Système fiscal et développement durable
Économie et écologie … après les oppositions et les incompréhensions, nous sommes sans doute entrés dans l’époque des rapprochements opérationnels. Les objectifs du développement durable (concilier aspirations économiques et sociales et préservation de l’environnement) et le souci plus prosaïque des finances publiques ‑la dégradation de l’environnement génère des coûts – peuvent se retrouver. Le récent Sommet de Kyoto sur la préservation du climat a ainsi montré que le développement économique devait intégrer les perturbations qu’il cause à la planète, mais aussi que les politiques environnementales auraient à gagner de l’utilisation d’instruments économiques.
La fiscalité a un rôle essentiel à jouer dans ce rapprochement. Même quand ce n’est pas le but recherché, il est indéniable que la fiscalité – dont la vocation première est de fournir des ressources financières à l’État- a de facto un effet sur les comportements par ses assiettes et ses montants, et par leur évolution dans le temps. Ainsi, alors même que la fiscalité sur les carburants est en France une des plus élevées d’Europe, ce qui a contribué à limiter la baisse de leurs prix en termes réels depuis des années, on peut penser que la structure de cette fiscalité n’a pas été, du fait de l’avantage donné au gazole, sans incidences sur l’organisation de notre système de transport et sur la pollution atmosphérique.
Bien sûr, les prix ne font pas tout, et il faut sans doute faire la part de ce qui résulte dans ces phénomènes de l’évolution spontanée des comportements des agents économiques. Mais il reste que, en économie décentralisée, les prix doivent refléter les coûts, et la science économique nous invite à corriger les signaux-prix en présence d’effets externes ou en cas de prélèvement de ressources non renouvelables.
Capteurs de la Tour Saint Jacques, à Paris © C.WEISS/ADEME |
Le gouvernement s’est engagé à combattre le chômage et à mener une politique environnementale active. Ceci nous invite à réorienter notre politique fiscale dans un sens plus favorable à l’environnement. Comme le défend notamment un récent appel d’économistes français(1), la fiscalité peut, dans certains cas, favoriser le développement de l’emploi ou de la technologie et réduire les pressions sur l’environnement. En outre, un système fiscal soucieux de l’écologie apporterait une légitimité supplémentaire à la perception de l’impôt.
Entendons-nous bien, il ne s’agit pas d’augmenter la pression fiscale, mais de la déplacer d’assiettes que l’on veut développer (travail) vers des assiettes que l’on cherche à combattre (pollutions) ou à préserver (ressources naturelles). Ce basculement n’est évidemment envisageable que s’il est bénéfique pour l’emploi, ce qui implique sans doute, d’une pan, d’en préciser soigneusement l1l le contenu et les conditions, et, d’autre part, de le mettre en œuvre à l’échelon communautaire, voire en coordination avec l’ensemble des pays industrialisés.
Il ne s’agit pas non plus de créer une multitude de petites taxes affectées à la protection de l’environnement, mais bien de corriger des distorsions fiscales existantes, et de reverser au budget de l’État le produit de taxes significatives perçues en application du principe pollueur-payeur. Il faut retrouver le sens premier de l’impôt qui est de contribuer au financement de l’État, non à celui de multiples organismes qui se trouvent bien souvent dans l’incapacité d’utiliser effectivement les sommes parfois très importantes qui leur sont affectées.
Le gouvernement s’est engagé à ce que le projet de loi de finances pour 1999 comporte des dispositions allant dans le sens d’une fiscalité plus écologique. Ceci n’est qu’une étape et nous devons engager dans la durée et avec conviction, en coordination avec les autres États membres de la Communauté européenne, une » réforme fiscale verte « . Nous nous réjouissons donc que La Jaune et la Rouge consacre un numéro spécial à ce thème et nous espérons qu’il contribuera il l’indispensable information et réflexion sur ce sujet.
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(1) Voir l’article de jean-Charles Hourcade.