The Essential Bach
Ce coffret est passionnant. Son titre racoleur pourrait faire craindre une compilation quelconque alors qu’il s’agit du regroupement de cinq DVD de tout premier plan. Huit heures ne peuvent bien entendu contenir tout le « Bach essentiel » (manquent par exemple des Concertos pour clavier, des Passions, les Variations Goldberg…) mais nous avons ici une très bonne sélection, incluant bien entendu des œuvres complètes.
Le premier DVD contient les six Concertos brandebourgeois par le désormais célèbre Orchestre baroque de Fribourg. La disposition de l’orchestre d’une vingtaine de musiciens, qui varie selon le concerto, est toujours originale : les altistes et violonistes debout à l’arrière, les solistes (dont flûtes en bois, cors naturels, hautbois anciens…) à l’avant, le clavecin au centre. Les instrumentistes, qui jouent souvent en soliste, dialoguent, « concertent » entre eux, ce que la réalisation montre parfaitement. Le premier violon, Gottfried von der Goltz, dirige l’ensemble de sa place, de façon imperceptible, avec des petits signes et œillades discrets, mais efficaces, ce qui signifie que le travail de répétition a dû être considérable. Ces concertos « fribourgeois » seraient déjà remarquables en disque. En DVD, ils sont exceptionnels.
Le second DVD comporte la grande Messe en si mineur avec l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, en format très réduit, enregistrée dans l’église Saint-Thomas de Leipzig dont Bach fut le « Kantor » durant vingt-sept ans. Le chef, Georg Christoph Biller, est l’actuel Kantor de Saint-Thomas. Il dirige l’œuvre dans les conditions de sa création, les chœurs étant constitués d’enfants et d’adolescents, sans femmes. L’image permet de voir l’église pleine à craquer, notamment dans la nef, autour de la tombe de Bach. Le son est superbe, très fin et subtil, l’interprétation est à la fois brillante et recueillie. Ce DVD nous offre l’un des premiers orchestres du monde, dans une des meilleures acoustiques qui soit, interpréter un sommet de la musique occidentale. Voir cette exécution dans ces conditions produit un plaisir rare.
Le troisième DVD présente le premier livre du Clavier bien tempéré dans une approche très originale. Les 24 préludes et fugues sont d’abord partagés entre deux grands pianistes, Andrei Gavrilov et Joanna McGregor. Ensuite, partant du principe que ces morceaux ne sont pas conçus pour être écoutés à la suite, les artistes varient à chaque morceau l’ensemble des conditions d’écoute. Ainsi ils changent de pièce d’enregistrement, de tenue, de coiffure et de bijoux. Le son même varie d’un morceau à l’autre, évitant bien sûr toute monotonie. Gavrilov parcourt douze pièces aseptisées différentes d’un édifice moderne, alors que McGregor nous fait visiter les pièces et les caves du fameux Palau Güell de Barcelone, dessiné par Gaudi. Tout cela serait naturellement accessoire si l’interprétation n’était hautement recommandable.
Le DVD suivant propose quelques pièces célèbres pour orgue (Choral du veilleur, Toccata en ré…), par le grand claveciniste et organiste Ton Koopman. On réalise à nouveau tout ce que permet l’image et que ne permettait pas le simple disque. Nous voyons les claviers, magnifiques, et les belles orgues au sein de la cathédrale Sainte-Marie de Fribourg. On découvre surtout le jeu de l’interprète, ce que l’on ne voit jamais ; la lisibilité des œuvres en est transformée. Les voix se détachent et se suivent parfaitement. On est émerveillé et impressionné par ce que l’on voit (notamment le jeu sur les pédaliers, les claviers sculptés) et ce que l’on entend.
La fin du coffret peut être considérée comme des « bonus », bons compléments mais d’un intérêt moindre. Nous avons notamment une heure de transcriptions pour ensemble de cuivres d’œuvres célèbres ou plus rares. Très bien enregistré (c’est à nouveau l’église Saint-Thomas) et distrayant. Les célèbres Toccata et surtout Fugue en ré mineur sont un final brillant de ce coffret.