Swap2Zero est un projet de navire décarboné PONANT

Swap2Zero : quand la mobilité maritime net zéro est à portée de main

Dossier : Vie des entreprises - Décarbonation et économie circulaireMagazine N°799 Novembre 2024
Par Patrick AUGIER

La com­pa­gnie de croi­sière PONANT a tou­jours été à l’avant-garde dans le sec­teur mari­time. Forte de sa vision dif­fé­ren­ciante et plus res­pon­sable du tou­risme et de sa volon­té de contri­buer acti­ve­ment à la décar­bo­na­tion de la mobi­li­té à son échelle, la com­pa­gnie fran­chit aujourd’hui un nou­veau cap avec le pro­jet Swap2Zero, qui ambi­tionne de construire le pre­mier bateau qui n’émet pas de car­bone. Le point avec Patrick Augier, Direc­teur de l’Exploitation et Secré­taire Géné­ral de PONANT.

Pouvez-vous nous présenter PONANT et son évolution au cours des années ? 

PONANT est une socié­té qui a main­te­nant 36 ans. À la genèse de la com­pa­gnie, nous avions une équipe de marins pré­cur­seurs qui a lan­cé un nou­veau concept, des croi­sières plus durables à bord du voi­lier, Le Ponant.

Depuis 1988, la com­pa­gnie s’est déve­lop­pée dans le domaine de la croi­sière en res­tant fidèle à une vision encore for­te­ment dif­fé­ren­ciante aujourd’hui : des croi­sières sur des bateaux pen­sés pour accueillir un nombre limi­té de pas­sa­gers afin d’avoir un impact le plus faible pos­sible sur l’environnement et pou­voir aller dans des zones inac­ces­sibles avec des bateaux « clas­siques ». Aujourd’hui, PONANT est une entre­prise fran­çaise qui emploie plus de 670 per­sonnes à terre et 3 800 marins au sens large sur l’ensemble de ses navires. Notre clien­tèle est avant tout fran­çaise et euro­péenne. À bord, nous avons notam­ment ban­ni le plas­tique à usage unique et avons mis en place le trai­te­ment des déchets. Et, nous res­pec­tons les normes envi­ron­ne­men­tales les plus strictes.

Très natu­rel­le­ment, ce posi­tion­ne­ment nous a per­mis d’être avant-gar­diste en matière de décar­bo­na­tion. Avec notre navire Le Com­man­dant Char­cot, nous avons ain­si été pré­cur­seurs dans l’utilisation du gaz natu­rel liqué­fié pour la propulsion. 

Aujourd’hui, nous allons encore plus loin en trans­for­mant notre flotte actuelle com­po­sée de 14 de navires et en lan­çant notre pro­jet Swap2Zero, qui doit nous per­mettre de construire le pre­mier navire décar­bo­né à l’ho­ri­zon 2030.

Quelle est votre trajectoire RSE et de décarbonation ? Quels sont les principaux objectifs et jalons que vous vous êtes fixés ?

Notre objec­tif est de réduire de 30 % nos émis­sions d’ici 2030. Dans cette démarche, nous avons, d’abord, réa­li­sé un impor­tant tra­vail de refonte et de révi­sion de nos par­cours, mais avons aus­si lan­cé une trans­for­ma­tion tech­nique de notre flotte pour amé­lio­rer son effi­ca­ci­té éner­gé­tique. Depuis 2018, nous uti­li­sons ain­si des fiouls légers. D’ici 2030, l’ensemble de notre flotte uti­li­se­ra des bio­fioul rea­dy ce qui nous per­met­tra de tenir cet objec­tif de réduc­tion de nos émissions.

Au-delà de 2030, pour main­te­nir, voire accé­lé­rer notre tra­jec­toire de décar­bo­na­tion et atteindre le net zéro à l’horizon 2050, nous devons fran­chir un cap en intro­dui­sant un nou­veau type de navire décarboné.

En paral­lèle, il s’agit aus­si de limi­ter toutes les autres émis­sions, comme les oxydes d’azote, les oxydes de soufre… Aujourd’hui, l’ensemble de nos navires sont bien évi­dem­ment équi­pés de pots cata­ly­tiques. Ils peuvent éga­le­ment être ali­men­tés en shore power. Nous pour­sui­vons l’adaptation de nos navires pour répondre aux objec­tifs fixés à une échelle euro­péenne et par l’or­ga­ni­sa­tion mari­time internationale.

Actuellement, vous êtes donc mobilisés sur votre projet de nouveau navire : Swap2Zero. De quoi s’agit-il ? 

Ce pro­jet très ambi­tieux vise à construire un navire décar­bo­né qui per­met­tra d’accélérer notre tran­si­tion vers le net zéro. Ce navire a voca­tion à pas­ser 60 % de son temps en mer et 40 % à quai. Un modèle de navi­ga­tion par­ti­cu­liè­re­ment adap­té aux « slow cruises », des croi­sières dites à faible vitesse avec des par­cours adaptés.

Dans cette démarche, l’enjeu est de réus­sir à com­bi­ner un ensemble d’énergie renou­ve­lable et décar­bo­née, d’une part, et de l’innovation, d’autre part, pour, in fine, ne plus émettre de CO₂. Cette inno­va­tion a voca­tion à rejaillir sur l’ensemble du sec­teur mari­time. L’idée est, en effet, d’apporter des solu­tions répli­cables sur d’autres navires.

« Il s’agit de faire coexister différents convertisseurs d’énergie à bord d’un même bateau. »

Sur un plan plus tech­nique, nous sommes ain­si confron­tés à un saut tech­no­lo­gique très impor­tant, car il s’agit de faire coexis­ter dif­fé­rents conver­tis­seurs d’énergie à bord d’un même bateau. Nous étu­dions en ce sens plu­sieurs pistes :

  • un sys­tème vélique et une carène per­met­tant de four­nir en moyenne 50 % de l’énergie de pro­pul­sion par la force du vent ;
  • plus de 1000 m² de sur­face de pan­neaux pho­to­vol­taïques avec des dis­po­si­tifs de nou­velle géné­ra­tion, solaires, orga­niques et éco­con­çus, inté­grés dans les struc­tures et les voiles ;
  • une pile à com­bus­tible basse tem­pé­ra­ture fonc­tion­nant à l’hydrogène liquide dédiée à la pro­pul­sion, avec recy­clage de l’eau et de la cha­leur produite ;
  • une pile à com­bus­tible haute tem­pé­ra­ture pour les besoins de la charge hôte­lière du navire, la cha­leur déga­gée sera alors récu­pé­rée pour la pro­duc­tion d’eau chaude ;
  • une tech­no­lo­gie de cap­ta­tion de car­bone à bord, cou­plée à la pile haute température ;
  • un sys­tème inno­vant de ges­tion de l’énergie déve­lop­pé spé­ci­fi­que­ment pour contrô­ler et répar­tir les puissances.

Dans le cadre de cette démarche inédite d’éco-conception, nous pré­voyons éga­le­ment d’utiliser des maté­riaux recy­clés et envi­sa­geons d’installer des sys­tèmes de valo­ri­sa­tion des déchets à bord. En paral­lèle, nous tra­vaillons avec des indus­triels pour déve­lop­per de nou­veaux outils dédiés à la main­te­nance, ain­si qu’avec les ports pour pou­voir être ravi­taillés et pou­voir éga­le­ment débar­quer notre CO₂.

La mobilité maritime net zéro est à portée de main avec Swap2Zero, le projet de navire décarboné de PONANT

Quelques mots sur vos partenaires.

Autour de Swap2Zero, c’est tout un éco­sys­tème qui doit se struc­tu­rer et s’organiser afin de réus­sir le déploie­ment de cette inno­va­tion et assu­rer der­rière sa réplicabilité.

Ain­si, par­mi nos par­te­naires, on compte BARILLEC Marine pour la pile à haute puis­sance ; LMG Marin France sur la par­tie implan­ta­tion de l’hydrogène à bord du navire ; HELION Hydro­gen Power, une filiale d’Alstom, autour du déve­lop­pe­ment de la pile basse tem­pé­ra­ture ; SOLAR CLOTH pour le déve­lop­pe­ment de pan­neaux solaires sans sili­cium capables de s’adapter à dif­fé­rentes sur­faces ; le Bureau VERITAS qui nous accom­pagne sur la défi­ni­tion des normes ; ain­si que d’autres par­te­naires sur le ravi­taille­ment en hydro­gène et la récu­pé­ra­tion du gaz car­bo­nique cap­té à bord afin de le mettre à dis­po­si­tion de dif­fé­rentes indus­tries… Enfin, nous sommes encore en phase de négo­cia­tion sur la par­tie construc­tion afin de trou­ver le chan­tier euro­péen qui construi­ra ce navire.

Et pour conclure ?

Swap2Zero est un pro­jet à la pointe de l’innovation qui ouvre de nou­veaux hori­zons en termes de décar­bo­na­tion du trans­port mari­time, mais aus­si de déve­lop­pe­ment de nou­veaux sys­tèmes éner­gé­tiques au ser­vice de la mobi­li­té net zéro de demain. Le pro­jet est lau­réat de l’Innovation Fund de la Com­mis­sion euro­péenne en 2024.

Cela demande une vision, des par­te­naires et du sou­tien afin de pou­voir déter­mi­ner les choix qui per­met­tront d’atteindre, in fine, un cer­tain équi­libre éco­no­mique nécessaire.

En France, PONANT a réus­si à mobi­li­ser et à créer cet éco­sys­tème d’innovation grâce à des par­te­naires qui apportent leurs com­pé­tences et leurs exper­tises au ser­vice de la réus­site de ce pro­jet inédit qui va nous per­mettre d’être pion­nier en matière de mobi­li­té décar­bo­née, de déve­lop­per des tech­no­lo­gies à forte valeur ajou­tée et de créer un nou­veau modèle éco­no­mique et des emplois.  

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