Souvenirs d’un ancien
« Je faisais partie de la promo 42- 43 b, le b correspondant aux élèves des promos 42 (qui avaient passé une année aux chantiers de jeunesse) et 43 ayant moins de vingt ans, les plus âgés étant soumis en principe au STO. L’École leur avait fortement suggéré de ne pas se présenter dans les usines Messerschmitt en leur signifiant que s’ils restaient dans le maquis, personne n’irait les y chercher.
« Nous étions donc seuls à l’École, cette première année 1943–1944 et regroupés en équipes de 10 à 12, travaillant dans la même thurne, dormant dans le même casert, mangeant à la même table. Nous n’étions pas à plaindre, à une époque où les Français crevaient de faim, nous étions nourris convenablement même si ce n’était pas très copieux. Pour tout vous dire, je ne me souviens plus de ce que nous avions dans notre assiette.
« C’était différent à la Libération et pendant la période qui a suivi. Nous étions quelques-uns à n’avoir pas pu rentrer chez nous suite au débarquement en Normandie puis en Provence. Nous étions donc 25 ou 30 élèves, hébergés par l’École. Je me souviens très bien de cette époque car l’École possédait un camion à gazogène avec Ausweiss que l’intendant avait envoyé juste derrière le front, au risque de se faire mitrailler, et qui avait rapporté cochons, pommes de terre et beurre, dont le Magnan avait rempli les réfrigérateurs de l’École. Nous étions ainsi nourris sans grande variété mais en bonne quantité de pommes de terre frites au beurre et de porc.
« Pour améliorer cet ordinaire et nous procurer du pain, nous démontions les échafaudages du pavillon Joffre alors en réfection et échangions avec le boulanger le bois ainsi récolté contre du pain.
« En première année, nous n’avions pas de vin, du moins je n’en ai pas le souvenir.
« En deuxième année (1944−1945) notre promo 42–43 b fut scindée en deux, une moitié alla à l’École spéciale militaire de Cherchell, l’autre – dont j’étais – s’engagea comme volontaire dans la Première Armée française (dans les armes savantes). Nous fûmes accueillis par nos anciens, encore nombreux à cette époque parmi les officiers. Hormis le travail, très intéressant, puisque nous expérimentions de nouveaux matériels, la nourriture, c’était la nourriture militaire, très abondante mais très pauvre en fibres, si bien que j’eus quelques ennuis digestifs.
« En troisième année (1945−1946), de nouveau à l’École, l’alimentation militaire se poursuivit sans grands changements, avec en ce qui me concerna, les mêmes inconvénients. »