Teréga : Penser et construire aujourd’hui les infrastructures énergétiques de demain
En pleine effervescence, le monde de l’énergie se transforme et se réinvente pour accompagner et réussir la transition énergétique et environnementale. Second opérateur d’infrastructures gazières en France, l’ETI indépendante Teréga se mobilise à tous les niveaux pour sécuriser dès aujourd’hui les usages énergétiques de demain. Dominique Mockly (X80), président et directeur général de Teréga, nous en dit plus sur les pistes explorées par son entreprise, notamment en matière de biogaz, d’hydrogène et de CO2, et revient également sur les carrières que son secteur offre aux ingénieurs.
Quel a été votre parcours à la sortie de l’école ?
Diplômé de l’X, je suis aussi ingénieur de l’armement. Dans le corps de l’armement, j’avais alors fait le choix de me spécialiser dans l’électronique navale à une époque passionnante marquée par une révolution technologique majeure en matière de télécommunications, de modernisation des infrastructures et de développement de systèmes d’armes plus petits et plus sophistiqués…
J’ai ainsi commencé ma carrière chez Naval Group, qui s’appelait alors la Direction des constructions navales (DCN), où j’ai pu mettre à profit ma formation sur des fonctions industrielles. Jusqu’en 1995, j’ai notamment travaillé sur la conception, la fabrication et l’intégration de systèmes de défense sur des bâtiments de la Marine Nationale. Je me suis ensuite dirigé vers des fonctions plus administratives en rejoignant le Secrétariat général de la Défense nationale, puis le cabinet du délégué général pour l’armement où j’étais en charge de la transformation de la délégation générale de l’armement. Durant ces années, j’ai notamment travaillé sur la transformation du modèle français de la défense alors que la France passait d’un modèle de conscription, avec le service national, à une armée de métier. Cette période a aussi été marquée par la formation de grands groupes nationaux tels que nous les connaissons aujourd’hui : Thales, Airbus puis Naval Group.
« Teréga est aujourd’hui le second opérateur d’infrastructures de gaz en France avec 25 % des capacités de stockage et plus de 5 000 kilomètres de canalisations. »
Après cette expérience, je suis retourné dans l’industrie privée, d’abord, chez Sagem, aujourd’hui devenue Safran, où j’ai été directeur de l’activité avionique et optronique, puis comme président de TechnicAtome qui est un fabricant de chaudières nucléaires pour les sous-marins et les porte-avions.
Au début des années 2000, je suis passé de l’industrie de la défense au monde de l’énergie, un univers aux multiples challenges, mais qui a des points communs avec celui de la défense. Tous deux contribuant à la souveraineté et l’indépendance nationales. Au-delà, l’énergie est aussi un sujet qui touche l’ensemble de nos concitoyens et qui impacte, par ailleurs, l’avenir de notre planète. Après un passage chez Areva, j’ai rejoint Teréga, dont je suis actuellement le président et directeur général. Cet acteur indépendant est aujourd’hui le second opérateur d’infrastructures de gaz en France avec 25 % des capacités de stockage et plus de 5 000 kilomètres de canalisations, essentiellement dans le sud-ouest, qui participent au système national.
À la tête de Teréga, quelle est votre feuille de route ?
En notre qualité d’opérateur d’infrastructures de gaz, notre principale mission est d’assurer la sécurité de l’approvisionnement de gaz en France. Concrètement, il s’agit de sécuriser les flux de gaz depuis les producteurs jusqu’aux consommateurs finaux grâce à des infrastructures de transport et de stockage.
Pour garantir un approvisionnement pérenne en gaz, notre rôle est aussi de préparer ces infrastructures aux besoins de demain dans un contexte où le gaz naturel a vocation à être substitué par de nouvelles énergies, comme le biogaz qui est fabriqué à partir de déchets dans des méthaniseurs. Il s’agit aussi de préparer les infrastructures à l’arrivée de l’hydrogène afin de pouvoir assurer le transit de ce gaz de manière à répondre aux besoins croissants des industriels alors qu’on imagine que l’hydrogène va pouvoir remplacer des produits qui aujourd’hui émettent beaucoup plus de CO2. En parallèle, nous travaillons aussi sur le sujet de la captation, l’acheminement et le stockage du CO2 (CCUS) et des émissions dites fatales.
Le défi pour Teréga est aussi de se donner les moyens pour passer à l’échelle industrielle pour pouvoir sécuriser le transit de flux toujours plus importants de biogaz, d’hydrogène et de CO₂. Cela demande de pouvoir s’appuyer sur des infrastructures pérennes et durables qui sont essentielles au maintien d’une activité industrielle sur l’ensemble des territoires nationaux en cette période de transition énergétique.
Enfin, ces évolutions transforment non seulement la nature de notre activité, mais également nos métiers. Notre enjeu est ainsi d’accompagner la montée en compétences de nos collaborateurs et de leur donner les moyens de développer de nouvelles expertises afin d’appréhender ces nouveaux gaz et énergies.
D’ailleurs, comment appréhendez-vous les transitions actuelles ?
Dans cette démarche, nous travaillons avec nos clients, qui consomment du gaz, mais également ceux qui vont être amenés à avoir recours à l’hydrogène ou qui vont devoir gérer leur CO₂. Nous lançons ainsi régulièrement des appels à manifestation d’intérêt afin de comprendre leurs besoins, établir des projections… En parallèle, nous réalisons le même travail avec les producteurs de ces nouvelles molécules (biogaz, hydrogène…). Cette double approche nous permet de prendre en compte l’offre et la demande pour mieux dimensionner demain le marché et, in fine, les infrastructures nécessaires. Au-delà, cela permet également de travailler dès aujourd’hui sur le cadre réglementaire et les dispositifs financiers qui vont impacter les infrastructures de transport et de stockage.
Pour un acteur comme Teréga, quels sont les principaux enjeux à l’heure actuelle ?
À mon arrivée dans l’entreprise en 2016, nous nous sommes dotés d’un plan stratégique, IMPACTS 2025, pour anticiper et apporter des réponses concrètes aux enjeux de la transition énergétique, préparer notre entreprise à ces mutations et s’assurer que notre patrimoine soit en capacité d’appréhender et d’anticiper ces mouvements. Ce plan stratégique nous a permis de transformer Teréga afin que l’entreprise se positionne comme un accélérateur de transition énergétique dans les territoires.
Aujourd’hui, avec notre nouveau plan GAÏA 2035, nous préparons de manière concrète l’entreprise à la transition énergétique. Cela se traduit par de grands projets pour se doter des premières infrastructures compatibles avec la transition énergétique et les nouvelles énergies. Parmi ces projets, on peut notamment citer BarMar, un projet de gazoduc maritime pour le transport de l’hydrogène entre Barcelone et Marseille ; HySoW, une infrastructure de transport de l’hydrogène décarboné dans le Sud-Ouest ; ou encore, le projet PYCASSO pour le captage, le transport et le stockage du CO2 (CCUS)… Nous avançons sur ces projets avec le soutien du gouvernement français, de la Commission européenne et de nombreux partenaires, qui sont aussi au cœur de ces transitions. À l’horizon 2035, ces infrastructures représenteront 50 % de nos investissements.
« Teréga a considérablement accéléré sa digitalisation afin notamment de simplifier la relation client. »
En parallèle, dans le cadre du plan IMPACTS 2025, Teréga a considérablement accéléré sa digitalisation afin notamment de simplifier la relation client en misant par exemple sur le déploiement et la mise à disposition d’applications et de services en mode SaaS. En interne, nous avons doté l’ensemble de nos collaborateurs d’outils digitaux pour qu’ils puissent gagner en efficacité dans le cadre des opérations de maintenance ou de surveillance. Nous avons aussi investi en matière de cybersécurité pour protéger nos systèmes et assurer la résistance et la résilience de l’entreprise de manière globale. En effet, l’approvisionnement en gaz du pays est une question de souveraineté et il est indispensable de le sécuriser face à une cybercriminalité en pleine explosion.
Quelles sont les opportunités de carrière que votre secteur peut offrir à des ingénieurs jeunes et moins jeunes ?
Aujourd’hui se construisent les grandes infrastructures de demain. Nous sommes aux prémices d’une nouvelle activité de gestion de grands projets, comme celle que nous avons pu connaître lors de l’émergence des premières infrastructures Oil & Gas. D’ailleurs, il est intéressant de souligner que les technologies utilisées pour leur développement restent d’actualité et sont même nécessaires pour construire la nouvelle génération d’infrastructures. Ce sont des projets où des ingénieurs qui ont une expérience avérée dans ces secteurs peuvent avoir une réelle valeur ajoutée et contribuer activement à leur réussite.
Pour accompagner l’émergence de ces nouveaux marchés, le monde de l’énergie a aussi besoin de talents qui savent penser « out of the box » et faire preuve d’innovation et de créativité aussi bien sur le plan technologique que commercial. De plus en plus, nous recherchons des ingénieurs qui ont une vision intrapreneuriale afin de développer ces nouvelles activités. Les formations d’écoles d’ingénieurs à la française comme l’X forment particulièrement ces profils, car elles leur donnent un socle technique et scientifique solide, mais leur apprennent aussi à être autonomes et force de proposition.
Enfin, il y a aussi un besoin plus marqué pour des experts et des compétences autour des nouvelles énergies, du développement durable et de la transformation écologique au sens large.
Lire aussi : Teréga Solutions : acteur de l’essor de la filière hydrogène en France et en Europe
Et justement, quels sont les atouts des diplômés de l’X ?
L’École polytechnique est une école militaire adossée à des valeurs fortes et qui transmet à ses diplômés un fort sentiment de l’intérêt collectif et national. Au-delà, elle permet aux ingénieurs d’avoir un bagage technique et scientifique d’une grande qualité, mais aussi de développer leur autonomie, leur capacité à travailler en équipe, et à être innovant. Autant de qualités précieuses, alors qu’aujourd’hui, ensemble, nous devons réinventer le monde de demain au travers du prisme de la transition énergétique, du développement durable et du réchauffement climatique.
Et pour conclure, des conseils à partager avec nos lecteurs ?
Tout d’abord, je les invite à vivre leur passion et à s’épanouir dans leur vie professionnelle ! Un métier, ce n’est pas seulement une fiche de poste et une rémunération, c’est aussi une entreprise, des valeurs, une équipe et un environnement qui facilite la co-construction, la montée en compétences et le développement personnel. Au-delà, il me semble aussi important de pouvoir exprimer son point de vue, dans le respect et avec intelligence, pour apporter sa pierre à l’édifice.
Enfin, j’aimerais insister sur les opportunités que les ETI et les PME nationales peuvent offrir aux jeunes diplômés. J’ai débuté ma carrière dans l’industrie chez DCN avant qu’elle ne devienne Naval Group, puis chez Sagem qui est aujourd’hui Safran, puis au sein de TechnicAtome avant de rejoindre Teréga. Ces ETI indépendantes m’ont offert une très belle courbe d’apprentissage et une prise de responsabilité rapide. Elles ont, en effet, autant à apporter à une carrière qu’un grand groupe national ou international !