Thales Alenia Space : l’innovation en orbite
Pouvez-vous nous en dire davantage sur les enjeux actuels liés à ce secteur d’activité ?
L’industrie spatiale traverse aujourd’hui une période de mutations majeures, stimulées par le développement croissant d’applications nouvelles dans le domaine des télécommunications, de la télédétection et du positionnement par satellite.
Ces applications, conjuguées à la mise en orbite de nouvelles constellations au business model ambitieux (Globalstar 2, O3B, Iridium Nest, One Web) conduit les industriels à rechercher des baisses de coûts et des améliorations de performances drastiques.
Cependant, la fiabilité (on ne répare pas les satellites en orbite et leur durée de vie dépasse couramment 15 ans) et la robustesse (l’environnement des satellites – au lancement et en orbite – induit des niveaux de stress très sévères) restent un impératif absolu.
Ce double impératif de performances et de baisse des coûts constitue le challenge auquel est confrontée l’industrie spatiale. Il en va de la compétitivité des solutions satellitaires face aux solutions terrestres.
Quelles sont les innovations qui caractérisent l’industrie spatiale d’aujourd’hui ?
L’innovation concerne l’ensemble des applications et touche à tous les segments de l’industrie spatiale. Dans le domaine des Télécoms, nous voyons se dessiner plusieurs mutations importantes, notamment avec :
- le développement de satellites dotés d’une très grande capacité en bande passante (plus de 500 Gbps), l’enjeu étant un internet pour tous, à très haut débit.
- la conception de satellites flexibles et robustes pouvant s’adapter aux variations de trafics et de missions, durant les 15 ans de durée de vie, qui passe par des charges utiles de plus en plus digitalisées et reprogrammables.
- La réalisation de mégaconstellations de plus de 100 satellites.
En ce qui concerne le domaine de l’Observation de la Terre, la principale mutation concerne l’optique. Nous assistons, en effet, à l’avènement de l’optique active, une technique utilisée pour accéder à des missions toujours plus ambitieuses tout en réduisant la masse et le volume des satellites, ce qui requiert de contrôler et corriger les déformations des miroirs.
Du côté de la détection, nous passons des détecteurs CCD à des capteurs CMOS permettant d’avoir des chaînes de détections plus compactes et plus flexibles. Contrairement à la technologie CCD qui pénalise l’architecture des plans focaux de par la masse et la puissance électrique consommée par les électroniques vidéo, la technologie CMOS permet d’implanter ces fonctions directement sur la puce du détecteur.
Thales Alenia Space est maître d’œuvre pour l’ESA du développement de la 3e génération de la famille des Météosat.
Quelles sont les particularités de cette nouvelle génération de satellites ?
Thales est maître d’œuvre depuis les années 70 des Météosat.
Ces satellites placés en orbite géostationnaire au-dessus de l’Europe et de l’Afrique fournissent à grande cadence des images de ces continents et jouent un rôle essentiel dans la prédiction des phénomènes météorologiques à caractère dangereux et à développement rapides (orages, tempêtes, épisodes de fortes précipitations).
La troisième génération de ces satellites constitue, aujourd’hui, une véritable révolution puisque, d’un point de vue technique, elle sera pour la première fois stabilisée trois axes et permettra une grande souplesse d’observation.
En particulier, les imageurs optiques permettront, désormais, d’observer n’importe quelle zone de l’Europe ou de l’Afrique, à n’importe quel moment pour détecter les phénomènes rapides et dangereux avec une précision géométrique et une richesse spectrale multipliées par 2.
En outre, ces satellites de troisième génération, emporteront pour la première fois un sondeur atmosphérique de haute précision et c’est une première mondiale en orbite géostationnaire. La mission de ce sondeur consiste à faire des coupes verticales atmosphériques pour mesurer les profils de température et humidité et permettra de prédire avec une précision inégalée ces événements potentiellement dangereux et à développement rapide comme les tempêtes ou les ouragans qui sont un objectif majeur de Météosat.
Les satellites jouent également un rôle très important dans le suivi des évolutions du climat.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur les programmes que vous préparez ?
Le prochain enjeu pour l’Europe est le suivi du dioxyde de carbone (CO2), un gaz à effet de serre responsable en grande partie du réchauffement climatique.
Que les satellites soient capables de mesurer les flux de CO2 à la fois en terme d’absorption et d’émission, et également les émissions humaines ou celles des puits naturels (forêts et océans) pour modéliser l’évolution de l’effet de serre et son impact sur le climat, devient donc un défi majeur.
À ce titre, nous travaillons en collaboration avec le CNES sur le projet Microcarb, porteur des efforts européens. Ce satellite est actuellement le principal maillon manquant dans la chaîne de prédiction du changement climatique.
Quelles sont les dernières innovations qui concernent l’altimétrie et l’océanographie ?
Thales est leader en matière d’altimétrie et d’océanographie, depuis les années 90. Grâce à nos altimètres, développés sous l’égide du CNES, nous arrivons à mesurer la montée du niveau des océans ou encore calculer et prédire six mois à l’avance l’évolution des courants océanographiques ayant une influence sur le climat, comme le fameux « El Niño ».
Dans ce même cadre, nous construisons la Sentinelle 3 de Copernicus pour le compte de l’agence spatiale européenne. Il s’agit du premier satellite européen d’océanographie opérationnelle.
En plus des mesures altimétriques, ce satellite aura pour fonction d’étudier les caractéristiques des océans comme la couleur de l’eau ou la température de l’Océan, puisqu’il sera équipé de capteurs optiques extrêmement performants.
Ces systèmes novateurs d’océanographie spatiale permettent aujourd’hui à toute l’Europe d’avoir des bulletins de prévisions des océans utilisables par tous les professionnels.
Quid du projet SWOT développé pour le CNES ?
EN BREF
Leader mondial de l’industrie des satellites, Thales Alenia Space développe des solutions innovantes tant dans le domaine des télécommunications, que de l’Observation de la Terre, des Sciences et de la Navigation.
Parmi les projets phares de Thales Alenia Space, citons en particulier : les constellations de Télécommunications 03B et Iridium Next, les instruments d’observation optique Haute Résolution de Pléiades pour le CNES et de Musis pour la DGA, les satellites de télécommunications Syracuse pour la DGA, la maîtrise d’œuvre du programme EXOMARS pour l’ESA (première mission Europénne à se poser sur Mars) et le prestigieux programme Herschel-Planck qui a permis de retracer les évolutions cosmologiques le Big Bang.
Thales Alenia Space joue également un rôle majeur dans le programme Copernicus avec la maîtrise d’œuvre des satellites Sentinelle‑3, pour l’ESA, consacrés à la climatologie, à l’océanographie et à la surveillance de l’environnement et les satellites JASON pour le CNES, leaders mondiaux de l’altimétrie de précision.
Thales Alenia Space compte près de 7500 collaborateurs répartis dans 6 pays. Son chiffre d’affaires s’élève à 2 milliards d’euros (2013).
Il s’agit, en effet, de développer un altimètre à large fauchée KaRIn (Ka-band Radar INterferometer – radar interféromètre en bande Ka) et le satellite associé.
Grâce à son très large champ de mesure, cet altimètre permettra le suivi des eaux continentales et donc de réaliser des études d’hydrologie cruciales pour l’environnement.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre contribution dans l’amélioration des systèmes d’aide à la navigation ?
L’Europe est en train de se doter d’un système de navigation indépendant (Galileo) complémentaire à son homologue américain (GPS).
Une des innovations majeures que nous avons développée est le système d’aide à la navigation EGNOS, particulièrement utile aux avions. Ce système permet de sécuriser l’intégrité du signal. Certifié pour l’aviation civile, EGNOS écarte toute éventuelle mesure défectueuse et délivre aux avions un signal GPS / Galileo dont l’intégrité est garantie.
Outre EGNOS, nous travaillons sur le développement d’un système ADSB qui vient combler l’une des lacunes majeures du transport aérien pour éviter ainsi tout risque de perdre la trace de certains appareils. L’ADSB émet, en effet, en permanence un signal sécurisé en mode broadcast permettant de localiser l’avion.
EGNOS et l’ADS‑B sont donc deux innovations majeures au service de la sécurité du transport aérien.