Technip Energies : « Nous voulons nous positionner comme un acteur majeur des énergies de transition »
La stratégie de décarbonation de Technip Energies s’articule autour de deux axes : décarboner l’existant et développer de nouvelles technologies. Loïc Chapuis (X01), SVP Gas and Low Carbon Energies Business Line, et Damien Eyriès, Vice-President of the Green Hydrogen Value Chain Business Unit, au sein de Technip Energies nous en disent plus. Ils reviennent notamment sur les pistes explorées par le groupe qui se positionne aujourd’hui comme un acteur majeur de la transition énergétique.
Comment un acteur comme Technip Energies appréhende la question de la décarbonation et de la neutralité carbone ?
Loïc Chapuis : Au sein de Technip Energies, nous envisageons, d’abord, la décarbonation, qui a vocation à assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique, puis la neutralité carbone. Pour accompagner, voire accélérer la décarbonation, nous explorons plusieurs axes.
Tout d’abord, il s’agit d’abord de remplacer le charbon par le gaz dans la production de l’énergie ce qui permettrait de réduire globalement de 50 % les émissions de CO₂. Deuxièmement, nous travaillons sur les technologies autour de la capture et du stockage du CO₂ pour décarboner notamment l’existant.
Enfin, pour tendre vers la neutralité carbone, il nous faut utiliser des énergies décarbonées ou à très faibles teneurs en carbone, comme l’hydrogène.
Aujourd’hui, l’enjeu est donc de capitaliser sur l’existant tout en accélérant l’industrialisation et le déploiement des nouvelles technologies bas carbone pour atteindre une maturité équivalente à celles des précédentes générations de technologies (en termes de sécurité et de performance) ainsi qu’une certaine compétitivité en termes de coût.
Revenons plus en détail sur les pistes technologiques explorées par Technip Energies. Quelles sont-elles ?
L.C : Nous nous intéressons à toutes les technologies autour de la capture et du stockage du carbone. Acteur historique de la construction de raffineries de biofuel, nous déployons aussi de grosses unités pour la production de fioul à partir de déchets ou de produits déjà réutilisés. En parallèle, nous travaillons sur les technologies de l’électrification. Aujourd’hui, nous sommes, par exemple, en mesure d’électrifier des usines de liquéfaction de gaz de taille significative et donc de réduire considérablement les émissions de CO₂.
Damien Eyriès : Nous sommes aussi fortement mobilisés sur l’hydrogène, une molécule que nous connaissons très bien. Nos technologies sont utilisées pour la génération de plus 30 % de l’hydrogène dans le monde. En produisant de l’hydrogène bleu, nous sommes aujourd’hui en mesure de capter jusque 98 % du CO₂ émis. En parallèle, nous nous positionnons aussi sur la production d’hydrogène vert via l’électrolyse.
Dans ce cadre, nous avons lancé Rely, une joint-venture avec John Cockerill. Au sein de cette structure, nous mettons en commun nos expertises respectives, le développement et l’exécution de grands projets pour Technip Energies et la fabrication d’électrolyseurs pour John Cockerill, afin d’accélérer l’industrialisation de ces solutions.
Par ailleurs, il y a un véritable engouement autour de l’hydrogène depuis quelques années. Quel regard portez-vous sur son potentiel au sein de Technip Energies ?
D.E : Selon les différents scénarios et notamment ceux dévoilés par l’Agence internationale de l’énergie, l’électricité ne représentera que 50 % de la consommation finale d’énergie dans un monde sans carbone.
Pour les usages que nous ne serons pas en mesure d’électrifier, l’hydrogène et ses dérivés ont vocation à couvrir un tiers des besoins. Dans un premier temps, sur les usages existants de l’hydrogène, il s’agit de basculer vers l’utilisation d’un hydrogène propre, bas carbone ou renouvelable. Aujourd’hui, l’hydrogène gris est utilisé dans l’industrie chimique, para-pétrolière, de l’engrais… En mettant à leur disposition une alternative bas carbone ou renouvelable, nous contribuons aussi à décarboner ces industries très émettrices de CO2. Ce n’est qu’une fois que nous aurons sécurisé ce premier volet et atteint une réelle maturité technologique sur ces sujets, qu’il sera pertinent d’imaginer et de développer des nouveaux usages pour la mobilité lourde, le transport maritime, le transport ferroviaire, ou pour de nouvelles applications industrielles…
Enfin, au-delà du développement des technologies nécessaires à la production de cet hydrogène vert, propre ou renouvelable, il s’agit aussi de baisser les coûts pour justement garantir un déploiement à grande échelle.
Votre actualité de début 2023 est d’ailleurs marquée par l’attribution à Technip Energies d’un contrat d’ingénierie d’avant-projet détaillée pour le plus grand projet d’hydrogène bas-carbone au monde pour ExxonMobil à Baytown, au Texas. Pouvez-vous nous en dire plus ?
L.C : Une fois mis en production, ce projet permettra de réduire d’environ 30 % les émissions de CO₂ de cet énorme complexe industriel. Nous sommes en pleine phase d’ingénierie pour le volet production d’hydrogène bleu à partir d’énergies fossiles. Le projet va capter près de 7 millions de tonnes de CO₂ par an, soit l’équivalent de l’émission de 3 millions de voitures chaque année. Au-delà, à partir de ce projet basé sur la production d’hydrogène bleu, d’autres usages autour de l’hydrogène vert ont vocation à se développer pour, in fine, décarboner totalement le site.
En parallèle, quels sont les autres projets qui vous mobilisent ?
L.C : Dans le domaine de l’hydrogène bleu, une technologie que nous maîtrisons donc parfaitement, nous avons des projets en Corée du Sud, au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Moyen-Orient à différents niveaux d’avancement.
Nous menons aussi des projets de capture et stockage du carbone dans le monde entier. Nous intervenons notamment sur deux projets en cours de réalisation au Qatar : North Field East Project et North Field South Project. Dotés d’un budget de plusieurs milliards d’euros, ces dispositifs vont permettre de capter respectivement 2,5 et 1,5 millions de tonnes de CO2 par an. Au Danemark et en Norvège, nous avons aussi des projets visant à capter le CO2 des fumées émises par des usines de traitement de déchets. Sur la plus importante installation, en Norvège, nous visons 400 000 tonnes de CO₂ captés par an. Enfin, nous avons aussi des projets d’ingénierie de détail sur des usines de LNG qui basculent vers l’électrique.
D.E : Sur l’hydrogène vert, où notre niveau de maturité est moins développé que sur l’hydrogène bleu, nous nous positionnons d’abord sur des projets de petite taille afin de mieux comprendre le marché, ses besoins, ses enjeux et ses contraintes. Nous avons ainsi un projet en cours pour ENGIE en Australie. Nous avons aussi deux projets prévus en Inde d’ici la fin 2023. En Europe, nous prenons part à une multitude de projets, notamment en France, en Hollande… Nous sommes aussi très présents aux États-Unis où l’Inflation Reduction Act (IRA) ouvre des perspectives intéressantes pour le développement de l’hydrogène vert.
Selon vous, quels sont les freins qui persistent en matière de transition énergétique ?
L.C : Si l’ensemble de ces technologies contribuent positivement à la transition énergétique, l’énergie verte et propre reste plus chère que l’énergie fossile. Le prix est un des principaux freins au développement de ces technologies.
Sur des questions comme le déploiement de l’hydrogène, nous avons aussi, en France, un enjeu en termes d’infrastructures pour garantir un transport et un approvisionnement à des coûts compétitifs. En effet, ces projets doivent avoir un sens économique pour toutes les parties prenantes afin d’accélérer leur développement.
Et pour conclure, quelles sont les ambitions de Technip Energies ?
L.C : Nous voulons nous positionner comme un acteur majeur des énergies de transition. Aujourd’hui, plus de 3⁄4 de nos activités sont tournées vers des solutions plus propres que par le passé.
Et pour accélérer notre propre transition et accompagner aussi celle de nos clients, nous recrutons des talents. Nos équipes sont essentiellement composées d’ingénieurs qui sont directement impliqués dans ces projets et qui contribuent concrètement et au quotidien à la transition énergétique ! Avis aux intéressés !