se mobiliser pour ne pas être dépassée. Si les débats sont nécessaires, la France ne doit néanmoins pas être prisonnière de son idéologie notamment autour du nucléaire ou de l’éolien. Plus que jamais, à l’heure actuelle, face à l’urgence climatique, il faut aujourd’hui laisser place à l’action et miser massivement sur l’énergie décarbonée.