Centrale solaire thermique à concentration.

Sollys, un avenir très prometteur

Dossier : Vie des entreprises - Décarbonation et économie circulaireMagazine N°799 Novembre 2024
Par Pierre-Louis LEE

Pierre-Louis Lee, pré­sident confon­da­teur et direc­teur tech­nique de Sol­lys, a déve­lop­pé un concept de cen­trale solaire clé en main à des­ti­na­tion des indus­triels et des col­lec­ti­vi­tés pour décar­bo­ner leurs besoins en cha­leur. Avec ses asso­ciés Anto­ny Di Rosa et Oli­vier Conrad, il a fon­dé Sol­lys en 2023 après plu­sieurs années de recherches et d’investigations. Rencontre.

Comment est né Sollys ?

Sol­lys est né du double constat sui­vant : la cha­leur est la grande oubliée de la tran­si­tion éner­gé­tique, la tech­no­lo­gie solaire à concen­tra­tion (ou CSP en anglais, pour Concen­tra­ted Solar Power) pos­sède un fort poten­tiel mais n’est pas assez déve­lop­pée. On a beau­coup déve­lop­pé les éner­gies renou­ve­lables sur l’électricité. Pour­tant, la cha­leur repré­sente 50 % de notre consom­ma­tion finale d’énergie, ce qui est consi­dé­rable et n’est que très rare­ment abor­dé. Dans l’industrie, cela va même au-delà, car 50 à 75 % de l’énergie consom­mée l’est sous forme de cha­leur, comme dans les pro­cé­dés agroa­li­men­taires de séchage, pas­teu­ri­sa­tion, cuis­son… ou encore dans divers pro­cé­dés chi­miques qui nous per­mettent d’obtenir les objets et les matières que nous uti­li­sons tous les jours.

Vous êtes dans ce cadre-là retenus par l’incubateur X‑UP. Expliquez-nous…

En effet, l’incubateur X‑UP accepte des por­teurs de pro­jets de toute pro­ve­nance. Nous avons été rete­nus pour notre pro­jet. Il offre la pos­si­bi­li­té de pro­fi­ter d’une for­ma­tion très pous­sée à l’entrepreneuriat, où de nom­breux ate­liers avec des experts sont orga­ni­sés (comp­tables, avo­cats, assu­reurs, anciens chefs d’entreprise…). L’incubateur nous accom­pagne dans la réa­li­sa­tion du pro­jet et nous pou­vons nous appuyer sur le vaste réseau de Poly­tech­nique. Nous dis­po­sons éga­le­ment d’un sou­tien d’ordre finan­cier car une bourse est accor­dée aux lau­réats du pro­gramme. Enfin, leur accom­pa­gne­ment va bien au-delà de ces aspects car ils orga­nisent plu­sieurs jour­nées de ren­contre avec des investisseurs. 

 Les miroirs de la centrale solaire.
Les miroirs de la cen­trale solaire.

En quoi consiste le projet ?

Avec mes deux asso­ciés Anto­ny Di Rosa, direc­teur com­mer­cial, et Oli­vier Conrad, direc­teur des opé­ra­tions, nous déve­lop­pons des pro­jets de cen­trales solaires ther­miques clé en main à des­ti­na­tion des indus­triels et des col­lec­ti­vi­tés, pour décar­bo­ner leurs besoins en cha­leur. Nous avons la volon­té de mettre en place le même modèle que ce qui peut se faire sur des parcs éoliens ou pho­to­vol­taïques. L’idée est d’être le tiers de confiance qui s’occupe de tout. Nous fai­sons le lien entre les indus­triels et les four­nis­seurs de matériels.

Autre volet de notre acti­vi­té : nous sommes en train de déve­lop­per notre propre sto­ckage d’énergie, un levier impor­tant du déploie­ment des renou­ve­lables. En effet, nous sommes convain­cus que le sto­ckage d’énergie sera la clé de voûte de la tran­si­tion, car il per­met­tra non seule­ment de com­pen­ser l’intermittence de la res­source solaire, mais aus­si d’augmenter le pro­duc­tible. Nous tra­vaillons actuel­le­ment avec un labo­ra­toire du CNRS sur un pro­to­type de sto­ckage de chaleur.

Quelle technologie utilisez-vous pour développer ces centrales solaires thermiques à concentration ?

Le prin­cipe consiste à uti­li­ser des miroirs mobiles qui concentrent le rayon­ne­ment solaire sur un réseau de tubes récep­teurs. À l’intérieur de ces tubes cir­cule un fluide – de la vapeur d’eau – qui va pou­voir être chauf­fé à l’aide du rayon­ne­ment solaire concen­tré. Un module de sto­ckage indé­pen­dant per­met de trans­fé­rer la cha­leur de la vapeur d’eau vers un médium solide, puis de retrans­fé­rer la cha­leur du solide vers la vapeur d’eau à la demande, pour ensuite être uti­li­sée dans divers procédés.

Quel est l’intérêt ?

L’intérêt du sto­ckage avec un maté­riau solide – qui se rap­proche du sable – est sa forte den­si­té, qui le rend capable de sto­cker l’énergie de manière éco­no­mi­que­ment viable et éco­nome en res­sources : nous n’utilisons pas de terres rares ou de maté­riaux spé­ci­fiques comme le lithium dans les bat­te­ries élec­triques. Le sto­ckage se fait uni­que­ment par cha­leur sen­sible, c’est-à-dire uni­que­ment avec l’élévation de la tem­pé­ra­ture du médium.

Nos cen­trales sont low-tech et uti­lisent sur­tout des métaux abon­dants (acier, alu­mi­nium) et du verre pour les miroirs ; elles consti­tuent donc éga­le­ment une réponse aux enjeux de sou­ve­rai­ne­té et d’épuisement des res­sources que nous connais­sons actuellement.

Indi­rec­te­ment, cette tech­no­lo­gie peut éga­le­ment ser­vir à géné­rer de l’électricité, en fai­sant cir­cu­ler la vapeur d’eau pro­duite par le sys­tème dans une tur­bine qui entraîne un alter­na­teur. Cette option per­met­trait de répondre au pro­blème de l’intermittence des renou­ve­lables élec­triques en four­nis­sant de l’électricité aux ins­tants où les moyens actuels ne fonc­tionnent pas (la nuit et lors de pas­sages nua­geux et/ou les jours sans vent). Ce sys­tème ne serait donc pas un concur­rent mais un com­plé­ment aux tech­no­lo­gies actuel­le­ment déployées.

Le sto­ckage de cha­leur à haute tem­pé­ra­ture favo­ri­se­ra la pro­duc­tion de cha­leur (et éven­tuel­le­ment d’électricité) à par­tir du soleil, en la ren­dant com­plè­te­ment pilo­table et non intermittente.

Quels sont les enjeux auxquels vous répondez ?

Décar­bo­ner la cha­leur indus­trielle en assu­rant le lien entre tous les acteurs. D’une part, nous trou­vons les équi­pe­men­tiers et bureaux d’études spé­cia­li­sés – bien moins nom­breux que dans le sec­teur de l’électricité – pour répondre aux pro­blé­ma­tiques spé­ci­fiques de chaque usine. D’autre part, notre réseau de par­te­naires finan­ciers per­met l’investissement dans des infra­struc­tures que la plu­part des clients ne pour­raient porter.

Notre tech­no­lo­gie inno­vante de sto­ckage per­met­tra d’accélérer la décar­bo­na­tion dans les zones fai­ble­ment enso­leillées où ce besoin de sto­ckage est jus­te­ment pri­mor­dial, ce qui limite, pour l’instant, le déploie­ment de tels projets.

Pourquoi les entreprises ont intérêt à s’y mettre ?

Le recours à notre solu­tion de décar­bo­na­tion permet :

  • de garan­tir le prix de l’énergie et la maî­trise de la fac­ture. En effet, avec les éner­gies renou­ve­lables, une fois l’installation effec­tuée, vous connais­sez le prix du kWh sur les 20 pro­chaines années, la main­te­nance étant très faible et prévisible ;
  • de dimi­nuer la consom­ma­tion de car­bu­rants fos­siles, donc d’émissions de gaz et de par­ti­cules toxiques, ce qui per­met d’améliorer la qua­li­té de l’air et la vie des tra­vailleurs, des rive­rains, des agriculteurs ;
  • d’assurer la sécu­ri­té d’approvisionnement grâce à l’utilisation d’une éner­gie locale qui réduit les impor­ta­tions et pré­serve notre sou­ve­rai­ne­té énergétique. 

Quelles sont les perspectives de développement ?

Notre objec­tif est d’obtenir une pre­mière ver­sion com­mer­ciale du sto­ckage de cha­leur d’ici fin 2025, et nous pro­je­tons le déploie­ment d’une ving­taine de cen­trales d’ici fin 2027, pour une puis­sance ins­tal­lée d’environ 30 MW.

Plu­sieurs pro­jets sont en cours de négo­cia­tions avec de grands indus­triels des sec­teurs agroa­li­men­taires (pour de la cuis­son, de la sté­ri­li­sa­tion et du séchage) et de la chi­mie (fabri­ca­tion d’ingrédients de spé­cia­li­té). Nous espé­rons lan­cer la construc­tion de trois cen­trales cou­rant 2025.

Des par­te­na­riats avec d’autres star­tups et des grands groupes sont envi­sa­gés pour le déve­lop­pe­ment de plu­sieurs modules d’extensions à nos cen­trales solaires.

Ces modules d’extension per­met­tront de conver­tir la cha­leur four­nie par les cen­trales pour pro­duire du froid et cli­ma­ti­ser cer­tains espaces (avec des machines à absorp­tion), ou pro­duire de l’eau des­sa­lée (avec de la dis­til­la­tion ther­mique mul­ti-effets), contri­buant ain­si à l’adaptation au chan­ge­ment cli­ma­tique, en pré­ser­vant les habi­tats humains et l’agriculture dans les régions arides.


Une centrale solaire thermique à concentration, c’est quoi ?

Le prin­cipe consiste à dis­po­ser une grande quan­ti­té de miroirs pour foca­li­ser les rayons solaires vers des tubes dans les­quels cir­cule un fluide calo­por­teur, géné­ra­le­ment de la vapeur d’eau, mais pou­vant éga­le­ment être une huile, un sel fon­du ou de l’air. Ce fluide est ain­si chauf­fé à des tem­pé­ra­tures de l’ordre de 250–550 °C, et poten­tiel­le­ment jusqu’à plus de 1 000 °C pour cer­tains systèmes.

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