T’auras du galon mon garçon !
L’uniforme de l’École Polytechnique, le Grand U comme on disait jusque dans les années 70, le GU (prononcer « guë » comme dans « contiguë ») depuis, n’a quasiment pas évolué depuis le milieu du XIXe siècle. A contrario, le sort des galons qui ornent, ou n’ornent pas ses manches, a lui subi plusieurs changements de politique
Dans une école militaire, la hiérarchie se voit sur les manches
A sa militarisation en 1804, puis sa remilitarisation sous la restauration, l’organisation de l’école était… militaire. C’est ainsi que les 50 premiers du concours, chefs de kazers (caserts), étaient nommés sergents. Ils portaient donc sur leur uniforme – dont il ne faut pas oublier que c’est, dès l’origine, un uniforme de sous-officier – l’insigne de leur grade.
Le premier du concours était lui nommé sergent-… major ! C’est, nous semble-t-il là l’origine du terme major pour désigner, chaque année, le plus doué d’entre nous. Il portait donc les deux galons en diagonale. A cette époque, point de sergent PDL, ADL, et encore moins de sergent-chef ; les plus anciens d’entre nous, qui ont encore connu les vieux sergents-majors à quatre chevrons, me comprendront.
On peut ainsi voir Arago recevant le drapeau de l’École des mains de Napoléon, ou, plus près de nous, Poincaré en 1873.
Henri Poincarré X1873 en tenue de sergent-major
Un » Serpent » vers 1880
Un élève-officier, ça doit se voir !
Un élève en GU vers 1910
A la fin du XIXe siècle, il se passa un phénomène intéressant, probable conséquence de la généralisation des classes préparatoires, et donc du vieillissement des élèves : en effet, on ne gère pas une école de « gamins de 16 ans » comme une école de jeunes hommes de 18, dont la quasi-totalité deviendra, de surcroît, officier des armes.
C’est en effet, jusqu’en 1914, la période « guerrière » de l’X. Cette dé-hiérarchisation des élèves – le terme de crotale apparaît à cette époque pour remplacer celui de serpent – se retrouve sur la tenue, identique pour tous.
A l’aube de la Grande Guerre, on dote les élèves de galons d’élèves-officiers, les alphas blancs ornée d’un liseré rouge, qui resteront en vigueur sur la tenue d’arme des étrangers jusque dans les années 90, et qui, sous forme de passants d’épaules, sont encore distribués aux X à l’intégration pour mettre une touche de couleur sur leur treillis.
Une version dorée de ces alphas, correspondant au grade d’aspirant, a été mise en service, probablement en 1919, puis ré-instaurée en 1945, ainsi que l’écrit le Général Brisac, commandant l’École, au Ministre de la Guerre – le lecteur attentif notera d’ailleurs deux points intéressants :
• Le papier à en-tête utilisé, signe des temps de disette dans l’immédiat après-guerre
• Les préoccupations hautement stratégiques du ministre en 1947…
Et les vrais guerriers dans tout cela ?
Une prise d’armes à l’École en 1945, au premier rang de gauche à droite : Yvon Comolli (42) croix de guerre, Marcel Langer (38) Officier de la Légion d’honneur, Compagnon de la Libération, ‚Croix de guerre, Military Cross„Distinguished Service Medal ‚Paul Schrumpf (43) Croix de guerre, Médaille militaire (Histoire de l’École polytechnique)
Un certain nombre d’élèves sont revenus à l’École après avoir fait la guerre, la première comme la seconde. Si Marcel Langer, Compagnon de la Libération, portait sa tenue de commandant d’aviation – il faut dire que, promotion 38, il avait près de 30 ans, ce qui est un peu âgé pour porter une tenue d’élève, Comolli (42) et Schrumpf (43) portaient tous deux une tenue d’élève galonnée en lieutenant et sous-lieutenant.
Ce choix n’est pas nouveau puisque c’est le même qui avait été fait en 1919, lors du retour du GU. L’auteur de ces lignes détient une tunique portant des galons de sous-lieutenant sous forme de petite barrette – la discrétion… – de 3 cm de long. A l’époque, le galonnage dépendait des armées, des armes et des tenues. Cette variété se retrouve dans le galonnage du GU. Par exemple, celui tout à gauche des gardes au drapeau de la 1919S porte son galon de sous-lieutenant sous forme de fer de lance, comme le service de l’air le faisait à l’époque.
Le retour à l’uniformisation ?
Il semblerait que la requête du Général Brisac n’ait pas été prise en compte : depuis la promotion 47, les X ont de nouveau perdu tout insigne de grade sur leur uniforme. Même si cela peut provoquer quelques malentendus (ainsi, l’auteur de ces lignes, se rendant en voiture au Bal à l’École Royale Militaire de Bruxelles accompagné d’un élève de ladite ERM, s’entendit dire « vous déposez le lieutenant et vous pouvez aller l’attendre sur le parking »), cette évolution est cohérente avec l’évolution profonde du GU, qui, d’une tenue militaire de l’École, est devenu la tenue des élèves.
Nul doute qu’un jour, d’ailleurs, les dits élèves légiféreront pour mettre un terme à l’inflation de médailles de la défense nationale, de pucelles et autre « pin’s » qui n’apportent pas grand-chose…
La garde au drapeau 1919
L’auteur renouvelle ses remerciements à Olivier Azzola pour son aide dans la réunion de la documentation.
Il remercie également ses relecteurs anonymes mais ô combien précieux