Strauss, Sibelius, Barber Renaud Capuçon

Strauss, Sibelius, Barber – Renaud Capuçon

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°803 Mars 2025
Par Jean SALMONA (56)

« Ce n’est peut-être que cela la jeu­nesse, de l’entrain à vieillir. »
Louis-Fer­di­nand Céline, Voyage au bout de la nuit

En musique, le XXe siècle aura été, après un XIXe siècle foi­son­nant mais assez peu nova­teur, une époque de créa­tion extra­or­di­nai­re­ment pro­duc­tive, voire révo­lu­tion­naire (de Debus­sy à l’École de Vienne). Strauss, Sibe­lius, Bar­ber n’ont pas tour­né le dos au siècle pré­cé­dent ; ils ont conser­vé le prin­cipe d’une musique stric­te­ment tonale, et inno­vé en har­mo­nies et en lignes mélo­diques. D’où des œuvres que l’on prend tou­jours grand plai­sir à écouter.

Strauss CapuçonRichard Strauss

Renaud Capu­çon a entre­pris d’enregistrer des pages qui jalonnent la vie de Strauss, depuis les œuvres de jeu­nesse mécon­nues dont le Concer­to pour vio­lon (1882) jusqu’à Méta­mor­phoses (1945).

Les œuvres de jeu­nesse enre­gis­trées par Capu­çon com­prennent le Concer­to pour vio­lon avec le Wie­ner Sym­pho­ni­ker diri­gé par Petr Popel­ka, la Sonate pour vio­lon et pia­no (1887) avec Guillaume Bel­lom et le Qua­tuor avec pia­no (1885) ; trois pièces qui relèvent clai­re­ment – et pas seule­ment par leur date d’écriture – du XIXe siècle, mer­veilleu­se­ment bien écrites, avec de belles lignes mélo­diques, qui laissent déjà entre­voir le style qui va mar­quer toute la musique de la maturité.

Ein Hel­den­le­ben, Une vie de héros, où Capu­çon est pre­mier vio­lon du Gus­tav Mah­ler Jugen­dor­ches­ter diri­gé par Sei­ji Oza­wa, fait par­tie des grands poèmes sym­pho­niques de Strauss. Sa tech­nique orches­trale – Strauss aura été avec Ravel l’un des meilleurs orches­tra­teurs du XXe siècle – s’y déploie super­be­ment. On sait que Strauss a dépeint dans les six titres quelque peu empha­tiques de l’œuvre (Le Héros, les adver­saires du héros, la com­pagne du héros, etc.) rien de moins que… sa propre vie.

Mais les deux œuvres les plus fortes du recueil, qui comptent par­mi ses chefs‑d’œuvre, sont le Sex­tuor (l’introduction de l’opéra Capric­cio) et Meta­mor­pho­sen, écrit pour 24 ins­tru­ments à corde solistes, dont Capu­çon a pré­fé­ré enre­gis­trer la ver­sion pour sep­tuor. Richard Strauss, per­son­nage aus­si ignoble que sa musique est magni­fique, a écrit ce tes­ta­ment musi­cal sur les ruines fumantes du Troi­sième Reich, qu’il avait sou­te­nu avec veu­le­rie et où cam­paient désor­mais les GI noirs d’Alabama et juifs de Brooklyn.

3 CD Deutsche Grammophon


Sibelius et Barber CapuçonSibelius et Barber

Renaud Capu­çon, le musi­cien aux mul­tiples facettes – vio­lo­niste, chef d’orchestre, orga­ni­sa­teur de fes­ti­vals, etc. – a enre­gis­tré, avec l’orchestre de la Suisse romande diri­gé par Daniel Har­ding, deux des concer­tos majeurs du XXe siècle, que l’on peut pla­cer à juste titre au même niveau que ceux de Pro­ko­fiev et Chos­ta­ko­vitch : les Concer­tos de Sibe­lius et Bar­ber. Le Concer­to de Sibe­lius a été créé sous la direc­tion de Richard Strauss en 1905. Celui de Bar­ber a été écrit en 1939, lors de l’invasion de la Pologne. Dans les deux œuvres, la prio­ri­té est don­née au lyrisme, à la beau­té des lignes mélo­diques. On est pris dès les pre­mières mesures. Ins­tal­lez-vous confor­ta­ble­ment dans votre fau­teuil pré­fé­ré, avec un verre de pur malt, et lais­sez-vous aller : c’est de la très belle musique.

1 CD ERATO

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