Tour du monde à vélo
Épisode 3 : de l’Empire du milieu au Tibet historique
Suite des aventures cyclistes de nos camarades Anne-Flore (2007) et Martin Perrin (2007) , à la découverte de la Chine et de ses saisissants contrastes, en passant par le Tibet historique. Modernité et traditions, agacements et fous rires, une traversée riche en surprises et parfois déroutante.
Épisode 1 : de la Turquie à l’Iran
Épisode 2 : les républiques en ‑stan
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Nous vous avions laissés au Kazakhstan, alors que nous nous apprêtions à passer la frontière chinoise. Le contraste est fort entre les deux pays : côté kazakh, nous traversons un village sans trottoir avec de nombreuses maisons abandonnées, le chant d’un imam retentit. Côté chinois, nous apercevons au loin un ballet de grues et les bâtiments du poste frontière sont flambant neufs.
Tribulations administratives chinoises
Le visa chinois a été très difficile à obtenir. Alors, quand les douaniers font de drôles de têtes en traitant nos passeports, appelant leurs supérieurs à maintes reprises, nous sommes un peu inquiets.
Mais le seul problème est que nos noms et prénoms sont trop longs pour les cases de leurs formulaires…! D’ailleurs ce problème se répétera à maintes reprises pour réserver des billets de train ou enregistrer notre passage dans un hôtel.
Chocs culturels
Après le passage de la frontière, nous arrivons dans une ville qui nous semble immense, avec ses allées à cinq voies, ses lampadaires dorés et nombreux parterres de fleurs, ses immenses ronds-points avec des agents en costume qui y font la circulation. La ville avait la taille d’un village sur notre GPS et se révèle de grande taille.
Bienvenue en Chine ! Ici les routes évoluent si vite que même les applications GPS sur smartphone n’arrivent pas à suivre !
Ce qui nous frappe dès notre arrivée, c’est le bruit permanent qui est la norme. Dans les restaurants, les nouilles sont avalées à grand renfort de slurp, et hommes et femmes rotent dans l’indifférence la plus totale de leurs voisins.
Étape en train au milieu de l’Empire
Nous roulons deux jours pour atteindre Yining, où nous prendrons le train pour Golmud (via deux correspondances, une nuit dans un train, et pas moins de 3 000 km parcourus). Nous roulerons dans les provinces du Qinghai puis Sichuan et Yunnan. Ces régions de l’ouest de la Chine sont bien moins densément peuplées que l’Est et ses immenses mégalopoles.
Nous aurions aimé passer plus de temps en Chine mais notre visa de 30 jours renouvelable une seule fois ne nous permet pas de traverser tout le pays à vélo. Nous souhaitons aussi rouler sur le plateau tibétain et l’altitude y étant souvent supérieure à 4000 m, nous ne souhaitons pas y arriver début septembre pour ne pas subir de températures trop difficiles.
Par rapport à l’image de la Chine en Occident, nous avons été impressionnés par les champs d’éoliennes et de panneaux solaires que nous avons vus depuis le train. Les Chinois mettent clairement l’accent sur le développement des énergies propres.
Le Tibet historique
Nous n’avons pas pu nous rendre dans la région autonome du Tibet. Pour les étrangers, il faut être accompagné d’un guide qui coûte plusieurs centaines d’euros la journée et le circuit se limite souvent à Lhassa et ses alentours. Autant dire que s’y rendre en individuel à vélo est un doux rêve.
“Ici les routes évoluent si vite que même les applications GPS sur smartphone n’arrivent pas à suivre!”
En revanche, une partie des provinces du Qinghai, du Sichuan et du Yunnan est à population tibétaine d’où les appellations « Tibet historique » ou « Grand Tibet » utilisées par les tibétologues et le gouvernement tibétain en exil.
Nous rencontrons, dès nos premiers jours de vélo sur le plateau, beaucoup de Tibétains. La météo, un peu difficile au départ avec de la neige et de la pluie, a facilité les rencontres, les familles nous invitant facilement à manger ou dormir chez eux, à boire un thé au beurre de yack pour nous réchauffer.
Confort sommaire mais connecté
Nous passons des soirées à rire en prononçant chacun notre tour les noms des différents objets qui nous entourent dans la langue de chacun, et en essayant de répéter le mot dans la langue de l’autre.
La nourriture sur le plateau tibétain est très simple : du thé, de la farine d’orge grillée à laquelle sont ajoutés du thé et du beurre de yack pour former des boules (c’est la tsampa), du beurre et du lait de yack, et des beignets ou pains vapeur.
Certaines infrastructures vont moins vite que la technologie : au Tibet, les toilettes sont « au fond du jardin » sans eau courante, mais tout le monde a un smartphone avec couverture 4G et nous trouvions partout des réseaux wifi.
Dans les maisons, l’eau courante est rarement présente et, souvent, seule la rivière proche apporte l’eau. Cela contraste beaucoup avec l’état des routes : un asphalte parfait ! On aurait pu rouler en vélo de route dans cette zone.
Diplomatie asiatique
Une des difficultés alors que nous sommes toujours dans la zone (immense) du Tibet historique est le renouvellement de notre visa. Plusieurs fois les policiers nous diront que l’on peut renouveler notre visa dans telle ou telle ville sur notre passage mais sans succès.
“Pas d’eau courante, mais nous trouvions partout des réseaux wifi”
Après un premier énervement, nous comprenons qu’ils ont transformé la réalité pour ne pas nous exprimer un refus de manière directe. D’ailleurs ils sont vraiment désolés pour nous et nous accompagnent à la gare de bus pour nous aider à prendre nos billets pour la ville de Kangding où nous pourrons renouveler le précieux sésame.
En France, on ne nous aurait jamais « menti » sur les possibilités de renouvellement dans telle ou telle ville mais jamais un policier n’aurait fait l’aller-retour à la gare pour nous aider à prendre des billets de bus. La Chine est vraiment déboussolante : nos repères habituels sont brouillés !
Fous rires chinois
Ici, nous sommes dans un autre monde, un nouveau monde. Les Chinois nous demandent rarement notre itinéraire avant d’être entrés en Chine mais sont très curieux des régions que nous avons traversées au sein de la Chine. Nous mettons toujours un peu de temps à faire comprendre que nous ne parlons pas chinois : après un mouvement de tête compréhensif, notre interlocuteur nous quitte rapidement l’air d’avoir une bonne idée en tête.
Il revient quelques minutes plus tard avec une feuille sur laquelle est écrit, en caractères chinois, ce qu’il voulait nous dire. La meilleure solution que nous avons trouvée ensuite est d’écrire « Ceci est notre alphabet » sous la phrase en chinois, ce qui ne manquait pas de donner un long fou rire à notre interlocuteur passant ensuite le papier à tous ses voisins, riant de bon cœur eux aussi !
Nous ne comptons plus le nombre de fois où cela nous est arrivé !
Un vrai génie civil
Dans le Yunnan, nous découvrons la ville « historique » de Lijiang, un bon exemple de centre touristique à la chinoise. Le centre-ville a été entièrement refait dans la plus pure tradition architecturale, ce qui est assez surprenant pour nous. En France, aujourd’hui, il est plus usuel de réhabiliter ou restaurer mais pas de démolir pour reconstruire à neuf.
L’avantage de la solution chinoise est que leurs artisans ont conservé les savoir-faire de la construction, entre autres un travail du bois très délicat.
Du thé du meilleur cru
Au fur et à mesure que nous progressons dans le Yunnan, la forêt se fait plus dense et humide : nous sentons que nous nous approchons de l’Asie du Sud-Est. Nous arrivons dans la région de Pu’erh, où sont fabriquées les galettes de thé Pu’erh.
Préparées de cette façon, les galettes de thé peuvent être conservées plusieurs années, le thé mûrit. Et comme le vin, son coût augmente avec le temps. Le thé Pu’erh a un arôme de sous-bois et de cave très caractéristique.
Nous quittons avec regret la Chine pour le Laos, où les Chinois sont tout de même bien présents : dès qu’il y a du génie civil en cours de construction (en particulier des barrages ou le réseau ferré), ce sont les entreprises chinoises qui sont à l’œuvre.
Gorges du saut du tigre, Yunnan, Chine.