Souvenirs des années 1939–1945
Chaque année, en organisant le magnan de ma promo, je prépare, pour distribuer aux présents et envoyer aux excusés, quelques pages intitulées “Nouvelles de la promo”.
Cette année, pour la première fois, j’ai signalé à l’attention de mes camarades l’existence d’un livre, celui de mon camarade Roos, dont j’ai écrit que c’était “ le récit, raconté avec modestie et talent, d’une aventure courageuse ”.
Ce récit a d’autres qualités. Il est dédié à Bruno de Valence de Minardière (31) qui, hôte du même Oflag que Roos, tenta plusieurs fois de s’évader avec lui. L’amitié qui réunit ces deux hommes constitue un exemple typique de la fraternité polytechnicienne, qui ignore les différences de fortune, de rang d’entrée, de race, de religion ; c’est l’amitié profonde d’un juif et d’un catholique fervent.
L’acharnement de ces deux amis les amènera finalement à s’évader ; malheureusement, pour des raisons trop longues à raconter – et il ne convient pas de déflorer le récit – leurs vies, une fois la liberté gagnée, se sépareront, et le plus jeune, dans les rangs de la 1re armée française, mourra pour la France, dans les Vosges, en novembre 1944.
Roos, l’auteur de ce livre, se retrouvera finalement en Hongrie. Il rassemblera des Français, évadés aussi pour la plupart, qu’il emmènera au combat en Slovaquie, et ramènera en France, par Odessa, après des péripéties extraordinaires, avec le permanent souci de les garder rassemblés autour de lui, dans cette Europe de l’Est parfois amie, parfois dangereuse.
Avec un admirable souci de sa dignité, Roos refuse, dans des circonstances parfois périlleuses, on l’imagine, de ne pas se dire juif. Quel exemple !
Mais les plus belles pages de ce livre, qui est surtout un livre d’action, sont des pages de réflexion, dans lesquelles l’auteur s’interroge sur les raisons qui peuvent pousser un prisonnier à tenter de s’évader.
Des réflexions qui paraissent évidentes, surtout à ceux qui n’ont pas vécu ce problème, mais qui semblent profondément vraies, et très émouvantes.