Construction d’une canalisation pour le transport de gaz naturel

Stocker les énergies renouvelables dans les réseaux de gaz naturel

Dossier : Gaz et transition énergétiqueMagazine N°725 Mai 2017
Par Philippe BOUCLY (X72)

Le Power To Gas est la trans­for­ma­tion par élec­tro­lyse de l’électricité excé­den­taire en hydro­gène pour assu­rer un sto­ckage par injec­tion dans les infra­struc­tures gazières exis­tantes. On peut éga­le­ment pro­cé­der à une métha­na­tion avec apport de CO2 par cata­lyse. Le démons­tra­teur Jupi­ter 1000 à Fos-sur-Mer est en construction. 

Atteindre les objec­tifs de la COP 21 néces­site, au-delà des efforts indis­pen­sables d’efficacité éner­gé­tique, de déve­lop­per mas­si­ve­ment les éner­gies renou­ve­lables, notam­ment pour la pro­duc­tion d’électricité.

Cette part crois­sante des éner­gies renou­ve­lables bou­le­verse les sys­tèmes éner­gé­tiques : alors que, aujourd’hui, la pro­duc­tion s’adapte à la consom­ma­tion, à l’avenir, l’électricité étant de plus en plus pro­duite à par­tir d’énergies renou­ve­lables essen­tiel­le­ment aléa­toires et inter­mit­tentes, l’adaptation de la pro­duc­tion à la consom­ma­tion exi­ge­ra des approches nou­velles, avec la mise en œuvre de plu­sieurs leviers. 

REPÈRES

Le Power to Gas consiste à transformer l’électricité en hydrogène par électrolyse de l’eau ; l’hydrogène peut être utilisé directement ou sous forme de méthane de synthèse après méthanation, c’est-à-dire recombinaison de l’hydrogène avec du gaz carbonique.

COMMENT S’ADAPTER À LA VARIABILITÉ DU RENOUVELABLE ?

D’abord, en modu­lant la pro­duc­tion des moyens tra­di­tion­nels : à cet égard, les cycles com­bi­nés à gaz répondent à ce besoin. 

Ensuite, en impor­tant ou expor­tant vers les régions ou les pays voi­sins, dans la limite des inter­con­nexions dis­po­nibles. En inci­tant les uti­li­sa­teurs à adap­ter leurs consom­ma­tions en envoyant les bons signaux (soit tari­faires, soit via Inter­net) : c’est tout l’intérêt des smart grids.

“ Le Power to Gas ne nécessite pas de rupture technologique ”

Enfin, en uti­li­sant des moyens de sto­ckage : au-delà des moyens tra­di­tion­nels (bat­te­ries, volants d’inertie, sta­tions de pom­page), le Power to Gas est assu­ré­ment le moyen le plus pro­met­teur pour assu­rer le sto­ckage mas­sif et dans la durée d’électricité d’origine renouvelable. 

L’hydrogène pro­duit par élec­tro­lyse de l’eau peut être uti­li­sé à dif­fé­rentes applications : 

  • dans l’industrie, par exemple comme matière pre­mière (power to che­mi­cal) ;
  • pour la mobi­li­té (power to mobi­li­ty), l’hydrogène est uti­li­sé dans des piles à com­bus­tible pour ali­men­ter des véhi­cules élec­triques ou en mélange avec du gaz natu­rel pour ali­men­ter des moteurs à com­bus­tion interne ; 
  • pour la pro­duc­tion d’électricité (power to power) pour des sys­tèmes iso­lés ou insulaires ; 
  • enfin, l’hydrogène peut éga­le­ment être injec­té dans les réseaux de gaz natu­rel direc­te­ment ou sous forme de méthane de syn­thèse après métha­na­tion, c’est-à-dire recom­bi­nai­son de l’hydrogène avec du gaz carbonique. 


Construc­tion d’une cana­li­sa­tion pour le trans­port de gaz natu­rel. © OLIVIER JACQUES

DES PROJETS PROMETTEURS

Le Power to Gas ne néces­site pas de rup­ture tech­no­lo­gique. Cepen­dant, son indus­tria­li­sa­tion et son inté­gra­tion néces­sitent la mise en place de démons­tra­teurs et de pilotes indus­triels afin d’optimiser les dif­fé­rentes briques technologiques. 

“ Le Power to Gas contribue à réduire les importations de combustibles fossiles ”

À Dun­kerque, le pro­jet GRHYD déve­lop­pé sous l’égide d’Engie conver­tit l’énergie éolienne en hydro­gène. Engie et trois de ses filiales (GRDF, GNVert et Cofe­ly Ineo) se sont asso­ciés au sein d’un consor­tium avec des équi­pe­men­tiers (Are­va H2Gen et McPhy), des struc­tures publiques (CEA, Ineris), un centre tech­nique (Cetiat), un exploi­tant de réseau de trans­port urbain (STDE) et avec la Com­mu­nau­té urbaine de Dun­kerque, ter­ri­toire d’accueil du projet. 

L’hydrogène pro­duit est injec­té dans le réseau de dis­tri­bu­tion de gaz natu­rel jusqu’à une pro­por­tion de 20 % en volume (le mélange ain­si for­mé s’appelle hythane) pour ali­men­ter une flotte de 50 bus à gaz et un lotis­se­ment neuf de 200 logements. 

Le démonstrateur industriel Jupiter 1000
Le démons­tra­teur indus­triel Jupi­ter 1000, dont la mise en ser­vice est pré­vue en 2018.

JUPITER 1000

À Fos-sur-Mer, dans le cadre d’un consortium réunissant les sociétés McPhy, Atmostat, Leroux et Lotz, TIGF, RTE ainsi que le CEA, la Compagnie nationale du Rhône et le Grand Port maritime de Marseille, et avec l’appui de l’Ademe et de la Région PACA, GRTgaz a lancé en mars 2016 un démonstrateur industriel (dénommé Jupiter 1000) où sera testée l’ensemble de la chaîne d’injection d’hydrogène ou de méthane de synthèse dans le réseau de gaz : électrolyseurs de technologie PEM ou alcaline d’une puissance unitaire de 0,5 MW, méthaneur, etc. La mise en service est prévue en 2018.

UN ATOUT MAJEUR POUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Le Power to Gas per­met de mieux inté­grer les éner­gies renou­ve­lables au sys­tème éner­gé­tique et de valo­ri­ser ain­si des éner­gies qui, en son absence, seraient perdues. 

L’étude fine de l’application des dif­fé­rents moyens tra­di­tion­nels de sto­ckage (chauffe-eau, véhi­cule élec­trique, STEP, etc.) aux chro­niques annuelles de tem­pé­ra­ture montre que ces moyens de sto­ckage ne pré­sentent pas un volume et une flexi­bi­li­té suf­fi­sants pour absor­ber les sur­plus d’électricité : quelques téra­watt­heures en 2030, 30 à 90 TWh à l’horizon 2050 selon cer­tains scénarios. 

La conver­sion d’électricité excé­den­taire en hydro­gène et son injec­tion dans les réseaux de gaz natu­rel per­mettent, en ayant recours aux infra­struc­tures exis­tantes, d’éviter tout nou­vel inves­tis­se­ment spé­ci­fi­que­ment dédié au stockage. 

Sur la base d’une consom­ma­tion annuelle de gaz natu­rel de 400 TWh, un taux d’hydrogène de 6 % en volume (soit 2 % en éner­gie) per­met de sto­cker 8 TWh. La conver­sion de l’hydrogène en méthane de syn­thèse per­met en outre de s’affranchir de cette limite. 

À noter enfin que le Power to Gas peut appor­ter des ser­vices au réseau élec­trique et par­ti­ci­per aux ser­vices sys­tèmes, ser­vices opé­ra­tion­nels que l’opérateur de réseau met en œuvre pour assu­rer un bon fonc­tion­ne­ment des réseaux élec­triques et garan­tir un appro­vi­sion­ne­ment en élec­tri­ci­té sûr et continu. 

AU SERVICE DE LA DÉCARBONATION DE L’ÉNERGIE

Le Power to Gas contribue à « décarboner » le mix énergétique. La combustion de l’hydrogène ne produisant que de l’eau, le Power to Gas (à partir d’électricité décarbonée) permet de réduire les rejets de CO2. En outre, la méthanation permet de recycler le CO2 (capté dans une installation industrielle par exemple) et de le valoriser sous forme de méthane de synthèse dans toutes les applications du gaz naturel.

L’hydrogène étant pro­duit loca­le­ment grâce à l’énergie renou­ve­lable, le Power to Gas contri­bue à réduire les impor­ta­tions de com­bus­tibles fos­siles et per­met par là même d’améliorer la balance com­mer­ciale. Assu­rant le sto­ckage de l’électricité excé­den­taire, le Power to Gas favo­rise le déve­lop­pe­ment des pro­duc­tions élec­triques renou­ve­lables natio­nales, géné­ra­teur d’emplois et offrant des oppor­tu­ni­tés d’exportation de ces technologies. 

Ain­si, le Power to Gas apporte la flexi­bi­li­té néces­saire au sys­tème élec­trique et per­met une meilleure inté­gra­tion des éner­gies renou­ve­lables dans le sys­tème éner­gé­tique. Il est le seul moyen d’assurer un sto­ckage mas­sif et sai­son­nier de l’électricité.

Le Power to Gas crée des pas­se­relles entre les réseaux élec­triques et gaziers et, à tra­vers la ges­tion coor­don­née des réseaux qu’il impose (réseaux de gaz natu­rel, réseaux élec­triques, éven­tuel­le­ment réseaux de cha­leur), il per­met­tra de construire le sys­tème éner­gé­tique intel­li­gent du futur, l’« ener­net » selon l’expression de Joël de Rosnay.

Commentaire

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Didier Bois­siererépondre
16 mai 2017 à 1 h 25 min

P2G en Mon­go­lie
Bon­jour Phi­lippe, nous avons pré­ci­sé­ment un pro­jet de fermes solaires de 30–50MW dis­tri­buées sur le large ter­ri­toire de la Mon­go­lie, toutes cou­plées à des uni­tés de P2G élec­tro­lyse seule pour l’H2 mobi­li­ty ; ou jus­qu’à la métha­na­tion pour le chauf­fage ou l’u­sage indus­triel. Mais va se poser le pro­blème du finan­ce­ment non seule­ment de ces uni­tés de P2G car non fami­lières à nos amis ban­quiers mais aus­si celui des Fuel Cell véhi­cules (tran­port public, véhi­cules de ser­vice) dont le coût est encore très pro­hi­bi­tif. Quelles seraient les meilleures pistes en la matière (aides, par­te­naires en fonds propres, dette)? 

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