Tour du monde à vélo
Épisode 1 : la route de la soie, de la Turquie à l’Iran
Passionnés de voyages nature, après du kayak au Svalbard (Norvège), plusieurs road trips en Islande et voyages en France à vélo, Anne-Flore (2007) et Martin Perrin (2007) se sont lancés en 2017 pour un tour du monde à vélo sur les traces de la route de la soie.
Derrière le défi sportif se cache le besoin de découvrir le monde et sa complexité, de rencontrer sa riche diversité humaine et culturelle. Mais pour Anne-Flore et Martin, il s’agit aussi de rompre avec un emploi du temps surchargé et de se retrouver en couple pour donner un cap à leur vie. Itinéraire d’une quête de sens à deux.
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Mercredi 5 avril 2017, 23 h 10. Allongés dans nos sacs de couchage, nous contemplons le grand saut en avant que nous préparons consciencieusement depuis des mois. Nos deux vélos sont dans des cartons dans l’entrée de notre appartement, avec nos quelques sacoches.
Demain matin aux aurores, nous prenons l’avion pour Erzurum en Turquie. Nos premiers mois de voyage nous mèneront sur les traces de la route de la Soie à travers le Caucase, l’Iran, les pays de l’ex-bloc soviétique en ‑stan (Turkménistan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Kirghizistan, Kazakhstan) puis en Chine.
RETOUR EN SELLE
Le quotidien à vélo qui nous attend pendant cette année d’aventure, on le connaît un peu. Nous avons déjà traversé l’Europe en tandem pour rejoindre Ankara en Turquie depuis notre petit appartement parisien. Cette fois-ci cependant, l’inconnu est plus grand, tant culturellement, que sur les reliefs et paysages traversés.
Dès les premiers jours, nous retrouvons l’autonomie et la liberté que nous apprécions tant. Avec notre réchaud et notre tente nous pouvons manger et dormir où et quand nous le souhaitons, ce qui ne nous empêche pas de profiter également de quelques nuits dans un bon lit et de déguster les spécialités locales dans les restaurants.
DU PAIN, DES OLIVES, DU FROMAGE ET DU THÉ
La Turquie nous éblouit de nouveau par son incroyable hospitalité. Dès notre premier jour, alors que nous mettons nos goretex pour parer à une petite pluie, nous sommes invités au fond d’un garage, où s’affairent les mécanos, à partager le déjeuner avec plusieurs d’entre eux.
Le repas est simple : du pain, des olives, du fromage servis sur du papier journal. Ils sont accompagnés, bien sûr, par le traditionnel thé turc, dont l’infusion puissante est généralement calmée par plusieurs morceaux de sucre.
Nous échangeons quelques mots, et surtout beaucoup de sourires. C’est pour ce type de rencontre humaine naturelle et authentique que nous apprécions tant le voyage à vélo. Nos vélos sont nos meilleurs alliés, ils attirent la curiosité des habitants et servent de prétexte à la rencontre.
LEÇON D’HOSPITALITÉ TURQUE
Cette région au nord-est de la Turquie est assez reculée, c’est encore l’hiver et des chutes de neige freinent notre progression. Alors que nous approchons du lac Çildir, nous nous arrêtons dans une mosquée pour nous abriter.
Deux hommes adorables nous abordent et nous emmènent nous réchauffer autour du poêle. Puis l’un d’eux nous fait comprendre par mimes qu’il nous invite à déjeuner chez lui. C’est tout au bout du village, un sol de terre, un poêle. Sa femme nous accueille avec un large sourire, et ils nous installent devant leur table à manger.
Une soupe simple, du boulgour, un peu de canard. Elle s’assure que nous ne manquons de rien. Nous leur montrons notre projet de parcours sur une carte, la communication est facile par mimes. Alors que nous repartons, la femme craint qu’Anne-Flore ne soit pas assez couverte et tient à lui offrir son manteau.
Elle n’a presque rien et pourtant, elle veut le partager avec nous. Encore une belle leçon turque ! Nous arrivons à lui expliquer que nous avons tout ce qu’il nous faut et la remercions chaleureusement pour son geste.
Nous sommes émerveillés par la gentillesse désintéressée des gens que nous rencontrons, et nous apprenons doucement à recevoir sans donner directement en retour.
En Turquie, des histoires comme celles-ci, il nous en est arrivé tous les jours. Et tous les voyageurs que nous avons pu croiser ont des étoiles dans les yeux lorsqu’ils se remémorent l’accueil que leur ont réservé les Turcs.
EN ARMÉNIE, TRINQUER À AZNAVOUR ET SARKOZY
Après la Turquie, changement de monde, nous découvrons le Caucase avec la Géorgie et l’Arménie. Alors que dans l’est de la Turquie, l’islam est bien présent (dans l’habillement, avec le chant des muezzins, et on ne trouve pas d’alcool dans cette partie de la Turquie), nous passons en région orthodoxe.
Dès notre première nuit en Géorgie, où nous sommes accueillis par une famille arménienne, nous sentons le changement radical de culture, les shots d’eau-de-vie sont nombreux ! Dans cette région du Caucase, on est tout de suite plongé dans l’ambiance ex-soviétique.
La langue russe est omniprésente, villes et villages ont cette petite touche austère qui nous évoque l’URSS telle qu’on a pu l’apercevoir dans des films ou des livres. Il faut savoir briser la glace : les Arméniens peuvent paraître froids, mais un petit Parev (Bonjour) suffit pour illuminer les visages et lancer les discussions et les invitations pour célébrer l’amitié franco-arménienne.
Ici, le passeport français est un vrai sésame. Nous avons beaucoup trinqué à cette amitié entre nos deux pays puis, dans l’ordre de préférence pour les Arméniens, à Aznavour, à Poutine et à Sarkozy qui a apparemment marqué les esprits en Arménie !
L’IRAN DÉVOILÉ
En Arménie, nos cuisses se musclent et alors que nous passons notre dernier col du pays, le paysage change soudainement : les pins et la verdure ont disparu et un paysage bien plus aride s’offre à nous. Une rivière très sécurisée fait office de frontière naturelle. Un pont à traverser et nous entrons en Iran.
En Iran, quelle hospitalité ! Régulièrement invités pour plusieurs jours dans des familles, nous nous y sentons comme à la maison.
Après quelques coups de pédale, la légère appréhension de rouler dans ce pays tout juste sorti de l’embargo disparaît. Nous découvrons des Iraniens adorables, toujours prêts à nous rendre service, désireux de nous inviter et d’échanger sur l’Occident.
Cet Occident dont les images tournant à la télévision entretiennent les fantasmes, pour le meilleur et pour le pire. L’Iran est un pays à deux visages. Dans la rue les femmes sont voilées, de façon plus ou moins stricte selon qu’on est en ville ou à la campagne, alors que dans les maisons les voiles tombent au sens propre comme au sens figuré et les langues se délient.
Nous découvrons un peuple bien plus moderne que l’on ne l’imaginait, l’Iran nous apparaît sur la voie de l’ouverture contrairement à la Turquie. Mais surtout quelle hospitalité ! Régulièrement invités pour plusieurs jours dans des familles, nous nous y sentons comme à la maison.
SPLENDEURS PERSANES ET CHOC CULTUREL
À Téhéran, nous faisons nos demandes de visas pour les pays en ‑stan maintenant que nous connaissons mieux notre rythme de pédalage. Et les quelques jours d’attente desdits visas nous permettent de prendre le car et de faire un peu de tourisme. Nous découvrons Ispahan et sa place Naghsh‑e Jahan qui sera un énorme coup de cœur architectural.
Mais l’Iran, c’est aussi une vision complètement différente de l’espace privé réservé à chacun. Pour nous qui avons régulièrement besoin d’être au calme, les constantes sollicitations seront parfois un peu pesantes.
Voyager nous permet de découvrir le monde et de découvrir d’autres cultures, mais nous permet aussi de mieux nous connaître et de faire tomber nos préjugés.
À suivre…