SYSNAV : à la croisée de la technologie et de l’innovation
Entreprise technologique de pointe, SYSNAV conçoit et propose des systèmes destinés notamment à des applications de géolocalisation avancées. Aurélien Nardini, responsable projet sur la partie aéroportuaire, et Florian Pomes (X16), chef de projet sur la partie véhicule autonome, nous présentent cette société innovante et reviennent pour nous sur les projets qu’ils mènent. Entretien.
Quel est le positionnement de SYSNAV ?
Aurélien Nardini : SYSNAV est un acteur spécialisé disposant d’une technologie de rupture dans les solutions de navigation destinées au calcul de géolocalisation de piétons et de véhicules et les systèmes de captation de mouvement. Au niveau de la géolocalisation, nous sommes positionnés sur des briques de technologies magnéto-inertielles. SYSNAV a déposé plus de vingt brevets sur ces technologies magnéto-inertielles. Sur le marché de la détection de mouvement, de nombreux systèmes dans des avions, des voitures… utilisent des centrales inertielles, qui sont des dispositifs permettant de calculer et de reconstituer un déplacement à partir de mesures d’accélération et de la vitesse de rotation. À partir de là, l’innovation développée par SYSNAV repose sur des MEMS (micro electromechanical systems), qui sont des microsystèmes électromécaniques qui peuvent être intégrés dans différents systèmes. Ces systèmes sont plus compétitifs en termes de coût que les technologies inertielles classiques et ils consomment très peu d’énergie ce qui les rend utilisables sur des applications embarquées sur piéton ou véhicule.
Vos technologies sont utilisées par Aéroport de Paris (ADP) pour permettre d’éviter les collisions sur les pistes. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce cas d’usages concrets ?
A.N. : En effet ! Il y a quatre ans, ADP a lancé un appel d’offres pour se doter des solutions et technologies les plus pertinentes afin de géolocaliser les véhicules sur les pistes aussi bien pour leur plateforme d’Orly que de Roissy. Il y a ici pour ADP un double enjeu de sécurité d’une part afin d’éviter un risque de collision entre voitures et aéronefs sur les pistes et les aires de manœuvre et d’autre part d’optimisation des opérations avec la facilitation du travail des contrôleurs.
Le système de géolocalisation utilisé jusqu’ici était imprécis ou indisponible dans certaines zones (sous les terminaux…) ce qui complexifiait considérablement la localisation des véhicules. Grâce à notre technologie, nous arrivons à obtenir des informations de localisation précises et fiables. À partir de là et grâce aux procédures mises en place par ADP, le contrôleur n’a plus besoin de vérifier la position d’un véhicule donné avant d’accorder une clearance pour lui permettre d’évoluer ce qui apporte un véritable gain sur le plan opérationnel. Concrètement, nous rendons la localisation fiable en apportant une couche complémentaire aux informations fournies par le GPS.
Quelle est la valeur ajoutée de vos technologies dans ce cas précis ?
A.N : Sur un plan technique, elles permettent de savoir à tout moment où se trouve un véhicule avec une garantie de précision et de maîtrise de l’incertitude. Plus fiable, notre solution apporte aussi un certain confort dans son utilisation. Avec un GPS, même à l’arrêt, la position d’un véhicule va continuer à bouger. Avec notre solution, sur la carte, le véhicule est véritablement à l’arrêt et lorsqu’il passe sous un tunnel ou dans une zone où le GPS n’est pas en mesure de remonter des informations fiables, nous sommes en mesure de suivre sa localisation et sa trajectoire.
Pour la tour de contrôle, cela permet aux contrôleurs de reporter leur attention sur le trafic des avions. Aujourd’hui dans tous les aéroports du monde sauf à Charles de Gaulle et Orly, quand un véhicule veut traverser une piste, il doit s’arrêter pour appeler la tour de contrôle afin qu’elle lui confirme ou pas son autorisation.
La technologie permet d’automatiser ce processus pour permettre à des conducteurs de traverser ou non une piste en consultant simplement les données. Pour toutes les parties prenantes, c’est la possibilité de gagner du temps, mais aussi d’optimiser la performance opérationnelle et l’’efficacité.
Actuellement, notre solution équipe 320 véhicules en augmentation vers 420. Nous avons un très bon retour d’expérience sur plus de 28 000 heures de conduite pour plus de 450 000 km parcourus.
Sur le moyen terme, l’idée est de généraliser cette technologie consistant à augmenter le GPS pour la gestion des véhicules au sol pour qu’elle devienne le standard de référence au niveau européen en permettant aux aéroports majeurs d’en bénéficier. Il n’était pas envisageable jusqu’ici de bénéficier d’une telle technologie pour des applications aérportuaires à cause du coût, la rupture technologie apportée par Sysnav change la donne.
Vos technologies sont aussi pertinentes dans le secteur du véhicule autonome. Pourquoi ?
Florian Pomes : Pour simplifier, le véhicule autonome a besoin de deux technologies clés : la première consiste à éviter le risque de collision avec les autres usagers de la route et la deuxième consiste à se localiser au milieu de la voie utilisée avec un précision meilleure que la demi-différence entre la largeur d’un véhicule et la largeur d’une route.
La fonction de gestion des éloignements relève d’enjeux de perception des autres usagers de la route et de décision quant à la trajectoire à adopter. Nous n’intervenons pas sur ce sujet.
La fonction de localisation relève d’un strict enjeu de positionnement par rapport à la route sur laquelle on évolue. Sur ce sujet, dès les premiers niveaux d’automatisation des véhicules (L2+), il faut une disponibilité élevée pour le confort de l’utilisateur qui ne doit pas reprendre la main en permanence et, dès le niveau L3, il est impératif d’apporter un garantie de safety : très simplement, il faut que la probabilité de faire une erreur de localisation non-maîtrisée qui conduise à pouvoir rouler hors de la voie relève d’un cas improbable (qui contribue au calcul du taux d’accident acceptable pour un véhicule autonome).
La brique technologique apportée par Sysnav va permettre de construire des trajectoires 3D en temps réel qui vont pouvoir être consolidées avec des moyens complémentaires comme les caméras dans la configuration basique mais également avec le GPS, les caméras, les radars… dans des configurations plus évoluées .
Cette combinaison des différentes solutions et technologies est la seule qui amène une garantie suffisante alors qu’un GPS centimétrique peut ne pas fonctionner correctement dans un tunnel ou une zone urbaine dense, ou qu’une caméra peut être aveuglée… La technologie magnéto-inertielle de Sysnav garantit donc cette disponibilité de l’information indépendamment des conditions extérieures.
Qu’en est-il en termes de valeur ajoutée ?
F.P : Nos solutions permettent de répondre au besoin de localisation très précis des véhicules autonomes en assurant le respect des contraintes de disponibilité et d’intégrité de la donnée de localisation. La technologie Sysnav va permettre par exemple lorsque les autres informations ne sont plus disponibles (caméra, GPS centimètrique…) de conserver pendant 400m environ (soit 15 s à 90 km/h) une précision de localisation meilleure que 30 cm avec une garantie de fiabilité qui répond aux contraintes réglementaires. Cette information va permettre dans un premier temps de gérer des zones dans lesquelles les caméras ne voient pas les lignes blanches et donc où le véhicule serait perdu, puis si la zone est très étendu de prévenir l’automobiliste (par un changement de couleur de l’indicateur de qualité de la conduite autonome) qu’il peut être amené à reprendre la main avant enfin de permettre de réaliser une manœuvre de risque minimum pour mettre en sécurité le véhicule (se garer au bord de la route ou sur la voie la plus à droite).
Sans la fonction apportée par Sysnav, ce temps de 15s n’existe pas : dès que l’information est perdue, le conducteur doit immédiatement reprendre la main sans délai de prévenance. C’est ce qui se passe aujourd’hui et que certains ont probablement constaté dans leur véhicule équipé d’une caméra pour le suivi de ligne avec une fonction d’assistance à la conduite type L2.
Au-delà de la dimension géolocalisation pure, il y a ainsi un très fort enjeu de sécurité et de maîtrise de la position du véhicule, pouvoir avertir le conducteur plusieurs secondes avant de devoir reprendre la main sur le véhicule est indispensable pour pouvoir aller au-delà du niveau 2. Couplée à d’autres solutions et outils, la technologie de Sysnav vient affiner et fiabiliser la localisation des véhicules notamment dans des zones où les autres solutions apportent des réponses moins précises.
Comment un acteur comme SYSNAV se positionne par rapport à la robotique mobile ?
A.N : Quelle que soit la fonction du robot doté d’une certaine autonomie, on retrouve toujours une brique technologique liée à sa mobilité : guidage (la trajectoire du robot et comment la parcourir), navigation (le positionnement du robot), contrôle (la mise en mouvement du robot).
Là aussi, la combinaison des technologies magnéto-inertielles avec les systèmes et capteurs traditionnellement utilisés en robotique (caméra, GPS, radar…) permet de garantir la disponibilité et la précision de la localisation pour sécuriser le recours robotique mobile notamment dans des environnements industriels, et ce sans rajouter des éléments d’infrastructures qui rendent souvent le modèle économique de ces plateformes autonomes difficilement viable. Aujourd’hui, une de nos ambitions est de calibrer et d’industrialiser nos produits dans ce domaine pour les déployer à une plus grande échelle sur des projets de taille significative.
Qu’en est-il de vos principaux enjeux ?
F.P : Pour les applications liées au véhicule autonomie, nous sommes positionnés sur un marché qui est évidemment très concurrentiel mais sur un segment très particulier lié à une navigation précise et intègre qui constitue une niche que nous partageons avec quelques acteurs de très haute technologie. Nous misons sur notre expertise de plus de 20 ans dans la navigation, nos technologies protégées, notre capacité d’innovation et notre savoir-faire en matière de solutions de localisation pour accélérer notre développement sur ce marché. Aujourd’hui, il s’agit pour nous de confirmer notre avance technologique sur ces sujets, de produire de manière plus standardisée nos systèmes et de proposer des solutions pour équiper des véhicules de demain.
Pour relever ces défis, nous avons également besoin de renforcer nos équipes. Nous recherchons notamment des profils d’ingénieurs passionnés en mathématiques appliquées, en informatique, en IA, en data science prêt à s’investir à la frontière de la recherche et de l’industrie.
SYSNAV connaît une très belle croissance ces dernières années. Nous sommes passés du statut de bureau d’études à un acteur qui conçoit, développe et commercialise ses produits avec plusieurs milliers de systèmes vendus par an. Aujourd’hui, nous voulons renforcer cet axe dans le domaine de l’automatisation des véhicules afin de pouvoir développer un portefeuille de produits et de solutions sur étagère tout en conservant au cœur de notre ADN notre capacité d’innovation et de R&D qui sont l’essence même de SYSNAV et qui permettent de créer des ruptures technologiques sur les marchés que nous adressons.
En bref
- Création en 2008
- Environ 70 collaborateurs
- Un chiffre d’affaires de 13 millions d’euros en 2021
- Trois programmes Véhicule, Médical et Piéton