STÈLE COLONIALE
Année 2009, triste silence sur le 150e anniversaire de la conquête de l’Indochine, début d’une aventure coloniale qui a duré moins d’un siècle et marqué durablement plusieurs générations d’hommes et de femmes. Nombre de polytechniciens s’illustrèrent tant dans la conquête que dans la pacification, l’urbanisation, la construction des infrastructures et le développement économique de l’Indochine.
Hélas, l’idéologie dominante du début du XXIe siècle incite les nations porteuses d’un passé colonial à pratiquer une repentance universelle sur cette tranche de leur histoire. Qu’un peuple qui lutte contre l’étranger pour son indépendance présente les colonisateurs, devenus des ennemis, sous l’aspect caricatural du riche colon « exploiteur et raciste » est compréhensible. Cette généralisation est un peu moins légitime de la part de nos propres compatriotes. La dénonciation du « capitaliste exploiteur » n’a d’ailleurs pas servi que dans les Colonies. Au XXe siècle, elle a permis, au prix de sanglantes épurations, l’installation de dictatures communistes sur la moitié du monde.
Au cours du temps des centaines de milliers d’anonymes ont fait le voyage pour ce « Sud lointain » nommé Indochine par les Français. Leur passage dans l’histoire ressemble au vol des oiseaux migrateurs. On les a vus partir. Mais qu’ont-ils fait là-bas, au-delà du regard, ces inconnus marqués par la chaleur moite, la mousson, la jungle, les relations ambiguës avec ce peuple vietnamien toujours mystérieux pour l’Occidental. Ce roman répond à cette interrogation et décrit leur vie dans cette contrée éloignée.
Parti au XVIIe siècle le premier de ces héros inconnus, le missionnaire est sans descendance officielle pour lui rendre hommage ici-bas. L’Église y pourvoira s’il est saint ou martyr. Sinon il rejoindra la litanie des prêtres oubliés du clergé.
Le second, le militaire, enivré par cette aventure exotique, a laissé son sang pour un bout de France aux antipodes. Il figure dans la généalogie de multiples familles françaises. Les fruits métissés de ses brèves amours sous les tropiques ignorent le plus souvent qu’il est leur aïeul. Il est arrivé en Indochine au XIXe siècle. Les autres personnages de ce récit sont les civils. Ils furent administrateurs, professeurs, médecins, bâtisseurs, ingénieurs, planteurs ou hommes d’affaires. Leurs tranches de vie couvrent une période allant de 1887 à 1954.
La plupart de ces anonymes morts au Vietnam n’ont pas de tombeau. Ce roman raconte leur histoire pour leur être une « stèle de papier et de mots ». Il a été écrit pour les très nombreux descendants de « coloniaux ». En filigrane transparaît l’oeuvre civilisatrice de ces courageux pionniers en matière de moeurs, de progrès économiques et de santé publique. Occasion, peut-être, de rétablir un peu d’équité à l’égard de ces colonisateurs oubliés quand ils ne sont pas vilipendés.
Jean Brilman, né en Indochine, est l’auteur de nombreux best-sellers sur le management des entreprises, de plusieurs romans et d’un recueil de poésie.