Souveraineté technologique : point de vue sur la Data & IA

Souveraineté technologique : point de vue sur la Data & IA

Dossier : Vie des entreprises - Souveraineté industrielleMagazine N°799 Novembre 2024
Par Aldrick ZAPPELLINI

Aldrick Zap­pel­li­ni, direc­teur Data & IA Groupe et Chief data offi­cer groupe au sein du Pôle Tech­no­lo­gies, Digi­tal et Paie­ments de Cré­dit Agri­cole SA., nous explique com­ment son Groupe appré­hende la ques­tion de la sou­ve­rai­ne­té indus­trielle. Explications.

Présentez-nous votre Direction.

Ma Direc­tion a pour mis­sion de maxi­mi­ser la contri­bu­tion de la Data et de l’Intelligence Arti­fi­cielle au fonc­tion­ne­ment du groupe Cré­dit Agricole.

“Nous agissons au quotidien pour accélérer le développement maîtrisé des usages de la Data et de l’IA au service des projets Client, Humain et Sociétal et des stratégies des Métiers du Groupe.”

Posi­tion­née au car­re­four des métiers et des IT, elle regroupe deux ensembles com­plé­men­taires pour le déve­lop­pe­ment maî­tri­sé des usages. Tout d’abord, la gou­ver­nance qui accom­pagne nos ins­tances d’orientation stra­té­gique et la défi­ni­tion de règles com­munes sur les usages de la Data et l’IA, et les trans­for­ma­tions asso­ciées notam­ment de nos IT. Ensuite, un Data­Lab et une AI Fac­to­ry Group qui aident les enti­tés du Groupe à accé­lé­rer leurs trans­for­ma­tions Data/IA notam­ment en déve­lop­pant en interne des solu­tions inno­vantes et industrielles.

Cette capacité à développer en interne des solutions data et IA permet de répondre à un enjeu de souveraineté. Dites-nous en plus.

Aujourd’hui, un de nos enjeux majeurs est en effet de maî­tri­ser nos risques de dépen­dance tech­no­lo­gique. Selon les pro­jets, nous devons être en mesure de choi­sir entre déve­lop­per notre propre solu­tion, en ache­ter une, voire hybri­der ces deux options. Dis­po­ser des exper­tises internes évite de dépendre d’un four­nis­seur unique pour une IA stra­té­gique pour notre busi­ness ou encore per­met de maî­tri­ser inté­gra­le­ment le modèle IA sur un péri­mètre où nos régu­la­teurs ont de fortes exi­gences. Il peut aus­si arri­ver qu’une IA soit « inter­chan­geable », elle peut alors être uti­li­sée comme une faci­li­té pour accé­lé­rer la réponse au besoin des métiers. Cela sup­pose néan­moins que son coût d’usage soit accep­table au regard de la valeur déga­gée. Dans le cas contraire, la déve­lop­per peut-être inté­res­sant en par­ti­cu­lier lorsque les volumes trai­tés sont consé­quents. Bref, le prag­ma­tisme est la règle !

“Disposer des expertises internes évite de dépendre d’un fournisseur unique pour une IA stratégique pour notre business ou encore permet de maîtriser intégralement le modèle IA sur un périmètre où nos régulateurs ont de fortes exigences.”

Ain­si, dans le contexte de déploie­ment à l’échelle de l’IA géné­ra­tive, il est impor­tant de conce­voir des solu­tions déployables sur de mul­tiples envi­ron­ne­ments Cloud et de pou­voir chan­ger faci­le­ment de Large Lan­guage Model (LLM), par exemple pour se pré­mu­nir d’un chan­ge­ment de poli­tique tari­faire ou d’une défaillance d’un fournisseur.

Nous sommes donc très vigi­lants à diver­si­fier nos choix en amont, et même si cela repré­sente un coût de fabri­ca­tion addi­tion­nel, à conce­voir des archi­tec­tures per­met­tant de « pivo­ter » entre envi­ron­ne­ments ou LLM avec un effort maîtrisé.

Souveraineté Data IA

Qu’en est-il de la souveraineté des données ?

Elle peut concer­ner dif­fé­rents aspects.

Tout d’abord, rap­pe­lons que la banque est un tiers de confiance, la pro­tec­tion et l’usage éthique des don­nées des clients sont une priorité.

Par exemple, avant tout choix d’environnement, nous ana­ly­sons les risques et met­tons en place les mesures idoines de sécu­ri­sa­tion et de désen­si­bi­li­sa­tion des données.

“La souveraineté doit s’inscrire au cœur des choix stratégiques avec une vision des impacts à long terme afin de réduire le risque de dépendance future.”

D’un point de vue éthique, nous sommes par­ti­cu­liè­re­ment vigi­lants pour cer­tains usages à la maî­trise des jeux de don­nées d’apprentissage des modèles d’IA afin de détec­ter et cor­ri­ger de poten­tiels biais dis­cri­mi­na­toires que l’IA pour­rait amplifier.

Un autre aspect lié aux don­nées est plus rare­ment abor­dé : la « sou­ve­rai­ne­té cultu­relle » que la plu­part des modèles d’IA géné­ra­tives met à mal. Un Large Lan­guage Model ayant appris sur une grande majo­ri­té de conte­nus pro­duits aux États-Unis d’Amérique, avec de sur­croît un ren­for­ce­ment par « feed­back » humain selon une poli­tique défi­nie par une entre­prise de la Sili­con Val­ley, a peu de chance d’être repré­sen­ta­tif de la culture euro­péenne ou fran­çaise dans ses réponses.

Quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs ?

La sou­ve­rai­ne­té doit s’inscrire au cœur des choix stra­té­giques avec une vision des impacts à long terme afin de réduire le risque de dépen­dance future. Pour déve­lop­per cette vision, il nous faut nous ins­crire dans une démarche d’anticipation et de res­pon­sa­bi­li­sa­tion de l’ensemble des par­ties pre­nantes. Cela néces­site de mener un impor­tant tra­vail d’acculturation et de pédagogie. 

Poster un commentaire