Stratégie nationale bas carbone : la relance du parc nucléaire français
Les objectifs de décarbonation français amènent à relancer le parc nucléaire national, et c’est EDF qui porte ce projet majeur pour la Nation. L’entreprise a choisi de s’appuyer sur le réacteur EPR2, qui prend en compte le retour d’expérience sur les réacteurs les plus récents. L’organisation du programme doit permettre de retrouver l’élan qui a été le nôtre une génération plus tôt.
Pour répondre aux objectifs de la Stratégie nationale bas carbone française, RTE (Réseau de transport d’électricité) a rendu public fin 2021 six scénarios d’évolution du mix de production électrique, tous compatibles avec l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Ils se répartissent en deux familles : d’une part, des scénarios sans construction de nouveaux réacteurs nucléaires, qui atteignent le 100 % renouvelable entre 2050 et 2060, en fonction des possibilités de maintien en toute sûreté d’une partie des centrales nucléaires existantes ; d’autre part, des scénarios fondés sur des mix électriques durablement composés d’énergies renouvelables et de nucléaire, qui impliquent le développement par EDF d’un programme de construction de nouveaux réacteurs, dans des proportions et selon des rythmes variables.
Les choix d’EDF
Pour EDF, l’analyse des différents scénarios montre que les mix électriques fondés à la fois sur un développement des énergies renouvelables et sur un socle de 40 à 50 GW de nucléaire présentent des avantages économiques, environnementaux et industriels certains, par rapport aux mix électriques composés exclusivement d’énergies renouvelables. Avantages économiques, car les scénarios incluant du nucléaire sont au minimum 15 % moins coûteux que les scénarios sans nucléaire. Avantages environnementaux, car – outre des émissions de 4 grammes de CO2 par kilowattheure produit – le nucléaire a aussi pour qualité d’être économe en ressources et en espace, au regard de la puissance produite et de la durée de vie des installations. Avantages industriels, car la relance d’un programme nucléaire permet de garder ouvertes les options d’évolution du système électrique pour les décennies à venir, en pérennisant un tissu industriel hautement qualifié, qui a besoin de projets pour conserver ses compétences. La stratégie d’EDF repose donc aujourd’hui sur un développement important de nouveaux moyens de production électriques décarbonés pour être au rendez-vous de 2050, d’une part sous la forme d’énergies renouvelables et d’autre part sous la forme d’énergie nucléaire.
Stratégie nationale bas carbone
Pour atteindre la décarbonation du système énergétique à l’horizon 2050, la Stratégie nationale bas carbone française prévoit à la fois une diminution de 40 % des consommations d’énergie du pays (pour passer de 1 600 TWh à 930 TWh) et une sortie des énergies fossiles. L’atteinte de ces objectifs passera donc nécessairement par une électrification massive des usages (transports, chauffage, industrie…), s’appuyant sur une production d’électricité bas carbone. L’électricité devrait alors représenter 55 % du mix énergétique français en 2050, contre 25 % aujourd’hui, soit une augmentation de 28 % en volume.
La préparation d’un programme de nouveaux réacteurs nucléaires
Conformément à la demande de la Programmation pluriannuelle de l’énergie de 2018, confortée par le discours de Belfort du Président de la République le 10 février 2022, EDF est donc engagée dans la préparation d’un programme de nouveaux réacteurs nucléaires, au nombre de six dans un premier temps, potentiellement complétés ultérieurement par huit autres, pour lesquels les études sont en cours. La solution technique repose sur le réacteur dit EPR2, évolution de l’EPR, d’une puissance de 1 670 mégawatts électriques, ce qui permet à une paire de réacteurs EPR2 de produire, chaque année, l’équivalent de la consommation électrique actuelle de la région Normandie, ou encore la moitié de la consommation électrique de la région Île-de-France.
Les six premiers EPR2 seraient mis en service à partir de 2035–2037 pour la première paire et au milieu des années 2040 pour la dernière paire (chaque site choisi accueillerait en effet deux réacteurs). Ces six unités représentent 10 GW de puissance installée, pour une production d’électricité bas carbone d’au moins soixante ans. Cette approche repose sur les bonnes pratiques qui ont fait le succès de la construction du parc actuel dans les années 1970–1980, en un temps record : la construction par paire, donc, et l’effet de série notamment. L’EPR de Flamanville a en effet montré les limites d’une approche par réacteur unique sur un même site.
La mobilisation de la filière
Ce programme permettrait aussi de consolider l’industrie nucléaire, troisième filière industrielle française derrière l’automobile et l’aéronautique, avec 3 600 entreprises et 220 000 emplois qualifiés et non délocalisables, répartis dans la France entière. Disposer des compétences pour réaliser ce programme en qualité, dans les coûts et les délais, est le défi auquel la filière se prépare. Pour faire face à la charge de travail représentée par ces nouveaux EPR, la filière représenterait 300 000 personnes à l’horizon 2030, dont la moitié – du fait des départs à la retraite – reste à embaucher dans les années à venir. Ce programme de trois paires d’EPR2 générerait des emplois sur l’ensemble de la filière nucléaire et une grande diversité de métiers : ingénierie, construction, services, fabrication, usine et exploitation. Il mobiliserait jusqu’à 30 000 emplois par an pendant sa phase de construction et environ 10 000 emplois par an pendant sa phase d’exploitation. Au-delà, cette filière industrielle du nucléaire civil contribue directement à la réduction du déficit de la balance commerciale, notamment en réduisant le niveau d’importation et d’utilisation d’énergies fossiles, qui représentent aujourd’hui les deux tiers de nos besoins en énergie.
Le réacteur EPR2
L’EPR2 est fondé sur la technologie de réacteur à eau pressurisée, la plus répandue dans le monde. C’est celle utilisée par les 56 réacteurs en exploitation en France et par l’EPR de Flamanville en cours de mise en service. Au sein des réacteurs à eau pressurisée, l’EPR est un réacteur de « génération 3 », issu majoritairement de la technologie française, sûr, certifié et aux performances améliorées par rapport à la précédente génération. Le réacteur EPR2 est ainsi l’un des réacteurs dont le niveau de sûreté est parmi les plus élevés au monde. Sa mise en œuvre a d’ailleurs été validée par les autorités de sûreté de quatre pays : la France, la Finlande, la Chine et le Royaume-Uni.
Le réacteur EPR2 est conçu pour être résilient au changement climatique sur toute sa durée de fonctionnement d’au moins soixante ans. En effet, sa conception tient compte de l’évolution des facteurs externes liés au changement climatique, particulièrement les températures d’air et d’eau, les niveaux d’eau en bord de mer et le débit des fleuves. Concernant le combustible, l’EPR2 offre la possibilité de fonctionner avec 30 % de combustibles MOX, issus du retraitement de combustibles usés. Les déchets radioactifs qui seront produits par l’exploitation et la déconstruction des six EPR2 seront quant à eux de même nature que ceux produits par le parc actuel.
La mobilisation des territoires
EDF envisage la réalisation de la première paire d’EPR2 à Penly (Normandie), en bord de mer. Dans un second temps, les deux paires suivantes pourraient être construites à Gravelines (Hauts-de-France), en bord de mer, et au Bugey ou au Tricastin (Auvergne-Rhône-Alpes), en bord de rivière. Dans chacun des cas, les implantations sont envisagées sur des sites nucléaires existants ou à proximité immédiate. Le choix de ces sites s’appuie sur une série de critères techniques, notamment la capacité de refroidissement, l’aléa sismique, la sensibilité environnementale, la capacité d’évacuation de l’énergie produite, ainsi que le foncier disponible. Au-delà de ces critères techniques, le soutien important des territoires concernés, aux différents niveaux des collectivités territoriales, constitue un facteur déterminant dans le choix d’implantation des paires d’EPR2.
Les leçons tirées de Flamanville
Sur le plan des méthodes, l’EPR2 s’inscrit dans une logique d’industrialisation de l’EPR, à partir des enseignements tirés de la tête de série réalisée à Flamanville. Il s’agit avant tout de faciliter la construction des nouveaux réacteurs. La conception du réacteur intègre ainsi des simplifications et des optimisations visant à rendre la construction la plus efficace possible. Ces changements de pratique trouvent notamment leur source dans le plan Excell d’EDF, qui vise à retrouver l’excellence de la filière nucléaire française.
“Recruter l’équivalent de 10 % des effectifs de toutes les écoles d’ingénieurs françaises.”
À titre d’exemple, EDF s’est ainsi engagée dans une démarche de standardisation des équipements des EPR2. Il s’agit de réduire drastiquement le nombre de références sur des équipements présents en grand nombre dans une centrale nucléaire (robinets, pompes, câble, instrumentation…), afin de faciliter la constructibilité et la maintenance des EPR, et de renforcer la visibilité offerte aux sous-traitants, en les engageant sur de plus gros volumes et sur une période longue. Le nombre de références sur les robinets passera ainsi de 13 300 à 1 200 entre l’EPR de Flamanville et l’EPR2.
La mobilisation de l’ensemble des acteurs industriels s’est également traduite par des actions concrètes (ouverture d’une école de soudage par exemple) qui font sauter ainsi deux des principaux écueils mis en évidence par le chantier de l’EPR de Flamanville : la maîtrise du geste technique au sein de l’ensemble de la chaîne de sous-traitance et d’approvisionnement, ainsi que l’érosion des compétences et les difficultés de mobilisation sur la durée.
Une gouvernance repensée
La préparation de ce programme de réacteurs nucléaires s’accompagne d’une gouvernance rénovée, afin de maîtriser la bonne exécution d’un projet qui compte parmi les plus exigeants au monde. À la suite de la parution du rapport de Jean-Martin Folz sur la construction de l’EPR de Flamanville en 2019, qui pointait l’absence de maître d’ouvrage bien identifié – contrairement à des pratiques usuelles dans d’autres secteurs industriels mettant en œuvre de grands projets – EDF et l’État ont ainsi décidé de distinguer, au sein d’EDF, une maîtrise d’ouvrage, incarnée par le programme « Nouveau nucléaire France », de la maîtrise d’œuvre, portée par le projet EPR2. La maîtrise d’ouvrage, dans une logique business owner, doit notamment contrôler l’avance industrielle et technique des projets de construction, garantir le respect des coûts, des délais et de la qualité des EPR, et bien sûr sécuriser, au niveau européen et avec l’État, la validation du cadre juridique et financier de ce programme de plus de 50 milliards d’euros ; les équipes de maîtrise d’œuvre sont quant à elles dans une logique de pilotage du projet, de réalisation des études, de la préparation des sites et de la construction des réacteurs.
Un projet mobilisateur
Le nucléaire a historiquement permis à la France d’être en avance dans la décarbonation de son mix électrique. La crise énergétique que traverse l’Europe depuis l’été 2021 a renforcé l’impératif de décarbonation de nos économies à l’horizon 2050, tout en remettant en lumière l’importance d’assurer notre souveraineté énergétique. Le programme « Nouveau nucléaire France » porté par EDF, fondé sur la technologie des EPR2, doit permettre de faire en trente ans de la France le premier grand pays du monde à sortir de la dépendance aux énergies fossiles et de sécuriser à long terme et de manière souveraine les approvisionnements en électricité du pays. Pour réussir, la filière nucléaire doit désormais recruter dans les années qui viennent l’équivalent de 10 % des effectifs de toutes les écoles d’ingénieurs françaises. Gageons que l’X sera au rendez-vous de ce défi et apportera une contribution éminente au plus grand projet industriel français du XXIe siècle.
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Quid de la dépendance à des licences étrangères genre Westinghouse ? Svp