Sylfen : acteur et contributeur de la transition énergétique
Quelques mots sur la genèse de Sylfen et le positionnement de la start-up aujourd’hui ?
J’ai fait mes débuts professionnels dans le monde de l’énergie au CEA et à l’Institut Français du Pétrole, un univers qui m’a très vite passionné. Au cours de ma carrière, j’ai eu l’occasion de travailler sur plusieurs sujets dont l’hydrogène et les piles à combustible et de diriger un laboratoire puis un département de recherche.
Fin 2013, à quarante ans, j’ai fait le choix de me lancer dans l’entrepreneuriat et de créer ma start-up, Sylfen. Notre principale mission est d’apporter une solution technique et logicielle qui va contribuer à la réussite et la concrétisation de la Transition Énergétique.
Actuellement, la principale problématique autour de la Transition Énergétique reste l’intermittence des énergies renouvelables comme le solaire, l’éolien et l’hydroélectricité. Ces énergies sont par nature dépendantes de la météo. Le défi est donc de parvenir à mettre au point une solution qui va permettre de faire l’équilibre entre l’offre et la demande.
La flexibilité de la demande c’est-à-dire le pilotage de la consommation dans les bâtiments ne permet pas de traiter cette problématique complètement. Sylfen propose donc une solution qui allie deux fonctions complémentaires :
- le stockage et le déstockage de l’énergie : quand il y a un surplus d’énergie, on stocke et quand il y a au contraire un manque on déstocke ;
- la production combinée d’électricité et de chaleur à partir de méthane : la molécule de gaz CH4.
Actuellement, il s’agit majoritairement d’une énergie fossile, mais la molécule peut aussi être produite par la méthanisation, qui connaît un véritable développement avec la production de bio méthane à partir des déchets, des stations d’épuration, des résidus agricoles.
Dans le cadre de la Transition Énergétique, l’autonomie énergétique est un axe stratégique. Comment appréhendez-vous cette dimension au travers de Sylfen ?
Aujourd’hui, le secteur du bâtiment représente 40 % de la consommation énergétique et rejette autant de CO2 à des échelles différentes selon les pays.
Il y a actuellement des efforts pour la réhabilitation des immeubles pour éviter qu’ils ne soient des passoires thermiques, des initiatives pour leur permettre de produire de l’énergie, notamment solaire, mais ce n’est pas suffisant.
Pour faire face à cette situation, nous entendons de plus en plus parler du concept d’autonomie des bâtiments. Concrètement, un bâtiment autonome est capable de produire sa propre énergie avec des panneaux solaires, de la cogénération, la stocker, l’utiliser ou la réinjecter sur le réseau. Il peut arbitrer et piloter son action énergétique.
Ce mode de gouvernance alternatif annonce une véritable révolution énergétique qui va favoriser la généralisation de l’échange d’énergie, que nous connaissons et expérimentons déjà avec les Smart Grids. Pour accélérer cette tendance, il faut donc de plus en plus de bâtiments autonomes dotés de cette capacité à prendre des décisions ayant trait à leur utilisation de l’énergie.
Qu’en est-il du rôle des batteries dans le cadre de cette autonomie énergétique ?
C’est un sujet central qui fait l’objet de nombreux débats dans le domaine de l’énergie. Actuellement, le prix actuel pour un kilowatt-heure est compris entre 400 et 500 euros, alors qu’il est à environ 12,5 euros pour l’hydrogène. Malgré une baisse des prix, l’hydrogène reste plus compétitif. En plus, l’hydrogène permet de stocker beaucoup plus d’énergie.
LES BATTERIES VONT PERMETTRE DE FOURNIR DE LA PUISSANCE AUX BÂTIMENTS, ALORS QUE L’HYDROGÈNE PERMETTRA DE PROLONGER L’AUTONOMIE DU BÂTIMENT.
Ainsi, les batteries vont permettre de fournir de la puissance aux bâtiments, alors que l’hydrogène permettra de prolonger l’autonomie du bâtiment. Dans cette logique, nous avons déposé une vingtaine de brevets au CEA autour de la technologie d’électrolyse et pile à combustible réversible. Le même équipement, à tour de rôle, soit stocke l’énergie en produisant de l’hydrogène, soit la déstocke en produisant de l’électricité et de la chaleur pour le bâtiment.
En complément, nous développons tout un volet logiciel pour piloter efficacement les actions énergétiques de façon adaptée à chaque bâtiment.
L’autonomie énergétique doit aussi être réfléchie à l’échelle des régions, des agglomérations. Qu’en est-il ?
À l’échelle des agglomérations et des régions, le développement des énergies renouvelables se fait de manière locale avec des épisodes où les productions solaire, éolienne ou hydraulique peuvent être très faibles ou maximales sur tout le territoire : quand le soleil brille fort au-dessus d’un bâtiment, tous les autres bâtiments du quartier produiront également beaucoup !
À terme, on connaîtra donc des difficultés au niveau du pilotage des réseaux de distribution à cause de ces excès ou de ces manques territoriaux d’énergie.
Pour faire face à cette situation, il faut raisonner en termes de flexibilité de la demande qui reste, néanmoins, une alternative limitée qui ne permet de faire face qu’à des périodes de courtes de durée.
À cela s’ajoutent les interconnexions permettant de transporter l’énergie d’une région à l’autre avec un réseau de très bonne qualité en France qui permet de maintenir une certaine garantie.
Mais dans les journées d’hiver froides grises et sans vent, il faut bien garantir à chacun son énergie : on maintient donc de grosses capacités alimentées par des sources d’énergie fossiles.
Le stockage, la cogénération et l’hydrogène sont des solutions pour apporter cette robustesse et sécurisation de l’approvisionnement en énergie d’abord au niveau des bâtiments puis progressivement au niveau des quartiers, des agglomérations et des villes.
Par ailleurs, on constate une évolution sociale et politique profonde, qui est une réappropriation du sujet « énergie » à l’échelle locale : une entreprise, un quartier, pour se diriger vers des territoires 100 % renouvelables et à énergie positive.
En parallèle, les choses s’accélèrent pour Sylfen avec votre première levée de fonds. Quelles sont les prochaines étapes ?
En effet, nous sommes focalisés sur la réussite de notre première levée de fond qui devrait être finalisée cet automne. Nous travaillons aussi sur la finalisation de l’intégration de notre premier prototype et preuve de concept de notre technologie chez notre premier client, un grand groupe français de l’énergie.
Nous avons aussi pour ambition de nous développer sur le marché international. Pour y parvenir, nous voulons nouer des partenariats industriels et commerciaux pour accélérer notre développement en respectant bien évidemment les spécificités locales.
L’univers de l’énergie est un écosystème industriel, qui requiert la collaboration de différents acteurs, afin de faire réussir la Transition Énergétique.
Et pour accompagner nos projets de développement, nous exécutons un important plan de recrutement pour accélérer et booster notre croissance. Nous recherchons des compétences pour réussir l’intégration de nos solutions dans un processus de production industrielle.
Cela nécessite la qualification des sous-traitants, la définition et la mise en oeuvre des lignes de production pour passer de la version pilote à des schémas industriels optimisés avec des contraintes de coût et de qualité…
À cela s’ajoute un enjeu fort de commercialisation et de montage de projets pour multiplier le nombre de sites pilotes qui vont nous permettre de tester notre technologie, la qualifier en condition réelle, capitaliser sur ce retour d’expérience afin de les intégrer dans nos produits commerciaux prévus pour 2020.