SUR LES ROUTES DE LA FAIM
Depuis le temps que je le connais (depuis la première), je croyais tout connaître de Marcel Cassou. Eh bien non ! Il a fallu la publication de Sur les routes de la faim, à l’origine presque un simple rapport d’activité à l’attention des sponsors de ses aventures, pour découvrir qu’il avait aussi créé et animé pendant sept ans une ONG. Celle-ci a joué un rôle reconnu et éminent dans l’acheminement des secours à certains sinistrés du Sahel pendant la sécheresse épouvantable qu’a connue cette région tout au long des années soixante-dix.
C’est bien Cassou de l’avoir fait en toute discrétion, et s’il en partage le mérite avec la cinquantaine de bénévoles qui ont aussi participé à l’odyssée, c’est indéniablement lui qui a donné l’impulsion initiale, réuni les moyens et les financements, en un mot : rendu l’exploit faisable.
De quoi s’agissait-il ? Au début des années soixante-dix, la zone dite « sahélienne » qui sépare le Sahara des pays riverains du golfe de Guinée ne reçoit plus une goutte d’eau pendant plusieurs années. C’est un drame qui se traduit par l’hécatombe du déjà maigre cheptel, et, par voie de conséquence, la famine et la disparition annoncée des populations nomades touaregs qui en vivaient. Cassou connaît déjà bien toutes ces régions. Il préside à l’époque un club fermé de baroudeurs qui ont sillonné les pistes africaines dans tous les sens et pour qui changer un axe de transmission de 4 x 4 dans le sable et avec une clef à molette n’a pas de secret.
Une séance d’entraînement dans le parc de Thoiry, on imagine ensuite quelques bières (nous sommes entre baroudeurs) autour d’un barbecue le soir et Cassou lance l’idée : « Et si nous faisions du transport de vivres au Niger ? Les vivres sont là-bas, mais le problème est de les acheminer dans des régions sans cartes, sans routes…»
Six mois plus tard, c’était chose faite : deux, puis quatre, puis neuf camions et presque quatre mille tonnes de vivres distribuées pendant deux ans auprès de populations complètement isolées et autrement condamnées à disparaître, avant de construire un petit barrage pour irriguer une plaine fertile à la saison des pluies.
Cassou raconte cela dans son livre et comme toujours, quand il parle du Sahara, il est à son meilleur. Quel scénario ! On imagine les Lino Ventura, Belmondo dans ses belles années, le reste de la bande de Un taxi pour Tobrouk et les dialogues d’Audiard (c’était de l’humanitaire certes, mais j’imagine qu’on devait aussi bien rigoler à l’ombre des chameaux) et il n’y manque même pas l’intrigue avec la belle Touareg.
Ceux qui ont lu et aimé le récit du désastre des expéditions Flatters1 adoreront, et les autres aussi.
Pour information, aucun BHL, ni droit de l’hommiste patenté, ne s’était fait connaître à l’époque pour apporter son concours.
L’intérêt de l’ouvrage est aussi sa présentation : un texte et un CD qui, en photos, raconte cette aventure humaine et désintéressée.
1. Le Transsaharien – L’échec sanglant des missions Flatters, L’Harmattan (2004).