Stravinsky

Stravinsky par Riccardo Chailly

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°781 Janvier 2023
Par Jean SALMONA (56)

Stra­vins­ky nous stu­pé­fie sans cesse avec son ima­gi­na­tion et ses incroyables sono­ri­tés. Il suf­fit d’écouter trois mesures de sa musique pour devi­ner aus­si­tôt qui les a com­po­sées. C’était un génie.

Ric­car­do Chailly

Un génie est une per­sonne qui se démarque de façon excep­tion­nelle de ses contem­po­rains par un talent hors du com­mun et/ou une habi­le­té intel­lec­tuelle remar­quable, voire une apti­tude créa­trice extra­or­di­naire, notam­ment dans le domaine artistique.

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Si l’on accepte cette défi­ni­tion, Stra­vins­ky est sans aucun doute le com­po­si­teur le plus « génial » du XXe siècle, comme on peut le dire en pein­ture de son ami Picas­so auquel il peut être com­pa­ré à bien des égards. Talent hors du com­mun, déce­lé dès le début par son maître Rim­ski-Kor­sa­kov ; habi­le­té intel­lec­tuelle remar­quable, comme le montre son adap­ta­tion fusion­nelle aux ukases cho­ré­gra­phiques de Dia­ghi­lev. Enfin, apti­tude créa­trice excep­tion­nelle qui va lui faire explo­rer plu­sieurs manières, de la musique russe à la musique sérielle en pas­sant par le style néo­clas­sique, au cours d’une car­rière de com­po­si­teur qui s’étale sur près de 70 ans, des années 1900 à 1970.

Et, par-des­sus tout, à tra­vers les styles et les manières, la « patte » de Stra­vins­ky qui vous fait l’identifier quelle que soit l’œuvre au bout de quelques mesures, comme l’écrit Ric­car­do Chailly. Cette uni­té est par­ti­cu­liè­re­ment évi­dente dans l’intégrale des enre­gis­tre­ments de Chailly pour Dec­ca, à la tête de plu­sieurs orchestres dont celui de Cle­ve­land, le Gewand­haus de Leip­zig, l’Orchestre du Fes­ti­val de Lucerne, le Concert­ge­bouw, etc. Cette antho­lo­gie par­court toute l’œuvre de Stra­vins­ky en 32 œuvres :

  • les blue chips : L’Oiseau de feu, Petrou­ch­ka, Pul­ci­nel­la (ver­sion inté­grale du bal­let en vingt tableaux, avec voix, que l’on ne joue pra­ti­que­ment jamais), Le Sacre du prin­temps (qui déclen­cha un scan­dale, comme on le sait, lors de la pre­mière en 1913 sous la baguette de Pierre Mon­teux, et qui a influen­cé toute la musique du XXe siècle), L’Histoire du sol­dat, Le Chant du ros­si­gnol, Diver­ti­men­to, plus connu sous le nom du Bai­ser de la fée, paro­die exquise de Tchaïkovski ;
  • les œuvres impor­tantes moins connues : Le Roi des étoiles, -Dum­bar­ton Oaks, la Sym­pho­nie des Psaumes, Jeu de cartes, le Concer­to pour vio­lon en ré majeur, Œdi­pus rex, Apol­lon musa­gète, et l’intégrale de l’opéra The Rake’s Pro­gress ;
  • enfin des pièces rare­ment jouées : Le Faune et la Ber­gère, Feu d’artifice, Scher­zo fan­tas­tique, Renard, l’Octuor, les deux Suites, Tan­go, Rag­time, Danses concer­tantes, Nor­we­gian Moods, Agon de sa période sérielle, et le Chant funèbre récem­ment décou­vert, com­po­sé à la mémoire de Rimski-Korsakov.

Cette somme par l’un des très grands chefs vivants est plus large que celle de Bou­lez pour DGG publiée en 2010 (22 œuvres). Chailly dirige avec enthou­siasme et pré­ci­sion, un peu comme Svet­la­nov, ces œuvres super­be­ment orches­trées. Immer­gez-vous avec délices dans cette musique unique et foi­son­nante, en pre­nant votre temps. Vous en éprou­ve­rez in fine un sen­ti­ment rare et gra­ti­fiant qui par­court toute l’œuvre de Stra­vins­ky : la joie. 

11 CD DECCA

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