The Quiet Girl / Chien de la casse / Le bleu du caftan / Misanthrope / Temps mort / Jeanne du Barry
Treize sur la ligne de départ pour (en principe) cinq places à l’arrivée. Mais la tentation est là : charger un peu la barque – numéro double – pour ne pas aborder l’été malgré tout sans biscuit… D’abord les écartés, recours possibles d’un jour de pluie sur la côte atlantique (?) : Les Complices (Cécilia Rouaud – 1 h 38), un tueur à gages déstabilisé par la vue du sang, très enlevé (avec François Damiens, excellent) ; Brighton 4th (Levan Koguashvili – 1 h 36), un vieux champion de lutte au secours de son fils, couvert de dettes de jeu, attachante tragédie et humbles destins au fatalisme optimiste ; La plus belle pour aller danser (Victoria Bedos – 1 h 32), l’atout-charme de Brune Moulin, plaisant, et Philippe Katerine, excellent ; Burning Days (Emin Alper – 2 h 08), une petite ville, les combines, les arrangements, une légalité alternative et un jeune procureur idéaliste piégé, poisseux, dense et lourd ; Le Principal (Chad Chenouga – 1 h 22), un ressort scénaristique sans aucun enjeu réel, seul bon point Yolande Moreau ; Le cours de la vie (Frédéric Sojcher – 1 h 30), la cinquantaine alourdie d’Agnès Jaoui pour pas grand-chose, juste l’air du temps, mollement ; Omar la fraise (Elias Belkeddar – 1 h 32), ouverture en fanfare, puis tunnel d’ennui, on comprend assez mal, des vues d’Alger, Benoît Magimel, Reda Kateb et là, mystérieusement, sur la fin, un petit charme qui prend. Et puis, les élus…
The Quiet Girl
Réalisateur : Colm Bairéad – 1 h 36
L’enfance, mal aimée, aimée, et l’éclosion toujours miraculeuse d’une affection répondant à une tendresse attentive. Poétique et pudique, retenu et attachant. Catherine Clinch, la petite héroïne, a tout le charme timide et inquiet des attentes fragiles, laissant le spectateur trop ému pour s’essayer au recul.
Chien de la casse
Réalisateur : Jean-Baptiste Durand – 1 h 33
Chien de garde de casse-autos : agressivité, violence et univers dur. Un petit village de l’Hérault. Une amitié tordue et profonde lie Miralès, cuistot extraverti à la paradoxale culture littéraire et au verbe dominateur et excessif, et Dog, taiseux qui est sous son emprise et qu’il maltraite comme chez Camus le vieux Salamano son chien (L’Étranger). Une observation profonde et lucide. Un film marquant.
Le bleu du caftan
Réalisatrice : Maryam Touzani – 2 h 02
Youssef, apprenti d’Halim, l’époux attentionné de Mina dont le cancer du sein récidive, introduit dans la fin de parcours de ce couple uni la fêlure par où s’engouffrent, mais nimbées de sentiments, les pulsions homosexuelles qu’Halim a jusqu’alors limitées au hammam. L’intelligence amoureuse de Mina va sauver ce qui peut l’être et conduire le drame à un dépassement apaisé. Belle description parallèle de l’art magique de la broderie, peinture attachante du quotidien de la petite boutique traditionnelle que Mina et Halim font vivre, et un geste final magnifique d’Halim que partagera Youssef.
Misanthrope
Réalisateur : Damian Szifron – 1 h 58
Très bon thriller. Sans véritable surprise mais avec un pas de côté qui donne le sentiment d’un plus dans cette traque d’un tueur de masse. Ça dézingue à tout va par séquences dans des cadrages spectaculaires savamment maîtrisés. On suit clairement l’enquête, fouillée, quasi documentaire, et les acteurs principaux (le couple des enquêteurs) mettent leur manque assumé de charisme au service de leurs personnages, pour contribuer à un réalisme intéressant de non-super-héros impliqués.
Temps mort
Réalisatrice : Ève Duchemin – 1 h 58
Anti-divertissement, mais passionnante peinture des impasses de la rédemption. Une longue peine accrochée à la volonté de rester droit (Issaka Sawadogo), un toxico sans ressort ni lucidité (Karim Leklou), un jeune des banlieues dépassé par ses fréquentations (Jarod Cousyns) s’enfoncent dans une permission de quarante-huit heures « hors les murs ». Dense, d’une grande acuité psychologique, le film va jusqu’au bout de l’analyse vers le retour sans espoir à l’univers carcéral.
Jeanne du Barry
Réalisatrice : Maïwenn – 1 h 56
L’éreintement dans Le masque et la plume du 21 mai est une injustice. Une question d’anti-pathie pour Maïwenn ? Cette fille a un abattage exceptionnel et emporte tous les obstacles. Il y en a que ça dérange. La Du Barry était d’une beauté remarquable, ce n’est pas la carte de Maïwenn, mais on s’en fout tant elle exsude un élan vital dévastateur. Elle ose tout et ça marche. Elle parvient à nous faire rire et à nous émouvoir, aux côtés d’un improbable et pourtant convaincant Johnny Depp, étayé d’un Benjamin Lavernhe impeccable. On croit à tout, c’est enlevé, c’est maîtrisé, c’est pesé, c’est emballé. On achète.