TÉMOIGNAGES
Pour de nouvelles rencontres
J’ai beaucoup apprécié l’initiative de notre jeune camarade, et, ce, d’autant plus qu’il est jeune. En effet, ce genre de réunions reste souvent, malheureusement, l’apanage des très anciens (les vieilles burnes).
Vers la fin des années quatre-vingt, les X d’Alsace – sans qu’il y ait un groupe officiel – se réunissaient une fois par an pour une » bouffe « , à l’initiative d’un camarade décédé depuis. L’habitude s’est perdue au début des années quatre-vingt-dix. J’ai souvent pensé à reprendre le flambeau, mais ne suis jamais passé à l’acte.
Pourquoi suis-je venu travailler en Alsace ? En sortant de l’École, je désirais avoir un travail sur le tas – pas d’administration – et, étant jurassien, si possible dans le quart nord-est. Le DG des Mines de Potasse d’Alsace cherchait un X pour travailler comme ingénieur du fond, c’est-àdire dans le fond de la mine (400 à 1 200 m de profondeur).
J’ai débarqué en Alsace en novembre 1963 pour y rester définitivement avec toutefois une parenthèse, de janvier 1972 à juillet 1975, où j’ai travaillé au Congo-Brazza dans une filiale des MDPA (toujours une mine de potasse).
Travailler sur le tas
Avantages et agréments : travail sur le tas puisque, jusqu’à la fin, comme directeur de l’exploitation, je continuais à « descendre » régulièrement.
Le climat : toutes les histoires qu’on a faites récemment pour quelques centimètres de neige (que les journalistes s’obstinent à appeler poudreuse, même quand elle est bien mouillée et bien lourde) nous ont bien fait rire en Alsace. De plus, j’étais producteur de sel de déneigement et, il faut bien le dire, les conditions financières étaient intéressantes.
Enfin, un avantage un peu spécial : je fais partie des rares X » fana mili « . En Alsace, j’ai pu faire une carrière parallèle dans la Réserve. J’ai terminé colonel.
Les seigneurs du fond
Est-il important d’être X ? La grande majorité de mes collègues du fond était issue des trois écoles des Mines (avec quelques géologues, des chimistes pour la partie traitement au jour et des électromécaniciens pour l’entretien). Dans une mine, les « seigneurs » sont les gens du fond et ce sont eux qui tiennent les emplois de direction. Je n’ai jamais eu de problème mais cela ne m’a pas apporté d?avantage supplémentaire. Ce qui m’a été utile, c’est d’accepter de partir en Afrique et d’aller souvent à l’étranger alors que certains ne pouvaient pas quitter la ligne bleue des Vosges !
Jean Breniaux (60)
Sur les rails
Une nouvelle rencontre a été organisée il y a quelques jours à peine. Cette édition 2011 du dîner des X en Alsace a rassemblé dans une ambiance très conviviale les polytechniciens alsaciens. Toutes les générations étaient représentées, de la promo 1960 à la 2004.
Ce dîner a été l’occasion de décider de fonder un groupe X‑Alsace, d’ores et déjà accessible sur : polytechnique.org. Rendez-vous en mai prochain pour une première rencontre officielle. |
Julien Beccherle (2003)
Le premier tram-train de France
Arrivé en Alsace voilà presque deux ans, en tant que chef du pôle » maîtrise d’ouvrage routes » à la Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement d’Alsace, j’apprends à connaître et à apprécier cette région chaque jour un peu plus.
L’Alsace est une région pilote pour les questions de mobilité, rendant les métiers liés aux transports particulièrement intéressants. Ainsi avec le tram-train de la vallée de la Thur, l’Alsace a depuis quelques semaines le premier tram-train de France. Plus proche de Strasbourg, l’État et le Conseil général du Bas-Rhin imaginent ensemble un bus à haut niveau de service capable d’emprunter les autoroutes strasbourgeoises en s’extrayant de la congestion.
L’Alsace est aussi une capitale régionale, au cœur de l’Europe. Outre le parlement européen, Strasbourg porte de nombreux projets et initiatives avec l’Allemagne : ainsi, dans quelques mois le tramway reliera le centre de Strasbourg au centre de Kehl de l’autre côté du Rhin.
Enfin, j’ai découvert en Alsace un environnement exceptionnel. La ville est riche culturellement avec son opéra, son théâtre national et ses musées ; et la proximité des Vosges et de la forêt Noire ravit le passionné de sports de plein air que je suis… Pour faire court j’ai succombé à l’appel du grès (des Vosges !).
Julien Beccherle (2003)
Un binet alsacien
J’ai eu le plaisir de participer au repas organisé par Ferdinand, réunion qui fut très intéressante à tout point de vue. Je propose d’apporter un éclairage un peu différent. En effet, je ne travaille pas en Alsace, puisque je suis actuellement en deuxième année à l’École polytechnique, mais étant né à Strasbourg d’un père allemand et d’une mère lorraine, y ayant vécu vingt ans, y ayant fait ma prépa et en tant que président du binet Elsass’X, je veux parler plus spécialement des activités menées par les X d’Alsace à l’École.
Le binet Elsass’X rassemble chaque année une trentaine d’élèves des deux promotions sur le plateau. S’il est généralement dirigé par les anciens du lycée Kléber de Strasbourg, il s’adresse à tous les élèves ayant des racines en Alsace et à ceux qui désirent connaître cette région magnifique aux traditions très fortes. Cette année, des élèves vietnamiens et chinois ont, par exemple, souhaité se joindre à nous afin de découvrir notre culture régionale qui constitue à leurs yeux une spécificité de la France et de son histoire.
Gastronomie d’abord
Les activités du binet sont nombreuses : nous cherchons tout d’abord à faire connaître la gastronomie alsacienne (Flammekueche, Bredele, bière Fischer, Gewurztraminer, etc.), pendant le Point Gamma et lors des grands événements de l’École (week-end d’intégration, Campagne Kès, soirées, etc.).
Nous essayons aussi de faire connaître et aimer l’Alsace à nos camarades (rappelons que moins d’un tiers des X vient d’un lycée de province). À ce titre, nous organiserons cette année un week-end en Alsace pour une quinzaine d’élèves (avec probablement une journée sur la route des vins). Enfin, nous serions heureux de pouvoir relayer aux promotions sur le Plateau toutes les demandes de camarades installés en Alsace (stages offerts dans des entreprises ou des laboratoires alsaciens, promotion de produits alsaciens, conférences à l’École, etc.).
Nous sommes convaincus que la représentation des cultures régionales est un véritable enjeu, car elle est un indicateur, elle aussi, de la représentativité de l’École vis-à- vis de la population française.
Karl Neuberger (2009)
Ciel ! Mon mari est muté en Alsace
Ce titre d’un best-seller régional exprime bien le paradoxe d’une région qui revendique plus que toute autre son attachement à la France, mais affirme fortement sa différence et l’attachement à sa culture germanique. Venir travailler et s’installer en Alsace nécessite en effet de s’adapter à des particularités linguistiques, religieuses et juridiques. Ainsi, l’existence d’un droit local, qui n’est rien d’autre que la survivance d’une partie du Code civil allemand, vaut-il par exemple à l’Alsace un régime d’assurance maladie spécifique et dont la gestion est excédentaire.
Une tradition industrielle
Étant d’origine alsacienne et marié à une Alsacienne, mon opinion sur les facteurs qui pourraient inciter un camarade de l’X à s’installer dans ma région est évidemment suspecte de partialité. Je vais donc essayer de m’en tenir à des éléments objectifs. Il n’est pas besoin d’insister sur le dynamisme économique de l’Alsace, qui se traduit d’ailleurs par des soldes démographiques positifs : forte à la fois d’un réseau de grandes entreprises (Peugeot, Alstom, Hager, etc.) et d’un tissu de PME denses et diversifiées, l’Alsace a toujours su maintenir sa tradition industrielle en s’adaptant aux crises successives.
Elle bénéficie de la présence de nombreuses entreprises allemandes, souvent familiales, qui ont su garder une vraie culture industrielle, dans la tradition du « capitalisme rhénan « . La recherche et l’innovation y sont très actives, et les services diversifiés.
La plus grande université française
Pour ce qui est de l’environnement intellectuel, l’université de Strasbourg est la plus grande université française, la première à avoir regroupé les trois universités préexistantes. Strasbourg a d’excellents lycées scientifiques et littéraires, comme Colmar et Mulhouse.
La vie culturelle est intense, avec l’Opéra et le Ballet du Rhin, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, La Filature de Mulhouse, et de nombreuses institutions culturelles de haut niveau. La vie associative est exceptionnellement active dans tous les domaines, en particulier la solidarité, qui n’est pas un vain mot dans la région.
L’Alsace a une réputation de région à l’identité fortement profilée, mais cette identité ne s’affirme pas au détriment de l’ouverture. La présence des institutions européennes et la position géographique au coeur de l’Europe favorisent un climat très international : la plupart des grands pays européens ont un institut culturel à Strasbourg, et la région est aussi proche de Prague que de Paris.
Christian Albecker (75)
Développer l’École
Ayant un pied en Alsace par ma responsabilité de gérant de Sicat, une start-up locale dans le domaine des supports de catalyseurs, issue de travaux de recherche conduits au Laboratoire de chimie du CNRS à l’université Louis Pasteur de Strasbourg, j’ai été invité à partager le dîner des Alsaciens et, à cette occasion, à y présenter les actions de la Fondation de l’École polytechnique en soutien du développement de notre École.
Un groupe vivant
Ce groupe, qui n’est pas encore un groupe officiel agréé par l’AX, réunit une quarantaine de camarades de la Région Alsace, couvrant un large échantillon de promotions, acteurs du monde de l’entreprise, de la politique locale et nationale, des services administratifs français ou européens, etc.
Ce groupe est vivant, démontre un attachement fort à son École, communique très régulièrement par courriel, fait preuve d’une grande solidarité entre générations ou entre secteurs d’activité. Il m’a réservé un accueil chaleureux, attentif et motivé par les évolutions de l’École, dont quelques membres avaient une vague connaissance.
Les valeurs traditionnelles
Les interrogations portaient sur la place de l’international, l’intérêt des élèves pour l’innovation et la création d’entreprises, la préparation à la vie professionnelle par une approche moins restreinte à l’enseignement académique que certains avaient connu, le maintien, au fil des changements mis en oeuvre, des valeurs polytechniciennes qui constituent les fondements de leur groupe.
Au final, une soirée » rafraîchissante » mettant en lumière un parfait équilibre entre l’ouverture aux exigences de la compétitivité du monde moderne, et l’attachement aux valeurs traditionnelles, ciment des activités de ce groupe.
Jean-Bernard Lartigue (65), délégué général de la Fondation
D’énormes atouts mais un manque d’infrastructures
Je travaille en Alsace depuis 1993, pour y développer le deuxième centre informatique européen du groupe agroalimentaire Mars, qui a plusieurs usines en Alsace, en particulier à Haguenau où mon activité est basée. J’ai pu développer ma carrière internationale, à partir de notre centre de Haguenau sans avoir à déménager.
Tourné vers l’Europe
Travailler en Alsace est un énorme avantage sur le plan personnel et familial (mon épouse est professeur documentaliste dans un collège d’Alsace et mes deux fils au lycée à Strasbourg); c’est une région agréable, à taille humaine, ouverte sur l’international, avec Strasbourg, ville tournée vers l’Europe avec ses institutions nombreuses, une vie culturelle riche et variée.
Le clair désavantage, dans un métier comme le mien, reste les infrastructures, car même si le TGV nous a rapprochés de Paris, il a contribué au déclin de l’aéroport de Strasbourg, ce qui me conduit à aller fréquemment à Francfort, ville de départ de mes nombreux voyages internationaux.
Ouvert à des sujets multiples
Être polytechnicien, après trente ans d’expérience professionnelle, n’est plus un paramètre important, en particulier dans un groupe international comme Mars, où, en dehors de France, la renommée de notre École est, il faut bien le reconnaître, quasi nulle. Il m’arrive encore d’avoir à expliquer la différence entre Polytechnique et la Légion étrangère.
Par contre, ce qui a été indispensable, et le reste tout au long de ma carrière, est l’ouverture à des sujets multiples, les méthodes de travail, les capacités d’analyse et de synthèse, acquises au cours de mes formations en classes préparatoires, à l’X et ensuite à Supélec en école d’application.
Un réseau à cultiver
Étant beaucoup en déplacement en dehors d’Alsace et de France je n’avais pas jusqu’ici ressenti et perçu le besoin de mieux connaître le réseau polytechnicien régional.
Au-delà de l’aspect très amical de la première rencontre, j’ai réalisé qu’il y avait un véritable intérêt à cultiver ce réseau en particulier sur les axes du recrutement, de la formation et de la problématique du développement de sociétés internationales dans un contexte local.
De plus à titre personnel je m’intéresse au développement en tant que Business Angel d’une petite société locale, et les relais locaux sont, dans ce cadre, indispensables.
François Demongeot (76)
Loin du stress
Je regrette beaucoup qu’il n’y ait pas plus de rencontres entre polytechniciens en Alsace. Celle du 25 février 2010 était la première depuis quarante ans.
Ces rencontres permettent d’échanger des expériences et des connaissances avec des personnes professionnellement responsables avec qui les relations sont dépouillées des contraintes comme la retenue ou le secret professionnel.
En 1979, lorsque j’ai cherché mon premier job, j’ai rencontré des membres de l’Association régionale qui a disparu ensuite. Tous les ans il y avait un repas à l’occasion de la saison des asperges. Avec la promo 66 nous partons en voyage tous les deux ans (dix jours en Syrie en octobre dernier). Les échanges pendant et après le voyage sont nombreux.
Sérieux et fidèles
L’Alsace est une région où il est agréable de travailler et de résider. Les salariés sont sérieux, travailleurs, fidèles à leur entreprise. Les clients et les fournisseurs aussi. On est loin du stress des déplacements de la Région parisienne. La campagne, la montagne, le ski sont facilement accessibles. La gastronomie y est bien développée. Le TGV a beaucoup rapproché Paris de Strasbourg (deux heures à terme). D’autres villes et d’autres pays sont facilement accessibles : l’Allemagne, le Luxembourg, la Belgique, la Suisse, l’Italie.
C’est pour avoir épousé une Alsacienne que je suis venu travailler en Alsace. Je n’ai jamais regretté le choix de cette région, pour le travail comme pour la vie personnelle.