Quand le monde associatif et des start-up en Biotechnologie de Santé travaillent main dans la main pour la recherche et le développementde nouvelles thérapies innovantes…
Laetitia Clabé-Levère, présidente de l’Association Des étoiles dans la mer, et Zakia Belaid-Sandal, cofondatrice et CEO de THERANOVIR, nous racontent comment elles se sont retrouvées dans la lutte contre le cancer. Elles nous en disent également plus sur les sujets et les enjeux qui les mobilisent au quotidien.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre association, Des Étoiles dans la Mer ?
Laetitia Clabé-Levère : Je suis soignante de profession et cadre de santé formatrice spécialisée en bloc opératoire. Je connais particulièrement bien le cancer du cerveau. J’ai exercé en neurochirurgie et j’ai également été confrontée dans ma vie privée.
À partir de là, j’y ai ressenti le besoin de sensibiliser sur ce cancer très peu connu du grand public et autour duquel très peu de projets de recherche sont en cours. En effet, les moyens alloués à la recherche autour du glioblastome sont limités et, depuis près de 20 ans, il n’y a eu aucune évolution majeure en termes de traitement. En mars 2019, j’ai donc créé l’association Des étoiles dans la Mer pour lutter contre le glioblastome, cette tumeur cérébrale incurable à ce jour.
Au cœur des missions et de l’engagement de l’association, on retrouve le soutien à la recherche alors que la neuro-oncologie est le parent pauvre des financements de la recherche en oncologie de manière générale. Pour ce faire, nous finançons des projets de recherche.
Nous avons une seconde mission d’accompagnement des familles. 90 % des bénévoles de l’association sont des professionnels de santé (médecins, infirmiers, psychologues, ergothérapeutes…) qui soutiennent les familles et les aidants face à ce cancer qui provoque de graves atteintes cognitives.
Enfin, nous avons aussi une mission de sensibilisation de l’opinion publique, mais aussi de l’ensemble de nos parties prenantes, notamment publiques et institutionnelles, comme les élus, le ministère de la Santé et même le président de la République, pour accélérer notamment le processus d’autorisation de mise sur le marché qui peut prendre des mois, voire des années. Le 7 décembre dernier, nous avons co-rganisé la première journée nationale du cancer du cerveau.
THERANOVIR est, quant à elle, une jeune entreprise innovante que vous avez cofondée en 2018. Quel est son périmètre d’action ?
Zakia Belaid-Sandal : Initialement, je suis chercheuse, titulaire d’un PhD en sciences biomédicales et pharmaceutiques et j’ai suivi des formations d’onco-entrepreneur et HEC-Challenge+ en ma qualité de présidente/CEO de la startup. THERANOVIR a vocation à valoriser mes travaux de recherche. Aujourd’hui, THERANOVIR travaille sur le développement de thérapies de rupture pour 3 pathologies étroitement liées : le cancer, l’obésité et les maladies infectieuses. La connexion entre ces pathologies tourne autour d’une plateforme de signalisation régulée par un complexe de protéines que j’avais découvert pendant mes travaux de thèse. À ce jour, il existe plus de 2 000 publications qui mettent en cause ces protéines, la neuropiline‑1 (NRP‑1), la leptine et son récepteur OBR, dans le mécanisme de résistance thérapeutique à la radiothérapie, la chimiothérapie, ou encore leur implication dans les rechutes ou le maintien des cellules souches cancéreuses. Aucune étude ne s’est penchée sur le lien existant entre ces protéines.
Dans le cadre de mes travaux sur des cellules graisseuses, j’ai découvert l’interaction entre ces protéines et mis en évidence leur implication dans les métastases. De manière encore plus intéressante, la découverte de NRP‑1 comme partenaire des deux protéines connues principalement pour leur implication dans l’obésité, ouvre un très grand champ d’investigation pour mieux comprendre cette pathologie métabolique très complexe et qui représente un risque de développement de cancers : en exemple cancer du sein et du colon.
Depuis toujours, je cherche à valoriser une approche translationnelle de la recherche afin d’aboutir à des applications concrètes. Aujourd’hui, la mission et l’enjeu de THERANOVIR sont, premièrement, de sensibiliser le monde scientifique et les différentes autorités de santé à l’existence de ce complexe de protéines Leptine/NRP‑1/OBR pour servir de test compagnon pour les thérapies anti-angiogéniques tel que l’Avastin auquel il existe une résistance avérée des patients. Et, deuxièmement, de développer un anticorps monoclonal contre ce mécanisme de résistance en ciblant ce complexe.
THERANOVIR travaille donc sur le développement de l’anticorps NOV2 unique sur le marché de l’oncologie au regard de sa propriété et de sa capacité à pénétrer dans le noyau des cellules cancéreuses. Actuellement, pour dégrader l’ADN des cellules cancéreuses, on utilise des inhibiteurs de PARP, des ADC…, mais là aussi, les médecins et les patients sont confrontés à de la résistance ou un échec thérapeutique via des mécanismes qui empêchent la molécule chimique d’atteindre le noyau. Avec notre anticorps nous souhaitons solutionner cette problématique, notre anticorps peut aller dans le noyau, dégrader l’ADN et réduire les télomères. Il va également réactiver la réponse immune antitumorale en agissant également sur les cellules du système immunitaire. C’est dans ce cadre que j’ai été amenée à m’intéresser au glioblastome et à découvrir l’association Des étoiles dans la Mer.
En parallèle, nous travaillons aussi sur un second anticorps pour traiter l’obésité et prévenir ainsi l’apparition de cancer chez ces patients, car comme précédemment mentionné, nous avons mis en exergue un lien entre ces pathologies. Sur le plus long terme, il s’agira aussi de traiter aussi les maladies infectieuses.
Comment vous êtes-vous rencontrées ?
Z.B‑S : J’ai découvert Des Étoiles dans la Mer via le réseau LinkedIn. L’association et sa mission ont immédiatement retenu mon attention. Aujourd’hui, dans le monde des associations de patients, très peu d’entre elles s’engagent dans le financement de jeunes startup en Biotech Santé mais beaucoup plus dans la recherche académique/publique . Des Étoiles dans la Mer financent des structures comme THERANOVIR, qui sont très actives dans la recherche, même s’il persiste dans l’opinion publique l’idée reçue selon laquelle la recherche fondamentale est uniquement réalisée par des laboratoires publics ou académiques. Ce financement a permis à THERANOVIR de poursuivre ses recherches et ses développements grâce à un premier investissement de 30 000 euros. Au-delà, c’est aussi une forme de reconnaissance de la pertinence de nos travaux visant à lutter contre le glioblastome et plus largement, toutes les formes de cancers qui expriment notre cible.
Au-delà, j’ai aussi bénéficié de l’aide de l’association afin d’avoir accès aux lignées cellulaires pour pouvoir mener nos recherches. L’association a mobilisé son réseau pour m’aider à lever ce frein. C’est, d’ailleurs, ainsi que notre collaboration a commencé !
L.C‑L : Des étoiles dans la Mer finance effectivement des équipes publiques et privées qui travaillent sur le glioblastome. Nous avons ainsi soutenu à hauteur de 100 000 euros Gliocure, une biotech. Nous soutenons aussi des entités de recherche publique comme Mircade, Gliotex de l’Institut du Cerveau. Nous sommes aussi en lien avec Hemerion Therapeutics.
Et aujourd’hui, quelles sont vos perspectives ?
Z.B‑S : Créée en 2018, THERANOVIR bénéficie d’une licence globale et exclusive de l’Inserm Transfert.
L’enjeu principal est donc de poursuivre nos recherches. À ce stade, nous avons identifié l’anticorps avec lequel nous allons nous engager dans la phase réglementaire. Nous avons, par ailleurs, déposé un brevet. Nous connaissons son mécanisme d’action. Pour identifier les voies de signalisation d’une pathologie et développer un traitement spécifique, il faut non seulement bien connaître la molécule en question, mais avoir aussi une fine compréhension de la maladie. Actuellement, nous nous intéressons au glioblastome, en parallèle des autres types de cancers, avec un focus, néanmoins, sur le développement des thérapies pour les adultes et les cancers pédiatriques où il y a un véritable manque. Dans cette démarche, nous sommes confrontés à un réel frein, car nous avons beaucoup de difficultés à lever des fonds en France pourtant vitaux pour renforcer notre équipe, faire de nouveaux recrutements et continuer à développer notre anticorps qui est prêt à entrer en phase préclinique réglementaire.
Le projet oncologie de THERANOVIR est lauréat du concours iLab 2020. Récemment, THERANOVIR a été lauréate du concours NETVA Boston suite à une sélection par un jury d’experts américains prestigieux. C’est un gage de reconnaissance de la qualité de notre innovation, mais aussi de la pertinence de la recherche que nous menons.
L.C‑L : Pour Des étoiles dans la Mer, le principal défi est de poursuivre la sensibilisation d’un public toujours plus large, car le glioblastome est un cancer qui reste largement méconnu. Alors que tout le monde connaît Octobre Rose, notre objectif, en 2024, est de faire connaître le gris, couleur qui renvoie aux tumeurx cérébrales, en mettant de grands rubans gris sur les principales places de plusieurs villes pour que cette maladie soit plus visible. En parallèle, le mois de mai, mois des tumeurs cérébrales, sera également ponctué d’événements sportifs, culturels et solidaires. Nous allons ainsi organiser une chaîne de nage solidaire de 24 heures. L’association a, par ailleurs, été sélectionnée pour porter la flamme olympique.
Nous prenons part également à tous les événements relatifs au glioblastome, comme la semaine du cerveau. Nous organisons aussi de plus en plus de conférences, de séminaires qui sont des moments propices aux échanges et au partage d’expériences.
À la création de l’association, nous étions 20 adhérents, aujourd’hui, nous sommes 800. Nous avons donc un enjeu de structuration de notre action à l’échelle nationale et notamment régionale pour augmenter notre impact et notre visibilité. Ce début d’année est, enfin, également marqué par la sortie de mon livre, un témoignage personnel, sportif et professionnel sur le glioblastome, que j’ai intitulé Adishat, qui signifie « au revoir » en patois béarnais. Ce livre est aussi un hommage aux victimes, aux patients, et aux familles.