Territoires favorables et territoires peu propices au développement des PME

Dossier : Le tissu des PME françaisesMagazine N°522 Février 1997
Par Jean-Pierre HOUSSEL

Jean Pierre Hous­sel est agré­gé de l’U­ni­ver­si­té et doc­teur ès lettres et sciences humaines. Il a ensei­gné la géo­gra­phie du milieu rural à la facul­té des Lettres, puis à l’U­ni­ver­si­té Lyon 2 de 1968 à 1995. Pro­fes­seur émé­rite, il est membre du Comi­té de par­rai­nage de l’AIM­VER. Ses tra­vaux de recherche reposent sur l’en­quête directe et la fami­lia­ri­té avec le ter­rain. Il est fidèle à la méthode de Vidal de la Blache qui pense que « les études locales, quand elles s’ins­pirent d’un prin­cipe de géné­ra­li­té supé­rieure, acquièrent un sens et une por­tée dépas­sant de beau­coup le cas par­ti­cu­lier qu’elles envisagent?.

Les trois milieux de l’aménagement du territoire

Il est habi­tuel de dis­tin­guer trois types de ter­ri­toires : urbain, péri­ur­bain et rural pro­fond, à par­tir de cri­tères quan­ti­ta­tifs ou phy­siques : den­si­té de popu­la­tion et accessibilité.

Or il est fon­da­men­tal d’in­tro­duire un cri­tère cultu­rel et socio­lo­gique : l’ou­ver­ture de la popu­la­tion à la moder­ni­té et sa volon­té de progrès.

Ceci conduit à une clas­si­fi­ca­tion nou­velle des com­po­sants du ter­ri­toire fran­çais1 :

T1 - les aires métro­po­li­taines, carac­té­ri­sées par une forte den­si­té de cadres diri­geants et situées au car­re­four des moyens de com­mu­ni­ca­tion modernes – auto­routes, TGV, aéro­ports inter­na­tio­naux. Elles sont les loco­mo­tives de l’é­co­no­mie et des évo­lu­tions tech­no­lo­giques, en liai­son avec les grands centres éco­no­miques du monde. Mais c’est aus­si une zone où se concentre une popu­la­tion mas­si­fiée, répar­tie dans des ban­lieues et des cités dor­toirs, sans capa­ci­té de déve­lop­pe­ment autonome.

T2 – les ter­ri­toires hors métro­pole ouverts à la moder­ni­té. Ils com­prennent des villes, moyennes et petites, vivant en sym­biose avec les cam­pagnes. Pro­fon­dé­ment mar­qués par l’hé­ri­tage de la socié­té pay­sanne, ils sont cepen­dant atten­tifs aux inno­va­tions, aptes à la concer­ta­tion, et péné­trés par l’es­prit d’en­tre­prise. Exemples types : la Bre­tagne et la Franche- Comté.

T3 – les ter­ri­toires éga­le­ment issus de la socié­té pay­sanne, mais fer­més à la moder­ni­té, dépen­dant de l’É­tat-pro­vi­dence, et peu entre­pre­nants. Le sous-déve­lop­pe­ment y est chro­nique. Exemples types : l’A­qui­taine et le Lan­gue­doc. On a pu dire que T3 s’i­den­ti­fie à la France répu­bli­caine dévouée au pou­voir cen­tral et peu auto­nome ; et T2 à la France de pra­tique catho­lique majo­ri­taire qui s’est long­temps com­por­tée comme une contre socié­té par rap­port à l’État.

Les milieux progressifs (2) : métropoles motrices et territoires dynamiques

Les métro­poles appa­raissent par­ti­cu­liè­re­ment bien pla­cées face aux exi­gences nou­velles. Par leurs fonc­tions de com­man­de­ment, elles mettent en rela­tion un hin­ter­land aux acti­vi­tés de plus en plus extra­ver­ties avec un mar­ché mon­dial de plus en plus glo­bal. Il en résulte un ren­for­ce­ment des quar­tiers d’af­faires, à l’i­mage des « cen­ter busi­ness dis­tricts » anglo-saxons.

Par­mi les métro­poles fran­çaises, Paris a une posi­tion tout à fait domi­nante, mal­gré les mesures de décon­cen­tra­tion et la décen­tra­li­sa­tion. Le tri­angle d’or (Bas­tille, Auteuil, Cli­chy) où se sont concen­trés de 1860 à 1960 les quar­tiers d’af­faires, s’est élar­gi depuis lors à l’ouest (La Défense-Véli­sy), puis au nord (Vil­le­pinte-Rois­sy), puis à l’est (Ber­cy-Marnes-la-Val­lée), tan­dis qu’au sud-ouest se consti­tuait la seule véri­table tech­no­pole fran­çaise, regrou­pant les grandes écoles d’in­gé­nieurs, et les centres de recherche

Les autres métro­poles résistent de leur mieux à ce cen­tra­lisme par une poli­tique volon­ta­riste dans les domaines du rayon­ne­ment uni­ver­si­taire (Lyon, Lille, Nantes…), de la spé­cia­li­sa­tion indus­trielle (Tou­louse, Cler­mont…) et des com­mu­ni­ca­tions inter­na­tio­nales (Mar­seille, Lyon, Stras­bourg…). Aucune n’est cepen­dant encore arri­vée à consti­tuer une tech­no­pole com­pa­rable à celle de la Sili­con Valley.

FIGURE 1
LA CONSTELLATION DES SOUS-TRAITANTS DE CITROËN
LA CONSTELLATION DES SOUS-TRAITANTS DE CITROËN
Source : Phi­lip­pon­neau – Le modèle indus­triel bre­ton (1993).​


Les ter­ri­toires à domi­nante rurale
que nous qua­li­fions de « pro­gres­sifs » se carac­té­risent par une bonne capa­ci­té de déve­lop­pe­ment endo­gène, à base de moder­ni­sa­tion agri­cole, d’in­no­va­tions indus­trielles – notam­ment dans l’a­gro-ali­men­taire – sus­ci­tées par de jeunes PME3. Les taux de popu­la­tion active y sont supé­rieurs à la moyenne natio­nale et même dans les zones répu­tées rurales la den­si­té de popu­la­tion est forte (77 dans les Monts du Lyon­nais, 110 en Bretagne).

La Bre­tagne mérite un exa­men par­ti­cu­lier, car il y a cohé­rence et cohé­sion entre les divers acteurs éco­no­miques et poli­tiques. C’est dans les années 50 que le Centre d’é­tudes et de liai­son des inté­rêts bre­tons (CELIB) a fixé les prin­cipes du déve­lop­pe­ment régio­nal, dans la ligne d’un esprit d’au­to­no­mie à l’é­gard du pou­voir central.

On trouve cet état d’es­prit par­tout, sauf dans cer­taines zones de la Bre­tagne cen­trale et de la Cor­nouaille, « fidèles à la démo­cra­tie radi­cale » (l’ex­pres­sion est d’An­dré Sieg­fried), qui sont aujourd’­hui en difficulté.

Ce com­por­te­ment des Bre­tons ne les a pas empê­chés de négo­cier avec l’É­tat des mesures d’ac­com­pa­gne­ment de leurs ini­tia­tives, concer­nant les ser­vices publics, les voies de com­mu­ni­ca­tion, et sur­tout les décen­tra­li­sa­tions indus­trielles dans l’Ouest. En par­ti­cu­lier l’ins­tal­la­tion du CNET à Lan­nion a ame­né dans le pays des ingé­nieurs experts en télé­pho­nie, qui au moment de la crise du télé­phone élec­tro­mé­ca­nique, ont sus­ci­té de nou­velles entreprises.

De même l’ar­ri­vée de Citroën à Rennes a déclen­ché l’ins­tal­la­tion d’é­qui­pe­men­tiers dans un rayon de 50 kilo­mètres, com­pa­tible avec la pra­tique du « flux ten­du » (figure 1).

Deveaux SA dans la vallée de Saint-Vincent de Reims
C’est dans l’é­troite val­lée de Saint-Vincent de Reims (Haut-Beau­jo­lais) que Deveaux SA a réus­si sa per­cée dans le tis­sage et acquis les moyens de rache­ter en 1996 le groupe de confec­tion Biderman.

Par ailleurs les acteurs éco­no­miques et les res­pon­sables poli­tiques ont pris l’ha­bi­tude de se concer­ter, et de per­ce­voir l’in­té­rêt de l’in­ter-com­mu­na­li­té qui s’est déve­lop­pée plus qu’ailleurs (comme dans le Finis­tère, autour de Lan­di­vi­siau)4.

En dehors de l’Ouest, on trouve des foyers moins éten­dus en sur­face. Pour l’in­dus­trie on observe des phé­no­mènes d’a­dap­ta­tion remar­quables dans des branches dif­fi­ciles, telles que le tis­sage dans le Haut-Beau­jo­lais5 (autour de Deveaux SA) et même la recon­ver­sion dans le tis­sage tech­nique et les maté­riaux nou­veaux, comme « le nez du Concorde » dans les terres froides du Bas-Dauphiné.

La muta­tion du can­ton de Saint-Laurent de Cha­mous­set n’est pas moins remar­quable : à par­tir d’une acti­vi­té de façon­nier à la tâche dans les basses qua­li­fi­ca­tions est née une indus­trie élec­tro­nique et on observe le pas­sage de l’ar­ti­sa­nat à l’in­dus­trie sur tout le ter­ri­toire du can­ton6.

Dans le Cho­le­tais et le Haut-Bocage ven­déen, c’est à un déve­lop­pe­ment indus­triel pré­coce et tota­le­ment endo­gène que l’on a assis­té, dans la confec­tion et la chaus­sure, puis dans une grande diver­si­té de branches après les décon­ve­nues du tis­sage. Ce type de déve­lop­pe­ment fait pen­ser par son impor­tance à celui de l’I­ta­lie du milieu (Émi­lie, Frioul…).

L’exemple de Rhône-Alpes (figure 2)

La carte de l’é­vo­lu­tion de l’emploi par can­ton entre 1983 et 1988 est à confron­ter à celle de l’emploi indus­triel en 1988.

On y dis­tingue net­te­ment les zones où l’in­dus­trie est impor­tante mais dif­fu­sée dans les vil­lages et petites villes, et les zones où elle est faible7.

FIGURE 2
RHÔNE-ALPES : LES INDUSTRIES EN MILIEU RURAL
(hors villes > 20 000 hab.) – effec­tifs 1988
RHÔNE-ALPES : LES INDUSTRIES EN MILIEU RURAL - effectifs 1988

Cette répar­ti­tion est héri­tée de la pro­to-indus­trie, car les don­neurs d’ordre des villes de négoce ont dis­tri­bué le tra­vail à la ferme ou dans des manu­fac­tures, comme ceux de Lyon dès le XVIe siècle pour le coton et après 1822 pour la soie­rie. L’in­dus­trie s’est main­te­nue, quand elle a su s’a­dap­ter à chaque phase des muta­tions tech­no­lo­giques et com­mer­ciales, géné­rées par la révo­lu­tion indus­trielle. Il s’y est ajou­té les implan­ta­tions pos­té­rieures, liées à de grands pro­jets natio­naux : élec­tro­mé­tal­lur­gie en Savoie, chi­mie de base et tex­tile syn­thé­tique au péage de Rous­sillon, indus­trie nucléaire à Pierrelatte.

Les dis­tricts issus de la pro­to-indus­trie sont for­més de PMI spé­cia­li­sées dans la même branche d’ac­ti­vi­té et sont répar­tis, sur trois ter­ri­toires : la péri­phé­rie du Haut-Beau­jo­lais coton­nier, les monts du Pilat et le Bas-Dau­phi­né, qui cor­res­pondent à des zones de sol pauvre situées à proxi­mi­té de Lyon et des­ser­vies par des routes à grande cir­cu­la­tion et où les pay­sans recherchent des res­sources de com­plé­ment8.

Les zones plus éloi­gnées ont long­temps vécu en autar­cie et l’ac­ti­vi­té indus­trielle n’a pas résis­té à la concur­rence de la grande industrie.

Entre 1983 et 1988, l’in­dus­trie s’est ren­for­cée là où elle était faible et inver­se­ment. Le nombre d’emplois a aug­men­té à la péri­phé­rie des agglo­mé­ra­tions et aus­si dans les zones péri­phé­riques. C’est ici que s’est pro­duit le phé­no­mène de la « force des pauvres », selon l’ex­pres­sion de l’é­co­no­miste Ph. Aydal­lot. Les jeunes ruraux ne pou­vant plus émi­grer à la ville depuis 1974 ont cher­ché à créer leur propre entre­prise qui sou­vent se réduit à la force de tra­vail du ménage.

L’in­dus­trie dif­fuse s’est main­te­nue en chiffre d’af­faires, mais non en emploi, grâce à des entre­prises per­for­mantes, comme Deveaux SA, dans les sec­teurs concur­ren­cés par les pays à bas salaires comme l’habillement.

Dans les sec­teurs por­teurs, comme le décol­le­tage autour de Cluses et le plas­tique autour d’Oyon­nax, il y a eu pro­gres­sion conti­nue, qui appa­raît mal car les agglo­mé­ra­tions – centres ont dépas­sé 20 000 habi­tants et ne sont pas prises en compte sur la carte de la figure 2.

Les milieux de la fracture sociale : agglomérations industrielles obsolètes et pays ruraux immobilistes

Les agglo­mé­ra­tions indus­trielles qui ont eu leurs heures de gloire pen­dant la pre­mière moi­tié du XXe siècle, mais qui n’ont pas pu ou pas su assu­mer leur recon­ver­sion sont en situa­tion dif­fi­cile. Ce sont les cita­delles du char­bon, de la sidé­rur­gie, de la laine et plus géné­ra­le­ment du tex­tile, de la tan­ne­rie, de la construc­tion navale. Elles sont rejointes par les « ban­lieues à pro­blème » des villes où s’é­taient for­te­ment déve­lop­pés les grands « han­gars à OS » ali­men­tés par l’exode rural et l’im­mi­gra­tion médi­ter­ra­néenne. La rup­ture a été bru­tale : très pré­ci­sé­ment à par­tir de 1974 avec la pre­mière crise pétro­lière et la cas­sure de la crois­sance. Depuis lors, le chô­mage s’y est éten­du, tou­chant par­ti­cu­liè­re­ment les jeunes et la popu­la­tion immigrée.

C’est dans les ban­lieues que le tis­su social est le plus dété­rio­ré, le déra­ci­ne­ment y est plus récent, les rési­dents ont per­du leur identité.

Pour­quoi l’in­dus­trie ne s’est-elle pas adap­tée ? parce que le pro­blème était trop mas­sif et que les diri­geants d’en­tre­prises aus­si bien que les diri­geants poli­tiques ont été débor­dés : ils n’a­vaient ni la com­pé­tence pro­fes­sion­nelle, ni l’in­tel­li­gence sociale que récla­maient les recon­ver­sions à entre­prendre9. Le per­son­nel d’exé­cu­tion, sans qua­li­fi­ca­tion pro­fes­sion­nelle, et nour­rie par la culture ouvrière du XIXe siècle, n’é­tait pas davan­tage préparé !

Il y a donc eu très peu d’ac­ti­vi­tés de rechange qui aient émer­gé, soit par créa­tion de PME, soit par essai­mage d’en­tre­prises venues d’ailleurs ; et pas plus dans les ser­vices que dans l’industrie.

Les pays à domi­nante rurale que nous qua­li­fions d’im­mo­bi­listes ont, sous une forme dif­fé­rente vécu un déclin simi­laire, quoique beau­coup plus lent. Ils s’op­posent point par point au milieu rural pro­gres­sif que nous avons obser­vé plus haut : popu­la­tion de faible den­si­té et sur­tout vieillie, agri­cul­ture de plus en plus exten­sive, indus­trie rési­duelle déca­lée par rap­port au mar­ché, bourgs et villes se momi­fiant avec des volets clos et des com­merces mori­bonds. La ville moyenne n’y joue pas son rôle de relais et il faut s’a­dres­ser direc­te­ment à la métro­pole régio­nale… ou à Paris.

Pour­tant dans cer­taines de ces régions, telles que celles du Midi Médi­ter­ra­néen, la popu­la­tion des can­tons ruraux a ten­dance, depuis 1975, à remon­ter. Il s’a­git en géné­ral de cita­dins fuyant le stress de la ville.

Une mino­ri­té d’entre eux ont pen­sé à leurs moyens de sub­sis­tance et se sont lan­cés dans des acti­vi­tés nou­velles ; c’est ain­si que le Lan­gue­doc-Rous­sillon connaît un des plus fort taux natio­naux de créa­tions d’en­tre­prises. Mais le taux de chô­mage y bat aus­si des records, parce que la com­pé­tence manque trop sou­vent pour faire fruc­ti­fier l’en­tre­prise et que les non-créa­teurs sont la majorité.

Même si elles ne sont pas nom­breuses, les réus­sites prouvent quelque chose d’im­por­tant : il n’y a pas de han­di­cap insur­mon­table au déve­lop­pe­ment d’en­tre­prises per­for­mantes dans un milieu rural répu­té dépri­mé. Chaque dépar­te­ment a sa réus­site ; par exemple :
– dans le Gers : San­se­mat firme de négoce d’ar­ticles pour le bri­co­lage, impor­tés des pays à bas salaires, a atteint 300 salariés ;
– dans la Cor­rèze, la Sicame, fabri­cant d’ac­ces­soires pour le trans­port et la dis­tri­bu­tion d’élec­tri­ci­té, avec 500 sala­riés à Pom­pa­dour, et autant dis­per­sés dans le monde ;
– dans l’A­vey­ron, la cou­tel­le­rie de Laguiole qui a relan­cé, avec une dif­fu­sion mon­diale, un pro­duit jugé périmé.

Le pays doit cepen­dant rem­plir cer­taines condi­tions pour per­mettre ces réussites :
– être rela­ti­ve­ment acces­sible et cli­ma­ti­que­ment confortable,
– n’a­voir aucune hos­ti­li­té à l’é­gard de l’in­dus­trie et de ses contraintes,
– être ani­mé par des res­pon­sables poli­tiques locaux prêts à aider tous les bons pro­jets de PME,
– avoir rom­pu avec les vieux démons de la vieille pro­vince : indi­vi­dua­lisme, jalou­sies, esprit de clo­cher, que­relles politiques…

C’est donc par une patiente action sur la culture ambiante que la fer­me­ture des popu­la­tions « immo­bi­listes » peut se trans­for­mer en ouverture.

Cette action doit pré­ser­ver l’i­den­ti­té des per­sonnes qui est faite prio­ri­tai­re­ment de la maî­trise d’un métier et de l’ap­par­te­nance à une com­mu­nau­té ; c’est le che­min natu­rel pour accé­der à la moder­ni­té. C’est pré­ci­sé­ment celui que, dans le monde agri­cole, la Jeu­nesse agri­cole chré­tienne (JAC) a fait suivre à la géné­ra­tion des années 30 et qui a por­té ses fruits jus­qu’aux années 80.


∗ ∗

Il s’a­git aujourd’­hui de trans­po­ser cette démarche dans une popu­la­tion déjà déta­chée de l’a­gri­cul­ture, mais encore proche de ses racines rurales : la PME consti­tue la tran­si­tion opti­male avec l’ac­ti­vi­té indus­trielle et de ser­vices. Le rôle des PME est essen­tiel pour la recom­po­si­tion des éco­no­mies régio­nales. C’est éga­le­ment par elles que se fera la réin­ser­tion dans une socié­té moderne des popu­la­tions démo­ra­li­sées que nous avons ren­con­trées dans les « agglo­mé­ra­tions indus­trielles obsolètes ».

Le cadre du « pays » ou du « bas­sin de vie » paraît plus pro­pice que celui des vieilles cir­cons­crip­tions admi­nis­tra­tives pour l’or­ga­ni­sa­tion de cette Socié­té moderne rééqui­li­brée : le tis­su des entre­prises pour­ra plus faci­le­ment s’y recons­ti­tuer avec les concen­tra­tions et les dif­fu­sions qui s’imposeront.

Une meilleure com­pré­hen­sion des divers milieux de l’a­mé­na­ge­ment du ter­ri­toire, en pre­nant en compte l’his­toire de chaque région, sa com­plexi­té, et son hété­ro­gé­néi­té, peut appor­ter beau­coup de clar­té sur les marges d’in­ter­ven­tion des acteurs éco­no­miques et politiques.

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1. J.-P. Hous­sel a décrit à maintes reprises la dif­fé­ren­cia­tion entre les milieux d’a­mé­na­ge­ment, en par­ti­cu­lier dans : (1991) « Dyna­mique rurale et socia­bi­li­té catho­lique : les muni­ci­pa­li­tés des régions rurales pro­gres­sives », in Poli­tix n° 15, p. 59–67, (1996) ; « Des uni­tés de vie de la socié­té pay­sanne aux cir­cons­crip­tions d’a­mé­na­ge­ment d’au­jourd’­hui : vita­li­té des pays de Rhône-Alpes », in Hommes et terres du Nord n° 2, p. 75–85.
2. « Pro­gres­sifs » au sens du Petit Robert : « qui s’ac­croît, se déve­loppe, progresse ».
3. F. Caron, « Place et impor­tance des PME dans les sys­tèmes indus­triels fran­çais », p. 61–72 et A. FISCHER « Stra­té­gies de déve­lop­pe­ment des col­lec­ti­vi­tés et stra­té­gies indus­trielles des firmes : réflexions à pro­pos de la per­ti­nence de l’é­chelle locale », direc­teur B. Ganne, (1992), Déve­lop­pe­ment local et ensembles de PME, Grou­pe­ment Lyon­nais de Socio­lo­gie Indus­trielle (Gly­si), 503 pages.
4. M. PHLIPPONNEAU, (1993), p. 287, Le modèle indus­triel bre­ton, 1950–2000, Presses Uni­ver­si­taires de Rennes, 419 pages.
5. Y. DELAIGUE et J.-P. HOUSSEL : » Le renou­veau d’une vieille région d’in­dus­trie dif­fuse : le Haut-Beau­jo­lais », p. 203–218 et A. et J.-P. HOUSSEL : » L’é­vo­lu­tion de la fabrique lyon­naise de soie­ries », p. 196–197, direc­teur J.-P. HOUSSEL, « L’in­dus­tria­li­sa­tion en milieu rural dans la région Rhône-Alpes ». Revue de géo­gra­phie de Lyon, n° 3 (1992), p. 169–240.
6. J.-P. HOUSSEL, « L’in­dus­tria­li­sa­tion d’une région rurale : l’exemple du can­ton de Saint-Laurent de Cha­mous­set (Rhône) », p. 219–230, direc­teur J.-P. HOUSSEL, (1992), op. cit.
7. La pro­to-indus­trie anté­rieure à la révo­lu­tion indus­trielle tra­vaille pour un mar­ché régio­nal, natio­nal ou inter­na­tio­nal, à l’op­po­sé de l’ac­ti­vi­té indus­trielle autar­cique à l’é­chelle de la famille, du vil­lage ou du pays. En rai­son de la fai­blesse de la méca­ni­sa­tion, les struc­tures sont de petite taille. P. DEYON et F. MENDELS direc­teurs, Indus­tria­li­sa­tion et dés­in­dus­tria­li­sa­tion, Annales, Éco­no­mies, socié­tés et civi­li­sa­tions, sep­tembre-octobre 1984, p. 868–990.
8. M.-L. BOURGEON, (1983), « Sta­tis­tique des métiers à soie au ser­vice de la fabrique lyon­naise en 1935–1987 », Les Études rho­da­niennes, 1938, n° 4, p. 215.
9. Il faut se gar­der de géné­ra­li­sa­tions abu­sives. On connaît la recon­ver­sion des familles de fila­teurs de Rou­baix dans la vente par cor­res­pon­dance et la grande distribution.

(*) L’au­teur remer­cie le pré­sident de l’AIM­VER pour les sug­ges­tions faites lors de la rédac­tion de ce texte.

————————————————————————————————————————– Illus­tra­tions Figure 1 : La constel­la­tion des sous-trai­tants de Citroën. Source : Phi­lip­pon­neau – Le modèle indus­triel bre­ton (1993). Figure 2 : Rhône-Alpes : les indus­tries en milieu rural (hors villes > 20 000 hab.) – effec­tifs 1988

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