Temps de travail et temps de la vie
La baisse séculaire du temps de travail
La baisse séculaire du temps de travail
La révolution industrielle a profondément bousculé les temps du travail et de la vie. La sirène des usines n’a rien à voir avec l’Angélus des campagnes. Les temps des agriculteurs étaient ceux des saisons, de la course du soleil et des intempéries. Celui des ouvriers et des employés est un temps rigide, fixé par une horloge ignorante des variations de la nature. Les travailleurs des usines du xixe siècle sont tranquillement exploités par une machine économique qui décide des heures d’embauche et de fin du travail, comme des repos, des recrutements et des licenciements en fonction de critères sans rapport avec la santé ou les cycles naturels.
Le mouvement ouvrier n’a eu de cesse de faire réduire la durée du travail imposée et rigide. On a peu à peu légiféré ou signé des accords sociaux pour réduire la durée quotidienne, hebdomadaire, ou annuelle du travail. À chaque étape, les chefs d’entreprises résistaient à ce qu’ils présentaient comme une grave atteinte à la liberté d’entreprendre et à la compétitivité : l’Histoire n’a cessé de se répéter et se répète encore. Mais le progrès social est indéniable.
En cette fin de vingtième siècle, nous travaillons en moyenne à mi-temps, c’est-à-dire deux fois moins qu’à la fin du dix-neuvième. Les congés payés sont devenus obligatoires. Avec l’allongement de la scolarité d’un côté, l’allongement de la durée de vie de l’autre, le temps consacré effectivement au travail dans une vie d’homme est maintenant étonnamment modeste : moins de 10 %, quelque 60 000 heures, dans une vie de 700 000 heures.
Naturellement, les syndicats et les partis qui se réclament du mouvement ouvrier continuent à revendiquer une poursuite de cette baisse du temps de travail. Ils n’ont pas tort : la vigoureuse croissance de la productivité, qui n’a cessé depuis le début de l’industrialisation et que les nouvelles techniques de l’information relancent encore, a pour heureuse conséquence de réduire le besoin de travail humain. Les hommes peuvent travailler moins tout en poursuivant la course à la production et à la consommation.
La baisse séculaire du temps de travail, particulièrement vive pendant les trente glorieuses, a été rendue possible par ces gains de productivité. Il n’y a pas de raison qu’elle ne se poursuive pas.
Le paradoxe des 35 heures
La France des années 80 et du début des années 90 a freiné ce mouvement de baisse, contrairement à la plupart des pays voisins. Les raisons de ce freinage sont multiples. On retiendra notamment que le passage de la durée légale de 40 à 39 heures en 1982 a été mal perçu et que les politiques n’ont plus guère osé y toucher dans les seize années qui ont suivi. En 1997, le gouvernement français décide une baisse de 39 à 35 heures de la durée légale.
On ne discutera pas ici l’opportunité de cette réforme ni les conditions de sa mise en œuvre. On se contentera de noter qu’il y a dans son déroulement et les débats qui l’entourent un intéressant paradoxe.
Tout le monde croit ou fait semblant de croire que la loi des 35 heures va aboutir à plus de rigidité. Chacun, dans le débat public, au Parlement ou dans les médias, raisonne comme si l’économie était pour l’essentiel faite d’usines et d’ateliers où s’entassent des ouvriers non qualifiés répétant les mêmes gestes pendant huit heures par jour. On se croit en 1950.
La réalité de l’économie d’aujourd’hui est bien différente et le sera de plus en plus. Le besoin de flexibilité est tel que, de toute façon, les solutions retenues par les entreprises pour s’adapter à la nouvelle durée légale passeront par de nouvelles organisations plus souples et variées, adaptables, loin des rigidités qui subsistent encore.
Quels que soient les discours publics des uns et des autres – qu’ils déplorent le caractère trop rigide des textes ou qu’ils s’en félicitent – la réalité de l’entreprise est ailleurs.
Chacun connaît les phénomènes qui justifient ce besoin de flexibilité : l’effet des nouvelles techniques de l’information et de la communication sur les organisations, et le fait que les emplois industriels baissent rapidement tandis que les emplois tertiaires se développent.
Le travail d’aujourd’hui se traduit de moins en moins par un face à face entre un homme et une machine (fixe, insensible et sans souci de temporalité), de plus en plus par un tête à tête entre deux personnes, producteur et consommateur qui ne peuvent produire et consommer le service que s’ils sont ensemble. La disponibilité et le rythme du producteur ne sont plus déterminés par le rythme de la machine et le calcul des ingénieurs, mais par la volonté du consommateur. On a besoin du guichetier lorsque le client est libre.
Fini le temps où les employés de banque pouvaient se permettre de n’être à leur poste que pendant les périodes de la journée où leurs clients ne pouvaient pas se présenter, faute d’être libres de quitter leur propre poste de travail.
Il y a, on le sait, d’autres raisons à cette flexibilité. Nos économies, entraînées par les techniques nouvelles de communication et par la folle concurrence qu’exacerbe la mondialisation, n’acceptent plus la lenteur de réaction. La rapidité et le respect des délais deviennent des critères de qualité dominants.
On n’accepte plus les stocks, donc il faut adapter le rythme de production au besoin, éventuellement saisonnier ou erratique, du client. Les flux tendus, le « juste à temps » règnent en maîtres.
Dès lors, il n’est plus possible de faire fonctionner une entreprise sur le principe d’un rythme de travail parfaitement régulier, à heures fixes. Cette évolution ne fait pas l’affaire des salariés, qui ont besoin de stabilité (l’école, elle, est régulière) ou d’une flexibilité qui n’est pas celle de l’employeur. Il faut donc négocier, trouver les compromis, rechercher des solutions individuelles ou collectives adaptées aux besoins des deux parties. C’est un nouveau chantier pour les syndicats.
Qui plus est, le temps de travail n’est plus un indicateur pertinent du travail du salarié, pour un nombre croissant – et croissant rapidement – de personnes. Le cadre commercial doit ramener des commandes. Peu importe le temps qu’il passe chez le client ou sur la route. Le journaliste, le chercheur, l’ingénieur de conception, le consultant, l’expert ne sont pas efficaces à heures fixes.
Le manager, retenu par le fil invisible de son téléphone cellulaire ou de sa messagerie électronique, travaille à toute heure et en tout lieu. Les itinérants et tous ceux qui voyagent sont plus soumis aux caprices de la circulation et des horaires des compagnies aériennes qu’aux temps de l’entreprise. Les assistantes sociales s’adaptent aux besoins des familles qu’elles servent.
Peut-être revenons-nous insensiblement vers des emplois rémunérés à la tâche ou à la mission, des contrats qui finiraient par s’apparenter plus à des contrats commerciaux qu’à des contrats de travail.
Les temps de la ville
Dès lors, ce n’est plus l’horaire de travail qui rythme la vie, comme c’est encore le cas aujourd’hui pour une majorité de salariés. Au fur et à mesure que le temps de travail se réduit, la part consacrée à d’autres activités s’accroît d’autant. La frontière entre temps de travail et autres temps de la vie s’estompe. Les choix individuels, les arbitrages de chacun sont moins prédéterminés par les horaires imposés par le patron…
Voilà donc que reviennent à la surface les autres temps de la ville. Temps scolaires décisifs pour la vie de la famille ; temps d’ouverture des commerces ou des services publics ; temps des transports en commun… et des embouteillages.
Le ou plutôt surtout la salariée, qui part tôt le matin de son domicile de banlieue pour déposer son enfant chez une nourrice ou à la crèche, qui prend un train puis un autobus bondés, et qui doit refaire le même trajet le soir dans l’autre sens, est moins attentif ou attentive à son temps de travail qu’au temps, beaucoup plus long, passé au total hors de son domicile.
Les temps de transport, de démarches administratives, de relation avec l’école ou de soins médicaux, d’activités culturelles ou sportives pour soi-même ou les enfants, les loisirs organisés ou la vie associative, tout cela forme un ensemble dans la vie d’une personne. Pourquoi organiser tout autour du seul temps de travail ?
Les grandes villes italiennes se sont lancées dans des programmes sur le « tempo della città ». Les résultats sont inégaux mais les réflexions sont passionnantes. Dans une étude sur « les politiques des temps urbains en Italie », Sandra Bonfiglioli, professeur et chercheur à l’Institut polytechnique de Milan, note par exemple : Des valeurs et des opportunités nouvelles sont attribuées à la répartition du temps entre travail et soins à la personne (pour soi et pour sa famille), entre repos et activité, entre loisirs et travail, entre nature et artifice.
En particulier, les attentes d’un développement durable, l’intérêt pour le passé et non seulement pour le futur, de nouveaux sentiments envers la nature, que l’on pense menacée par des technologies ingouvernables, la séparation entre la croissance économique et la croissance de l’emploi, la culture de la complexité des temps de vie appellent à une nouvelle culture du temps qui focalise l’attention, vers la qualité du temps vécu et de l’emploi du temps de vie.
S’intéresser au temps de la vie, c’est ouvrir des perspectives nouvelles, s’interroger sur des thèmes essentiels de la vie collective, s’engager dans des débats essentiels. Comme le dit encore Sandra Bonfiglioli, flexibilité, mobilité, errance, rapidité, temps réel, mais aussi mémoire/ identité, biographie/histoire, généalogie, présent/présence sont des oppositions caractéristiques du paysage culturel postmoderne et des termes ayant un accent temporel évident. Nous voilà loin du débat sur les 35 heures…
Les temps de la vie
Temps de la ville et temps de la vie. L’une des caractéristiques essentielles de cette fin de siècle est l’étonnant accroissement de l’espérance de vie dans les pays industrialisés : l’espérance de vie des Français s’accroît d’un trimestre par an. Que ferons-nous de notre retraite ? Comme trop souvent, le débat se focalise sur l’équilibre des régimes de retraite attaqué par le déséquilibre démographique. Le problème est évidemment plus profond.
Une vie coupée en trois phases – l’école, le travail, la retraite -, voilà un système qui n’est plus compatible avec les nouvelles conditions de vie. L’école se prolonge trop tard et finit trop tôt. Trop tard : le processus d’entrée dans le monde du travail est lent. Trop tôt : une fois entré dans le monde du travail, on ne se forme plus guère. L’allongement de la scolarité a de bonnes et de mauvaises raisons. Il faut certes plus de temps pour absorber plus de connaissances.
Mais l’accumulation des connaissances n’est pas le meilleur passeport pour l’entreprise. Les recruteurs demandent aujourd’hui des « compétences » plutôt que des qualifications. Et derrière le mot compétences, il y a plus et moins que dans les diplômes universitaires : il y a le comportement, la qualité des relations humaines, les capacités de management, les langues étrangères, l’habileté à utiliser l’informatique ou à convaincre un client.
Au départ de la vie professionnelle il faut avoir acquis la faculté d’apprendre plutôt qu’une masse de connaissances, les moyens de comprendre, plutôt que l’érudition, l’adaptabilité plutôt que la spécialité très technique. En revanche, tout au long d’une carrière, il faudra avoir la possibilité de changer de techniques au sein d’un métier, de changer de métier au sein d’une entreprise, de changer d’entreprise dans son pays, peut-être de changer de pays dans une Europe unie ou une économie mondialisée.
Le temps n’est plus aux parcours professionnels prédéterminés, linéaires et fluides, au long de grilles hiérarchiques stables. Le temps est aux parcours erratiques et aux mutations rapides et fréquentes dans un environnement technologique et économique en mouvement.
Dès lors, la formation ne peut plus être cantonnée dans des plages de temps bien définies – celui de la formation initiale et celui des stages décidés par l’employeur. Elle ne peut plus être cantonnée dans des lieux : l’école ou le centre de formation professionnelle. Elle devient partie intégrante de la vie, de l’enfance à la retraite incluse. Elle peut être « sur le tas » ou dans des lieux inattendus. Elle n’a pas nécessairement un objet productiviste direct.
Parfois entendue comme un débat théorique, cette discussion sur la place de la formation a tout à coup pris en France une forme concrète, voire conflictuelle à l’occasion de la mise en œuvre de la loi sur les 35 heures. Dans ce domaine aussi, cette loi, qui a été faite pour créer des emplois mais n’en créera probablement pas beaucoup, peut être source inattendue d’innovations et d’imagination sociale créatrice.
Elle ouvre en effet la possibilité pour l’employeur de prévoir qu’une partie de la baisse de la durée du travail, au lieu d’être purement et simplement traduite en temps de loisirs, soit mise à profit pour donner aux employés la possibilité de suivre une formation de développement professionnel. Par là on entend une formation qui prépare à de nouvelles fonctions, à un saut de qualification ou à une reconversion, par opposition aux formations d’adaptation directement utiles à l’entreprise. Il s’agit dès lors d’un coinvestissement : l’entreprise apporte les moyens de formation, financiers, techniques ou humains, le salarié donne de son temps de loisir.
D’assez nombreuses entreprises se sont engagées dans cette voie, avec beaucoup de prudence certes, de la part de l’employeur qui ne veut pas payer n’importe quelle formation, comme de la part des syndicats, qui craignent au contraire qu’on exige des salariés des formations indispensables à la production en dehors des heures de travail. Malgré cette méfiance réciproque, des accords sont signés, qui innovent résolument et annoncent peut-être un changement radical dans la prise en compte de la formation dans les comportements des entreprises.
Trop souvent considérés comme de simples charges salariales, les coûts de formation peuvent être perçus comme des investissements, de la part tant de l’employeur que du salarié. En outre, et c’est ce qui nous intéresse ici, les temps de travail et de loisirs s’interpénètrent et deviennent poreux, dès lors que la formation (au sens large : tout ce qui permet le développement du salarié) est à cheval sur la frontière.
Le temps de la retraite
55 ans : le bel âge pour prendre sa retraite en France. Il faut laisser la place aux jeunes. Et puis les quinquagénaires ne sont plus capables de s’adapter aux nouvelles technologies dont leurs petits-enfants sont si familiers dès le berceau. Les « plans sociaux » (puisque c’est ainsi que, curieusement, on appelle aujourd’hui communément les plans de réduction d’effectifs) donnent la priorité aux départs anticipés en retraite : c’est bien commode puisque cela permet d’éviter de créer du chômage, cela donne de l’air pour les promotions et les avancements, cela permet d’embaucher des jeunes, cela bénéficie, ou du moins a bénéficié jusqu’ici, d’aides substantielles de la collectivité.
Pourquoi se priver ? Tout le monde y trouve son compte, le patron, les syndicats, les employés sauvés du chômage, les préretraités souvent enchantés (au moins au début) ; tout le monde… sauf la collectivité, qui en souffre tant sur le plan financier que sur le plan social.
La France détient ainsi, avec la Belgique, le record européen, et vraisemblablement mondial, de la retraite anticipée : 31 % seulement des hommes et femmes de 55 à 65 ans ont un emploi, dans ces deux pays, alors que certains pays vont jusqu’à 70 %. Cette situation n’est tenable ni financièrement, ni socialement, à une époque où l’espérance de vie ne cesse de s’accroître : un trimestre par an !
Faute d’imagination, les technocrates et les politiques posent ce problème sous un angle purement financier. L’évolution démographique, constatent-ils, va conduire à une impasse financière des régimes de retraite, si l’on ne prend pas des mesures de grande ampleur sur les taux de cotisation et sur le montant des retraites. Le peuple s’inquiète évidemment et l’on ne cesse d’effectuer des simulations macroéconomiques de plus en plus angoissantes.
Les impasses financières sont souvent le révélateur des vrais problèmes de société. C’est le cas ici. Mais la question qui surgit derrière les prévisions est d’une tout autre importance : que vont faire de leurs dix doigts les hommes et les femmes qui seront économiquement inactifs de 55 ou 60 ans à 80 ou 85 ans, alors que les progrès de la médecine ne cessent d’améliorer leurs conditions physiques et psychiques ? Comment peut-on imaginer une société où l’on serait actif (et pressuré par le système économique) de 25 à 55 ans, puis oisif de 55 à 85 ans ? Le contrat social qui lie les âges d’une société n’y résistera pas longtemps.
En ces temps de chômage, le cumul entre un emploi et une retraite est naturellement objet de scandale. On est dès lors tenté d’interdire aux retraités toute activité rémunérée, sauf à renoncer à tout ou partie de leur retraite. C’est l’impasse. Les retraités qui ne veulent pas se contenter d’aller à la pêche se portent vers les occupations bénévoles : conseils municipaux, associations caritatives ou autres.
Les besoins ne manquent pas et qui veut s’employer le peut. Mais il est difficile de se satisfaire de cette dichotomie artificielle entre activités rémunérées et non rémunérées, réservées les unes aux moins de 55 ou 60 ans, les autres aux anciens.
Quand on sait l’ampleur que prennent aujourd’hui les tâches d’administration et d’animation de la collectivité (par exemple des dizaines de milliers de maires et d’adjoints souvent écrasés de responsabilités), on peut s’interroger sur la pertinence d’un système social où ces fonctions ne peuvent être pratiquement exercées pleinement que par des retraités.
Il faudra bien sortir des réflexes acquis depuis de nombreuses décennies, qui conduisent à distinguer ceux qui travaillent et sont rémunérés de ceux qui ne travaillent plus mais sont tout aussi indispensables au fonctionnement de la société et de l’économie.
Travailler après l’âge fatidique ; mais aussi, à l’inverse, rendre possibles des périodes de non-travail pendant la durée de la vie active (par exemple rendre plus facile le congé parental ou le travail à temps partiel pour ceux ou celles qui veulent consacrer du temps à l’éducation de leurs enfants, ou à l’acquisition de nouvelles compétences ou d’un nouveau savoir) : à quand sur ces thèmes un débat de société qui saura sortir des simples calculs financiers ?
Les nouvelles inégalités
Les inégalités de revenus n’ont cessé de s’accroître depuis le début de la décennie dans les pays industrialisés, la palme revenant, de loin, aux États-Unis et à la Grande-Bretagne. Ce phénomène tient à la différence que fait naître l’éclosion des nouvelles technologies, associée à la mondialisation, entre ceux dont le profil correspond bien aux besoins des entreprises et ceux que la machine, de plus en plus performante et capable, peut remplacer.
Pour les premiers – forte compétence, familiarité avec les nouvelles techniques de l’information et de la communication, mobilité professionnelle, culturelle et géographique – la demande de travail est supérieure à l’offre ; et elle est internationale. L’équilibre de ce marché du travail se fait à travers l’ajustement des revenus, toujours à la hausse en période de croissance.
La course aux hautes rémunérations, sous forme de salaires ou de participation au capital anime le marché. Pour les autres, à l’autre extrémité du spectre, l’homme est de moins en moins compétitif avec la machine. Le combat des hommes ne vise plus la hausse des rémunérations, ce serait sans espoir, il vise tout simplement l’emploi. Les uns se battent pour leur rémunération, les autres pour leur emploi.
Ces deux mondes ont des rapports à la modernité évidemment différents. Pour les premiers, les nouveaux outils et les nouvelles technologies sont pain bénit. Et ils acceptent volontiers des contraintes importantes de travail et de temps de travail. Pour les métiers qu’ils exercent, la flexibilité est une évidence. Pour les seconds, les nouvelles technologies, destructrices d’emplois, sont perçues comme des dangers. Le caractère routinier de leur travail les incite à souhaiter des durées de travail courtes et régulières.
C’est pourquoi les discussions sur l’assouplissement des temps de travail et sur les temps de la vie, de la ville, des loisirs sont souvent analysées comme des débats de privilégiés. Peut-être le sont-ils aujourd’hui, mais c’est absurde. Si nous ne travaillons plus que 35 heures, parfois beaucoup moins, et si nous vivons jusqu’à 100 ans, ce qui ne tardera pas, il faudra bien repenser les temps.